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Japon : l’ancien Premier ministre Shinzo Abe tué par balle

Shinzo Abe, ancien Premier ministre nippon en poste jusqu’à 2020, a été attaqué par balle lors d’un meeting politique vendredi matin, avant de succomber à ses blessures. « C’est un acte barbare en pleine campagne électorale, qui est la base de la démocratie, et c’est absolument impardonnable », a dénoncé le chef du gouvernement japonais Fumio Kishida. Les précisions de notre partenaire Europe1.

L’ancien Premier ministre japonais Shinzo Abe est décédé à l’hôpital vendredi, selon des médias locaux, quelques heures après avoir été blessé par balles en plein meeting électoral, un attentat qui a suscité une vive émotion au Japon et à l’étranger. « D’après un haut responsable du PLD, (le Parti libéral-démocrate au pouvoir au Japon, NDLR), l’ancien Premier ministre Abe est mort à l’hôpital » de Kashihara dans le département de Nara où il avait été transféré après l’attaque, a annoncé la chaîne de télévision publique NHK. Il avait 67 ans.

« Un acte barbare »

« C’est un acte barbare en pleine campagne électorale, qui est la base de la démocratie, et c’est absolument impardonnable », avait dénoncé le Premier ministre japonais Fumio Kishida lors d’une conférence de presse en début d’après-midi, avant que le décès de Shinzo Abe ne soit confirmé. Visiblement très ému, M. Kishida avait dit « prier » pour la survie de M. Abe, son ancien mentor politique, dont il avait été ministre des Affaires étrangères de 2012 à 2017.

Selon la chaîne de télévision publique NHK, M. Abe avait été emmené à l’hôpital en « arrêt cardio-respiratoire » – un terme utilisé au Japon indiquant l’absence de signe de vie, et précédant généralement un certificat de décès officiel. L’ancien chef de l’exécutif prononçait un discours en fin de matinée près d’une gare à Nara, dans l’ouest du Japon, lors d’un rassemblement de campagne électorale en vue des élections sénatoriales de dimanche, lorsque des coups de feu ont été entendus, ont indiqué la chaîne nationale NHK et l’agence de presse Kyodo.

Un suspect interpellé

Un homme d’une quarantaine d’années a été désarmé et arrêté pour tentative de meurtre, selon la NHK, citant des sources policières. Selon plusieurs médias locaux, le suspect serait un Japonais de 41 ans ayant par le passé appartenu à la Force maritime d’autodéfense japonaise, la marine nippone.

Des images de la NHK ont montré des policiers japonais portant des équipements de protection pénétrer vendredi après-midi dans un bâtiment identifié par la chaîne de télévision comme le domicile du suspect. Sur des images de la NHK montrant le moment de l’attaque, on voit M. Abe debout sur un podium, puis une forte détonation retentit et de la fumée se dégage. Tandis que les spectateurs surpris par la détonation se baissent, plusieurs personnes en plaquent une autre à terre.

Un attaque commise au moment d’un discours

Abe « prononçait un discours et un homme est arrivé par derrière », a déclaré à NHK une jeune femme présente sur les lieux. « Le premier tir a fait le bruit d’un jouet. Il n’est pas tombé et il y a eu une grosse détonation. Le deuxième tir était plus visible, on pouvait voir l’étincelle et de la fumée », a-t-elle ajouté. « Après le deuxième tir, des gens l’ont entouré et lui ont fait un massage cardiaque », a-t-elle encore témoigné. M. Abe s’est effondré et saignait du cou, a déclaré une source du Parti libéral-démocrate (PLD, droite nationaliste au pouvoir) à l’agence de presse Jiji. Des responsables locaux du PLD ont précisé n’avoir reçu aucune menace avant l’attaque et que cette prise de parole de M. Abe avait été annoncée publiquement.

Ancien chef du PLD, M. Abe était le Premier ministre japonais à être resté le plus longtemps au pouvoir. Il avait été en poste en 2006-2007, puis de nouveau de 2012 à 2020. Il avait été contraint de démissionner pour des raisons de santé mais restait très influent au sein du PLD, dont il contrôlait la principale faction au Parlement.

Les réactions ont afflué du monde entier après l’attaque

« C’est un moment très, très triste », a déclaré vendredi le secrétaire d’État américain Antony Blinken, ajoutant que les Etats-Unis étaient « profondément tristes et profondément préoccupés » par l’attaque. « Nos pensées, nos prières sont avec lui, avec sa famille, avec le peuple japonais », a-t-il ajouté. « Abe-san a été un dirigeant exceptionnel du Japon et un allié indéfectible des États-Unis. Le gouvernement et le peuple américains prient pour le bien-être d’Abe-san, de sa famille et du peuple japonais », a déclaré l’ambassadeur américain au Japon, Rahm Emanuel. Le président du Conseil européen Charles Michel s’est dit « choqué et attristé » par l’attaque « lâche » contre M. Abe, qu’il a décrit comme un « véritable ami, farouche défenseur de l’ordre multilatéral et des valeurs démocratiques ». Le Japon n’a rien connu de tel « depuis plus de 50 à 60 ans », a déclaré à l’AFP Corey Wallace, maître de conférences à l’université de Kanagawa et spécialiste de la politique nippone. Selon lui, le dernier incident similaire au Japon était l’assassinat en 1960 de Inejiro Asanuma, le dirigeant du Parti socialiste japonais, poignardé par un étudiant proche de l’extrême-droite. « Mais deux jours avant une élection (et un homme) si important (…) c’est profondément triste et choquant », a-t-il ajouté.

L’une des législations les plus strictes en matière d’armes à feu

Le Japon dispose de l’une des législations les plus strictes au monde en matière de contrôle des armes à feu, et le nombre annuel de décès par de telles armes dans ce pays de 125 millions d’habitants est extrêmement faible. L’obtention d’un permis de port d’armes est un processus long et compliqué, même pour les citoyens japonais, qui doivent d’abord obtenir une recommandation d’une association de tir, puis se soumettre à de stricts contrôles de police.

Un nationaliste qui a profondément marqué le pays

Détenteur du record de longévité à la tête de son pays, Shinzo Abe a profondément marqué la vie politique du Japon, résistant à de nombreux scandales politico-financiers autour de lui et ses proches. Ce nationaliste, teinté de pragmatisme, avait 52 ans lorsqu’il est devenu chef du gouvernement pour la première fois en 2006, le plus jeune de l’après-guerre dans son pays. Il avait notamment marqué les esprits durant son deuxième passage au pouvoir (2012-2020) avec une politique de relance économique audacieuse et une intense activité diplomatique, mais qui ont laissé un profond sentiment d’inachevé.

À l’été 2020, alors qu’il était devenu impopulaire pour sa gestion de la pandémie jugée maladroite par l’opinion publique, il avait reconnu qu’il souffrait d’une maladie inflammatoire chronique de l’intestin, la rectocolite hémorragique et avait démissionné peu après. Cette maladie était déjà l’une des raisons de la fin abrupte de son premier passage au pouvoir en 2007. Shinzo Abe s’est fait surtout connaître à l’étranger avec sa politique économique, surnommée « Abenomics », lancée à partir de fin 2012, combinant assouplissement monétaire, relances budgétaires massives et réformes structurelles. Il a enregistré certains succès, comme une hausse notable du taux d’activité des femmes et des seniors, ainsi qu’un recours plus important à l’immigration face à la pénurie de main-d’œuvre. Cependant, faute de réformes structurelles suffisantes, les Abenomics n’ont engendré que des réussites partielles. L’ambition ultime de cet héritier d’une grande famille d’hommes politiques conservateurs était de réviser la Constitution pacifiste japonaise de 1947, écrite par les occupants américains, et jamais amendée depuis.

Ayant bâti une partie de sa réputation sur sa fermeté vis-à-vis de la Corée du Nord, Shinzo Abe prônait aussi un Japon décomplexé de son passé : il refusait notamment de porter le fardeau du repentir pour les exactions de l’armée japonaise en Chine et dans la péninsule coréenne dans la première moitié du XXe siècle. Shinzo Abe s’est cependant abstenu de se rendre en tant que Premier ministre au sanctuaire Yasukuni de Tokyo, haut lieu du nationalisme nippon, depuis que sa visite sur place fin 2013 avait indigné Pékin, Séoul et Washington. Les relations entre Tokyo et Séoul se sont dégradées sur fond de leurs contentieux historiques, tandis que celles avec Pékin, qui s’étaient un peu réchauffées, dans le même temps, demeurent tortueuses. Malgré tout, il a tenté de renforcer la présence du Japon sur la scène internationale, en endossant par exemple un rôle de médiateur entre l’Iran et les États-Unis, promouvant le multilatéralisme et multipliant des accords de libre-échange.

Certaines lois passées sous Shinzo Abe, particulièrement sur le renforcement de la protection des secrets d’État, l’élargissement des missions des Forces japonaises d’autodéfense et le durcissement de la lutte antiterroriste, ont fait polémique au Japon, allant jusqu’à entraîner de vastes manifestations, d’habitude rares dans le pays. Il s’était également longtemps accroché à l’espoir de maintenir les Jeux olympiques de Tokyo à l’été 2020, qui devaient être le point d’orgue de son dernier mandat. Les JO de Tokyo ont finalement eu lieu un an plus tard, à huis clos.

 

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