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Justice : une journée dans la vie d’une avocate (2)

©Pascal Bastianaggi

Seconde partie de la journée d’une avocate commise d’office. Après avoir passé une matinée à étudier les dossiers et s’entretenir avec les prévenus qui doivent comparaître devant la justice dans l’après-midi, Me Solenne Rebeyrol s’apprête à rentrer dans l’arène. Face à elle, les juges et le procureur de la République. Le moment de vérité.

Après avoir passé l’heure de déjeuner à éplucher les dossiers en cours, il lui en reste deux dont elle doit encore prendre connaissance. Elle le fera entre les suspensions de séance, car il est l’heure de rentrer en scène. 14 heures.

À peine le temps de fourbir ses armes, que le premier prévenu se présente à la barre. Innocent, il ne l’est pas, il a reconnu les faits, charge à Solenne de convaincre le tribunal de se montrer clément envers son client, de le condamner à « une juste peine ».

Pour sa première affaire, elle s’en est bien sortie, l’homme qui avait enfreint une ordonnance de protection qui lui interdisait de s’approcher de son ex-concubine, s’est vu condamner à huit mois de prison dont six avec sursis.

Autre affaire qu’elle doit défendre, des atteintes sexuelles sur mineure de moins de 15 ans. Dans ce dossier, l’homme déclare avoir été victime de ses pulsions et ne pas s’expliquer son passage à l’acte sur sa belle-fille. Malgré la plaidoirie de Solenne, qui a reconnu que les faits étaient graves et que son client ne les niait pas, il a été condamné à 24 mois de prison dont douze avec sursis.

©P.Bastianaggi

Des peines plus lourdes qu’en métropole

Que ce soit l’ice ou le paka, pas une seule journée ne se passe sans qu’un prévenu comparaisse pour ce type de faits. L’un des derniers dossiers de la journée, a trait au cannabis.

Le prévenu qui vient de sortir de trois mois de prison pour une affaire de stups, n’a rien trouvé de mieux que de recommencer. Il s’est fait arrêter lors d’une opération de police avec 19 grammes de cannabis sur lui à la stèle de Faa’a, haut-lieu de la vente de substances illégales.

L’avocate demandait la clémence du tribunal : « C’est la problématique des personnes qui sortent de prison sans rien et le remettre en prison ne réglera pas le problème. » Il a été condamné à 12 mois de prison ferme. Une peine lourde pour la défense, qui contrairement aux commentaires qui fleurissent sur les réseaux sociaux, estime que la justice en Polynésie n’a pas la main légère en matière de stupéfiants.

La journée se termine sur une bonne note

L’ultime affaire de la journée concerne l’un des dossiers que Solenne a consultés lors d’une suspension de séance. Elle n’a eu qu’un quart d’heure pour prendre connaissance des faits et s’entretenir avec le prévenu. Ce qu’on lui reproche, des violences conjugales sur sa femme enceinte de sept mois. De prime abord, on se dit qu’on ne pleurera pas sur son sort s’il part directement en prison. Mais là, c’est plus complexe que l’intitulé du rôle d’audience ne laisse paraître.

Pour résumé, sa femme est sujette à de grosse crises de jalousie, et lors de ses crises, elle a tendance à se mutiler les bras à coup de lames de rasoir et tenter de mettre fin à ses jours. Appelé à la barre le jeune homme déclarera aimer sa femme, mais qu’il prend peur, pour elle et son bébé quand elle est dans cet état. « Elle m’a poussé à bout et j’ai mal réagi et je lui ai donné une claque. » La femme reconnaitra que c’est la première fois qu’il agit ainsi.

« Mon client a arrêté l’alcool et le paka. Il a trouvé du travail, même si c’est au noir, et c’est un homme responsable. » entame l’avocate, qui poursuit, « la problématique vient de madame. Ils peuvent tous deux assister à des groupes de paroles. C’est important pour lui qui a fait des efforts pour se réinsérer dans la vie. »

 Elle demande au tribunal de faire preuve de mansuétude et de le condamner à une peine assortie d’un sursis et mise à l’épreuve, « Pour qu’ils puissent repartir sur de bonnes bases. »  Juge et assesseurs l’entendront car ils le condamnent à six mois de prison avec sursis avec obligation de suivre des stages de prévention de violences conjugales ou de s’inscrire dans groupes de paroles. Il est 20h30,  et la journée de Solenne se termine sur un appel aux pompiers, car la femme de l’accusé a soudainement été prise de contractions.

Ainsi va la vie d’un avocat. Des journées entières le nez dans des dossiers pour tenter de minimiser la casse pour un prévenu et, très rarement, obtenir une relaxe. Passer d’un délit à un crime puis se plonger dans une affaire de divorce, et de temps à autres patienter au parloir d’une prison pour s’entretenir avec un client. Si ces journées sont variées, elles restent éprouvantes. Pour autant, Solenne ne les échangerait pour rien au monde.

L’avocat est un peu comme un médecin ou un chirurgien. Il tente de réparer ou sauver des destins, parfois avec plus ou moins de réussite. À la manière des médecins qui, confrontés à des drames au quotidien, les exorcisent en développant un fort sens de l’humour, les avocats ne sont pas en reste. Pour preuve, la dernière blague qui circule au Palais de justice : À quoi reconnait-on qu’un avocat ment ? Il remue les lèvres. L’humour est la politesse du désespoir.

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2 Commentaires

  1. bigdew
    2 mars 2020 à 7h17 — Répondre

    Solène est une très bonne avocate. Elle est au service de la Justice et des justiciable!!!

  2. Louis Bressson
    2 mars 2020 à 10h11 — Répondre

    Le second volet est tout fait à la hauteur du premier. Il nous offre une vision inattendue du rôle de l’avocat commis d’office. On aurait tendance à avoir pitié de ces pauvres « bavards » obligé de prendre en charge des causes perdues d’avance, et on découvre une professionnelle passionnée par cet engagement difficile. Encore bravo Pascal.

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