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Festival d'Avignon: "Les Damnés" glacent d'effroi le public du

Avignon (AFP) – La Comédie-Française a fait son retour mercredi soir après 23 ans d’absence au Festival d’Avignon avec un spectacle puissant, glaçant par sa violence et sa portée politique, mis en scène par Ivo van Hove à partir du scénario des « Damnés » de Visconti.

C’est une pièce atypique pour la Comédie-Française, rompue aux grands textes, qu’a conçue le flamand Ivo van Hove: beaucoup de vidéo, de musique « live » parfois assourdissante, et des gros plans qui mettent à nu les acteurs.

Ivo van Hove, qui a déjà signé à 57 ans une centaine de spectacles dont plusieurs adaptations de films, comme « Rocco et ses frères » et « Ludwig » de Visconti, est considéré comme un des géants européens de la scène théâtrale.

« Les Damnés », sorti sur les écrans en 1969, raconte la descente aux enfers en 1933 d’une grande famille allemande, propriétaire d’aciéries convoitées par le Reich. De compromis en assassinats, la famille bascule dans la haine et le nazisme.

« Le spectacle raconte très clairement comment une société qui était considérée comme arrivée à un point de haute culture, de grand progrès, qui avait été une grande démocratie, comment un pays civilisé consent à la barbarie », raconte Denis Podalydès, qui joue le rôle de Konstantin, fils cadet de la famille et membre des SA.

La pièce s’ouvre sur des images d’archives de l’incendie du Reichstag. Mais bien que située très clairement dans son époque, elle a « des résonances aujourd’hui », souligne Ivo Van Hove.

« On voit partout, en Europe mais aussi dans le monde, en Amérique, une montée des populismes et de l’extrême droite. Il y a quelque chose qui donne à réfléchir, quand un chef d’Etat, un politicien nous dit de suivre nos sentiments profonds, nos pulsions ».

Le public ne sort pas indemne de cette plongée dans la noirceur de l’homme. Il est directement interpellé: après chaque meurtre, les lumières se rallument, la caméra se tourne vers les gradins et le public se voit subitement à l’image sur l’écran en fond de scène. « Et nous, qu’aurions-nous fait? » est alors la question qui se pose à chacun.

« Les Damnés » comportent beaucoup de scènes violentes, y compris sexuelles. La Comédie-Française a d’ailleurs prévenu ses abonnés que « certaines scènes de ce spectacle sont susceptibles de heurter la sensibilité des plus jeunes ».

Le personnage de Martin, le jeune héritier des aciéries joué par Helmut Berger dans le film, est terrifiant, même si ses agressions pédophiles sont suggérées bien davantage que montrées.

Le jeune homme à l’identité sexuelle ambigüe est formidablement incarné par un des jeunes comédiens du Français, Christophe Montenez, dans une distribution de haut vol (Guillaume Gallienne, Eric Génovèse, Elsa Lepoivre, Loïc Corbery, etc.)

– Rituel de mort –

Le choix d’Ivo van Hove pour diriger la troupe répond « au désir profond de se confronter à d’autres metteurs en scène », souligne Denis Podalydès. Avec Ivo van Hove, « on est dans un monde qui fait se croiser théâtre et cinéma de façon extrêmement savante et créatrice et c’est passionnant ».

Sur scène, un caméraman évolue comme un chat, filmant, souvent en gros plan, les acteurs dont l’image est projetée en fond de plateau.

Certains spectateurs peuvent juger l’image envahissante. D’autres seront soufflés de la richesse de sentiments qui passe sur le visage du patriarche des aciéries (Didier Sandre), filmé en gros plan alors qu’il est déchiré par son choix de céder au pouvoir nazi.

« J’ai voulu donner au spectateur le sentiment d’être très proche, presque d’entrer sous la peau des personnages », dit le metteur en scène.

La pièce déroule un rituel macabre: chaque corps assassiné est emmené sur une musique liturgique vers les six cercueils situés en bord de scène.

Ce rituel s’est imposé « immédiatement » à Ivo van Hove. « Il donne quelque chose de mythique, de presque religieux au spectacle », dit-il. « Il y a du Macbeth là dedans, et de la tragédie grecque ».

Loic Corbery, Denis Podalides et Guillaume Gallienne lors d'une répétition de la pièce "Les damnés" le 4 juillet 2016 à Avignon. © AFP

© AFP ANNE-CHRISTINE POUJOULAT
Loic Corbery, Denis Podalides et Guillaume Gallienne lors d’une répétition de la pièce « Les damnés » le 4 juillet 2016 à Avignon

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