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Jihadisme: quel fichage pour les radicalisés en France?

Paris (AFP) – Environ 15.000 personnes sont recensées comme radicalisées par le ministère de l’Intérieur, contre seulement une dizaine en 2014. Un fichage au large spectre, de la dérive sectaire au jihadiste en puissance, dont l’usage nourrit le débat politique.

D’où vient ce nombre ?

C’est le nombre de personnes inscrites au Fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT). Créé en mars 2015 et mis en place en juillet 2015, ce fichier comptabilise tous les islamistes radicaux présents en France et susceptibles de constituer une menace, afin d’assigner un service à leur suivi et éviter « les trous dans la raquette ».

On y trouve aussi bien un homme signalé par son employeur parce qu’il ne veut plus serrer la main des femmes, une mineure récemment convertie à l’islam radical ou un homme en lien avec le groupe Etat islamique se disant prêt à passer à l’acte.

Y figurent aussi ceux partis ou soupçonnés d’être en zone irako-syrienne. Une fois entrée dans le fichier, la personne peut être fichée pendant 5 ans.

« Toute l’échelle de la radicalisation y est représentée », résume un policier. On estime à environ 500 le nombre d’individus en cours d’évaluation et à 2.500 le nombre de signalés qui ne nécessitent qu’une simple veille, des chiffres révélés par le JDD et confirmés de source policière.

Ce fichier est alimenté à part égale par les services antiterroristes, les états-majors de sécurité (EMS) dans les départements et par l’exploitation des appels au numéro vert de la plateforme de signalement, lancée en avril 2014. Un appel sur dix au numéro vert donne lieu à un signalement.

Le FSPRT est mis à jour au fur et à mesure des vérifications. Près de 1.200 noms ont été retirés et plusieurs centaines de fiches sont soit en veille soit clôturées. 

Ce fichier, à diffusion restreinte, contient les données personnelles des individus repérés et leurs liens avec d’éventuels autres suspects.  

Quel profil ? 

La majorité des cas concerne des hommes de 18 à 25 ans issus des quartiers périphériques des grandes villes. Près de 20% d’entre eux ont un casier judiciaire. Si la majorité a un niveau d’études générales assez faible, toutes les catégories socio-professionnelles sont représentées.

Les plus âgés avoisinent la quarantaine et le plus jeune a 11 ans. A la mi-septembre, 1.954 mineurs étaient inscrits au fichier (18% du total) dont une majorité de femmes.

Plusieurs centaines de fiches concernent des personnes qui exercent des professions sensibles ou ont accès à des publics sensibles, avait indiqué en mai devant la commission parlementaire sur les attentats Olivier de Mazières, chargé de l’Etat-major opérationnel de prévention du terrorisme (EMOPT). Plusieurs dizaines ont déjà fait l’objet de mesures d’entrave avec par exemple un retrait d’agrément, de carte professionnelle ou d’accès. 

Si aucun département n’est épargné, la majorité des individus concernés sont concentrés dans quatre régions: l’Ile-de-France, Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées, Auvergne-Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte d’Azur.

Tous fichés S ?

Non. Tous les « fichés S » (pour Sûreté de l’état) ne sont pas inscrits au FSPRT, et inversement. Et pour cause, ils ne sont pas tous liés à l’islamisme radical (une « bonne dizaine de milliers » l’est actuellement). La fiche S est un outil de police servant notamment à repérer un individu lorsqu’il tente de passer les frontières. Elle ne justifie pas à elle seule l’inscription au FSPRT. Il faut qu’il y ait d’autres facteurs aggravants, indiquant une radicalisation ou une volonté de passer à l’acte.

La fiche S est une balise et non un indice ou une preuve de culpabilité. Ainsi, transmettre les noms des fichés S de leurs communes aux maires, comme certains le demandent ne serait pas forcément pertinent et actuellement impossible en l’état de la loi. 

Quel suivi ?

« Le FSPRT est le moyen pour nous de discuter en permanence avec nos collègues des autres services pour évaluer les cas dont nous n’aurions pas décelé la dangerosité », avait expliqué en mai le patron du renseignement intérieur Patrick Calvar, devant la commission d’enquête parlementaire sur les attentats. 

Selon une source policière, 4.000 fichés au FSPRT, considérés comme les plus dangereux, sont suivis par la Direction générale de la Sécurité intérieure (DGSI) et plus de 5.000 par le Service central du renseignement territorial (SCRT).

Les personnes qui présentent les signaux les plus faibles relèvent des préfectures et font l’objet d’un traitement social ou para-social dans le cadre des cellules de prévention.

« Le haut du spectre est le plus simple à traiter », expliquait en mai Olivier de Mazières, chargé de l’EMOPT. « La difficulté réside dans le milieu du spectre où l’on trouve des individus qui peuvent relever à la fois d’un travail social et d’un travail policier, qui peuvent passer d’un signal faible à un signal fort rapidement ». A l’image notamment de Yassin Salhi qui avait décapité son patron en juin 2015 à saint-Quentin-Fallavier (Isère).

Ainsi, pour plusieurs sources antiterroristes, l’internement des fichés S les plus dangereux, voulu par Nicolas Sarkozy, est non seulement « anticonstitutionnel » mais « ne règle pas le problème des individus situés au milieu du spectre » et « réduirait à néant les capacités d’investigation ». 

Drapeau tricolore et chapelet le 28 juillet 2016 devant l'église de Saint-Etienne-du-Rouvray, après l'assassinat du père Jacques Hamel, dont les agresseurs étaient fichés "S" . © AFP

© AFP/Archives CHARLY TRIBALLEAU
Drapeau tricolore et chapelet le 28 juillet 2016 devant l’église de Saint-Etienne-du-Rouvray, après l’assassinat du père Jacques Hamel, dont les agresseurs étaient fichés « S »

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