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Kerviel: pour le parquet, la Société Générale n'a pas droit à 4,9 milliards de dommages-intérêts

Versailles (AFP) – Le tribunal va-t-il suivre les réquisitions au procès de l’ex-trader Jérôme Kerviel et envoyer « un message fort » aux banques ? L’avocat général a requis vendredi le rejet de la demande de dommages-intérêts à hauteur de 4,9 milliards d’euros formulée par la Société Générale.

« Votre décision pourrait être un message fort donné aux établissements bancaires pour éviter qu’à l’avenir de tels faits puissent se reproduire », a lancé l’avocat général Jean-Marie d’Huy devant la cour d’appel de Versailles. 

Pour lui, la banque a « commis des fautes civiles, distinctes et de nature différente des fautes pénales de Jérôme Kerviel, qui apparaissent suffisantes pour entraîner la perte totale de son droit à réclamer une compensation intégrale de ses pertes ».

Jérôme Kerviel comparaît depuis mercredi pour savoir s’il devra ou non payer à la banque les 4,9 milliards d’euros de dommages-intérêts qu’elle réclame dans cette affaire hors norme aux innombrables rebondissements.

Jérôme Kerviel, condamné à cinq ans de prison, dont trois ferme, pour abus de confiance, a répété ce qu’il dit depuis toujours: la banque « savait » et n’a rien fait pour mettre un terme aux opérations frauduleuses que lui-même avait passées sur les marchés à terme en 2007-2008.

La Cour de cassation avait confirmé en 2014 la condamnation à la prison de Jérôme Kerviel, mais elle avait cassé le volet civil, c’est-à-dire les dommages et intérêts initialement octroyés à la banque.

Argument de la plus haute juridiction française: le géant bancaire a failli dans ses mécanismes de contrôle et ne peut donc prétendre à un dédommagement couvrant intégralement les pertes imputées à l’ex-trader.

« La Société Générale n’a pris aucune mesure pour se prémunir, comme le lui impose la réglementation, du risque du +trader voyou+ ou +rogue trader+ », a déclaré Jean-Marie d’Huy dans son réquisitoire.

– « Magnitude de la fraude » –

Dans sa plaidoirie, Me Jean Veil, un des avocats de la banque, avait, lui, insisté sur le « préjudice considérable » causé par Jérôme Kerviel à la banque, mais aussi « aux salariés » qui « ont perdu leurs bonus et une partie de la valeur de leurs actions » dans cette affaire.

« L’escroc, le délinquant », dit-il, a pourtant eu « une chance considérable »: la Société Générale lui a « fait confiance après une première erreur » – de premières opérations fictives frauduleuses – détectée par le système de contrôle du géant bancaire. Il a même été promu, a rappelé l’avocat: d’assistant trader au « middle office », il est rapidement passé trader junior au « front office ». Ses supérieurs hiérarchiques, ses collègues « lui ont fait confiance » et il a « trahi » cette confiance, tempête l’avocat.

L’avocat avait débuté sa plaidoirie en expliquant comment le montant du préjudice, colossal, avait été calculé par la banque, égrenant les chiffres des opérations de Jérôme Kerviel passées sur les marchés, « des éléments montrant très clairement la magnitude de la fraude » selon Me Veil.

Si la cour d’appel devait suivre l’avocat général, il ne s’agirait pas seulement d’une retentissante défaite symbolique pour la banque, qui de toute façon ne pouvait espérer que Jérôme Kerviel lui verse la somme astronomique de 4,9 milliards d’euros. L’enjeu est aussi fiscal.

Le géant bancaire a en effet touché près de 2,2 milliards d’euros de l’Etat au titre d’un régime fiscal accordé aux entreprises déficitaires et victimes de fraude. Mais Bercy a déjà laissé entendre que ce bonus fiscal pourrait être remis en cause si la justice épinglait des défaillances dans les mécanismes de contrôle de la banque.

Jérôme Kerviel, brièvement incarcéré après sa mise en examen en février 2008, n’est plus sous bracelet électronique depuis juin 2015. 

Il a connu la semaine dernière son premier succès judiciaire depuis le début de l’affaire en janvier 2008: le conseil des prud’hommes de Paris a condamné la banque à lui payer quelque 455.000 euros, estimant qu’il avait été licencié « sans cause réelle ni sérieuse » et dans des conditions « vexatoires ».

Jérôme Kerviel (D) et son avocat David Koubbi à leur arrivée le 15 juin 2016 au tribunal à Versailles. © AFP

© AFP DOMINIQUE FAGET
Jérôme Kerviel (D) et son avocat David Koubbi à leur arrivée le 15 juin 2016 au tribunal à Versailles

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