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Justice : « On n’éduque pas avec la violence »

Le tribunal de police examine des dossiers où des peines de prison ne sont pas encourues. En général des affaires qui se soldent par des amendes ou des travaux d’intérêt général. Pour l’occasion, une classe de BTS assistait ce vendredi à une audience afin de mieux appréhender le fonctionnement de la justice et aussi de voir que parfois de petites « broutilles » et gestes malheureux peuvent nous conduire à la barre.

Ils étaient une vingtaine de lycéens à prendre place sur les bancs de la grande salle d’audience du tribunal de Papeete, pour assister, dans le cadre de leur cursus, à une audience du tribunal de police. « Dans le cadre du programme, il y des cours de droit pénal et voir le fonctionnement du tribunal permet aux élèves de comprendre le rôle de chaque acteur. Cela leur permet d’appréhender à la fois la lecture du code pénal, telle qu’elle peut être faite par le procureur, et l’interprétation qui en est faite par le juge, et aussi le rôle de chaque partie, et aussi de voir comment des petites infractions peuvent conduire devant le tribunal. » explique Philippe Chabbert, professeur référent des classes de BTS management opérationnel de la sécurité au lycée de Faa’a.

Et des petites infractions, il y en a eu ce matin, dont certaines ont étonné les lycéens du fait qu’elles puissent être jugées. Que ce que l’on pourrait qualifier de simples peccadilles, de gestes malheureux, puissent monopoliser l’attention de la justice.

Il surprend sa nièce en train de flirter et la gifle

La première concerne un homme qui a giflé sa nièce car il l’avait surprise au domicile de sa grand-mère en train de « flirter » avec un jeune homme. La gifle qu’il lui a assénée ayant occasionné deux jours d’ITT, sa nièce a porté plainte.

Devant le juge, le tonton, plutôt costaud, semble surpris de se retrouver là. « Je l’ai giflée une seule fois seulement, car j’ai vu des choses qui ne me plaisaient pas. Et elle, elle m’a donné deux coups de poing au visage et je n’ai pas porté plainte. »

Le tonton, 43 ans, vit au domicile de sa mère qui est la grand-mère de la jeune fille, et il a du mal à accepter que sa nièce ne se rende sur les lieux que pour faire les 400 coups. « Je l’ai surprise dans le jardin avec un garçon que je ne connaissais pas, ils avaient bu et avaient un comportement qui n’était pas acceptable », d’où la claque.

De son coté la nièce, explique « j’étais en train de flirter avec un copain, quand il est arrivé derrière nous sans faire de bruit. Il m’a tiré les cheveux et giflé et je lui ai donné des coups de poing. » Des coups de poing qui ont fait mouche puisque le tonton s’est retrouvé affublé d’un œil au beurre noir durant quelques temps.

« La loi interdit toutes violences, qu’elles soient psychologiques ou physiques. On n’éduque pas avec la violence, c’est la base pour que dans notre société ce ne soit pas le plus fort qui domine » explique le ministère public à l’intention du tonton qui fait profil bas. Puis à la jeune fille, « la victime n’a pas à répliquer par la violence, même si on reconnaît la légitime défense. Dans ces cas-là, on porte plainte. » Elle requiert à l’encontre du tonton une peine « pédagogique, comme un TIG de 39 heures. »

Pour son avocat, « sa nièce vient chez sa grand-mère pour se livrer à des frasques qu’il n’approuve pas. Pour lui, l’éducation prime, et il a réagi en la voyant avec un nouvel homme, il a voulu la protéger. »

Contrairement au tribunal correctionnel, au tribunal de police, le juge est seul pour décider de la peine. IL n’y a pas de délibération et il rend sa décision dans la foulée. « Je vous déclare coupable et vous condamne à une amende de 175 000 Fcfp avec sursis. Vous avez déjà six condamnations et la seule chose qui me pousse à vous donner du sursis c’est que depuis les faits, il n’y a plus eu de problème entre vous. » Toutefois il prévient l’accusé, « cette fois c’est une ITT de deux jours qu’à eu votre nièce, mais si vous l’aviez blessée davantage, vous risquiez la prison. »

Il l’attrape par le T-shirt et la traîne sur 50 mètres

La deuxième affaire est un peu du même acabit, les coups portés en moins. Cette fois il s’agit d’un tirage de T-shirt sur 50 mètres, afin de faire sortir une femme d’un terrain alors qu’elle s’embrouillait avec son compagnon. « Ils étaient en train de se disputer et je les ai séparés. Je l’ai attrapée par le T-shirt pour la faire sortir, car quand elle n’a pas de paka à fumer ou de l’ice, elle part vite dans les étoiles. C’est pour éviter que ça se finisse à coups de couteau que je l’ai tirée sur cinquante mètres » explique un colosse rigolard à la barre.

Le couple, dont la femme est une amie d’enfance de l’armoire à glace, ont la sale manie d’en découdre. « La dernière fois elle l’a foutu dehors et il a dormi trois jours dans sa voiture, ce n’est pas bien » explique-t-il, précisant, « je la connais bien, quand elle ne fume pas l’ice ou le paka, elle devient violente et casse tout. »

Pour autant son intervention, qui a valu trois jours d’ITT à la femme, n’a pas été du goût de son compagnon. « Il n’a pas à se mêler de nos affaires de couple. On avait bu ensemble, et lui il boit vite. Il a bu au moins quatre litres de bière pendant que j’en buvais deux. » La masse rigole, « il exagère, je n’ai bu que quatre bouteilles. »

Le juge jette un œil sur son casier et relève que celui-ci est particulièrement chargé. Sa première condamnation remonte à 2001 pour des faits de violence. « Que s’était-il passé, vous étiez jeune à cette époque », « bah des erreurs de jeunesse », « vous restez jeune longtemps vous, car en 2016 vous avez été aussi condamné pour le même type de fait » rétorque le juge sourire aux lèvres. Le gars pouffe.

« Il s’est senti investi d’une mission de séparer les protagonistes. Mais il a créé plus de problèmes qu’il n’en a réglé. En cas de violence, il vaut mieux appeler les gendarmes, car ce type d’altercation peut rapidement dégénérer » assure le ministère public qui réclame 30 000 Fcfp d’amende dont 15 000 avec sursis.

Pour la défense, « on a vu que ce n’est qu’un tiraillement de T-shirt, il a voulu protéger son tonton car il connait bien son amie d’enfance et sa consommation de stupéfiants, je demande la relaxe et le rejet de la demande de dommages-intérêts. »

Il a été condamné à 100 000 Fcfp d’amende dont 85 000 avec sursis et devra verser à sa victime 15 000 Fcfp au titre des dommages-intérêts.

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