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Hollande fustige l'embauche de Barroso par Goldman Sachs

Paris (AFP) – « Moralement inacceptable » : le président français François Hollande a joint sa voix jeudi au concert de critiques qui s’abattent sur l’ancien président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, depuis son recrutement par la banque d’affaires Goldman Sachs.

Le gouvernement socialiste français avait déjà « solennellement » demandé mercredi  à l’ancien Premier ministre portugais conservateur, qui a dirigé pendant dix ans (2004-2014) la Commission de Bruxelles, de « renoncer » à ce poste dans les affaires.

M. Barroso, dont le bilan à la tête de la Commission faisait aussi l’objet de critiques à gauche, a été embauché la semaine dernière par la banque américaine pour la conseiller sur les changements liés à la sortie prévue du Royaume-Uni de l’Union européenne (UE).

Or, M. Barroso dirigeait la Commission au moment de la crise de 2007 « provoquée par ce qu’on appelle les subprimes, dont Goldman Sachs était un des établissements-phares », a rappelé le chef de l’Etat français dans sa traditionnelle interview télévisée du 14 juillet, jour de la Fête nationale.

« C’est Goldman Sachs qui conseillait les Grecs et maquillait les chiffres que la Grèce il y a quelques années avait donnés à l’Union européenne », a-t-il encore relevé, évoquant le trucage des comptes publics de ce pays au début des années 2000 pour favoriser son entrée dans la zone euro.

« Et on apprend quelques années plus tard que M. Barroso va rejoindre Goldman Sachs ? C’est juridiquement possible mais moralement, ça touche la personne, c’est moralement inacceptable », a asséné François Hollande, qui avait désigné pendant sa campagne électorale de 2012 la finance comme étant « son ennemi ».

Son intervention est la dernière d’une longue liste de responsables de gauche en France, mais aussi au Portugal, qui, depuis une semaine, crient au « conflit d’intérêts » et mettent en garde contre les effets négatifs de cette nomination pour l’image de l’UE, déjà bien mal en point.

La chef de file de l’extrême droite française, Marine Le Pen, n’a d’ailleurs pas manqué de surfer sur la polémique, jugeant que la nouvelle n’avait « rien d’étonnant pour ceux qui savent que l’UE ne sert pas les peuples mais la grande finance ». 

– 20 mois –

L’intéressé a, quant à lui, écarté d’un revers de la main tous ces reproches. « Si l’on reste dans la vie politique, on est critiqué pour vivre aux crochets de l’Etat, si l’on va dans le privé, on est critiqué pour tirer profit de l’expérience acquise dans la politique », avait-t-il déclaré samedi à l’hebdomadaire portugais Expresso.

De son côté, la Commission a souligné que ses anciens membres restaient « liés par des obligations d’intégrité, de discrétion et de secret professionnel » quelles que soient leurs futures fonctions.

Un « code de conduite » impose aux ex-commissaires européens de demander une autorisation à leur ancien employeur avant de pouvoir rejoindre un groupe privé, mais cette clause ne vaut que dans les 18 mois suivant la fin de leur mandat.

José Manuel Barroso a attendu 20 mois pour rallier la banque de Wall Street.

Plusieurs voix se sont donc élevées pour demander un durcissement de ces règles, dont le secrétaire d’Etat français aux Affaires européennes Harlem Désir et la Médiatrice européenne Emily O’Reilly qui est chargée d’examiner les plaintes à l’encontre des institutions de l’UE.

« Tout ce qui semble aller à l’encontre de l’esprit de la loi risque d’affaiblir la confiance du public envers l’UE », a-t-elle noté mardi. « Cela affaiblit aussi les démarches positives que la Commission a entreprises jusqu’ici sur des questions éthiques et rend un très mauvais service à tous les responsables consciencieux de l’UE. »

« Le droit de travailler doit être mis en regard du droit des citoyens à avoir une administration éthique, surtout quand il s’agit de ceux qui détiennent les positions les plus importantes », a-t-elle encore estimé.

Les liens entre l’UE et Goldman Sachs ne commencent pas avec M. Barroso. Le patron de la Banque centrale européenne (BCE) Mario Draghi est un ancien de cette banque d’affaires, où il a travaillé trois ans. Et d’anciens commissaires à la concurrence (le Belge Karel Van Miert et l’Italien Mario Monti) furent des conseillers de l’établissement.

L'ancien président de la Commission européenne Jose Manuel Barroso à Bruxelles, le 24 octobre 2014. © AFP

© AFP/Archives EMMANUEL DUNAND
L’ancien président de la Commission européenne Jose Manuel Barroso à Bruxelles, le 24 octobre 2014

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