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"Jungle" de Calais: l'Etat essuie une défaite devant la justice

Calais (AFP) – L’Etat a essuyé une défaite dans sa tentative de régenter les activités du camp de migrants de la « Jungle » de Calais, le tribunal administratif de Lille ayant débouté vendredi la préfecture du Pas-de-Calais de sa demande en référé d’éradiquer tous les commerces informels sur le site.

Cette décision, qui constitue une victoire pour les associations, survient alors que, selon ces dernières, la situation s’envenime dans la « Jungle » en raison d’un afflux très important de nouveaux migrants. D’après un comptage réalisé par L’Auberge des Migrants et Help Refugees du 6 au 9 août, 9.106 personnes vivent sur le site, dont 1.750 dans des structures en dur. 

D’ici un nouveau recensement la semaine prochaine, la préfecture du Pas-de-Calais s’en tient à 4.500 migrants, décomptés à la mi-juin. 

Désavoué pour la première fois par la justice depuis l’installation sauvage du campement dit de la lande en avril 2015, l’Etat a annoncé qu’il allait se pourvoir en cassation devant le Conseil d’Etat. En outre, la préfecture a affirmé que « les opérations de contrôle administratif et judiciaire des lieux de vente à la sauvette » avaient « vocation à se poursuivre », le juge n’ayant pas contesté leur légitimité.

En février, le tribunal administratif de Lille avait donné son feu vert à la fermeture de la zone sud du camp, où toutes les tentes et cabanes avaient été enlevées ou détruites. 

Le gouvernement a toujours dit que la « Jungle » n’avait « pas vocation à perdurer ». Mais le sort de la zone nord reste en suspens. « Pour l’heure, nous savons que l’Etat n’a pas les moyens (de la démanteler, ndlr): ils sont en manque de policiers et il n’y a pas assez de solutions de relogement », affirme François Guennoc, de L’Auberge des Migrants.

Peu après la mi-juillet, les autorités avaient déclenché une vaste opération de contrôle des commerces qui ont fleuri dans la « Jungle »: restaurants, épiceries, artisans. 

18 personnes avaient été placées en garde à vue, soupçonnées de « vente à la sauvette ». 42 procédures judiciaires avaient été réalisées « avec saisie et destruction de plus de 30 m3 de marchandises diverses, dont 19 kg de produits avariés », selon la préfecture. Une quinzaine de personnes seront traduites devant le tribunal de Boulogne-sur-Mer le 4 octobre, selon le parquet de cette ville.

– ‘précarité extrême’ – 

La procédure d’urgence introduite par la préfecture devant le juge administratif, qui se fondait sur « un risque d’incendie, d’explosion et d’effondrement » ainsi qu' »un risque sanitaire », s’inscrivait « dans la continuité » de cette action. La préfète Fabienne Buccio demandait « l’expulsion sans délai des occupants des 72 lieux de vente illégaux » et la remise en état des lieux par ces mêmes occupants.

Le juge des référés Jean-François Molla a contesté l’urgence à statuer en ce sens mais aussi l’opportunité d’appliquer des mesures aussi radicales. Dans son ordonnance, il estime que « les préoccupations exprimées par le préfet (…) sont tout à fait compréhensibles » mais que « les conditions d’urgence et d’utilité requises » par la loi « ne sont pas remplies ».

Il reconnaît que ces commerces « ne bénéficient d’aucune autorisation administrative » et que certains « ne respectent pas les règles sanitaires les plus élémentaires ».

Toutefois, souligne-t-il, « ces épiceries, cafés, restaurants remplissent d’autres fonctions » que l’alimentation des migrants qui « vivent dans des conditions de précarité extrême et de total désœuvrement ». Ces lieux, ajoute-t-il, « constituent des lieux de rencontre apaisés entre migrants ».

Conclusion du tribunal: la disparition des commerces « de façon indifférenciée se ferait indéniablement au détriment des migrants ».

Mary Jones, la créatrice du « Kids Café », l’un des lieux visés par la préfecture, s’est dite « ravie » de cette décision: « Nous allons pouvoir resservir des repas chaque jour à quelque 200 enfants de 7 a 18 ans », a-t-elle affirmé lors d’un point presse des associations organisé dans l’artère principale de la « Jungle », où se concentrent la majorité des échoppes.  

Steeve Briois, maire FN d’Hénin-Beaumont, a pointé de son côté dans un communiqué le « laxisme » et « l’angélisme » de la justice française qui, selon lui, « pratique désormais une préférence étrangère certaine et met à mal la sécurité » des Français.

Cette décision survient alors que dans Le Figaro de vendredi, le président des Hauts-de-France (Les Républicains) Xavier Bertrand a réclamé que les migrants soient astreints à « une interdiction de sortir du camp le soir, à partir d’une heure précise ».

Un commerce illégal le 3 mars 2016 dans le camp de migrants de la "Jungle" à Calais. © AFP

© AFP/Archives PHILIPPE HUGUEN
Un commerce illégal le 3 mars 2016 dans le camp de migrants de la « Jungle » à Calais

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