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La Colombie dit "Non" à la paix avec les Farc, Santos ne se rend pas

Bogota (AFP) – Contre toute attente, les Colombiens ont rejeté de peu dimanche la paix avec la guérilla des Farc lors d’un référendum sur l’accord visant à terminer 52 ans de conflit, mais le président Juan Manuel Santos a affirmé qu’il ne se rendra pas.

« Je ne me rendrai pas et continuerai à rechercher la paix », a déclaré le chef de l’Etat dans une allocution télévisée, en affirmant que le cessez-le-feu bilatéral et définitif, observé depuis le 29 août, « reste valide et restera en vigueur ».

Presqu’au même moment Timochenko, le chef des Farc, a assuré, depuis La Havane, siège des pourparlers de paix, que les guérilleros « maintiennent leur volonté et réitèrent leur disposition à n’utiliser que la parole comme arme de construction vers l’avenir ».

Sur 99,98% des bulletins de vote dépouillés, le « Non » s’imposait avec 50,21% devant le « Oui » à 49,78%, quatre heures après la clôture des bureaux de vote de ce scrutin crucial.  

Près de 34,9 millions d’électeurs étaient appelés à répondre par « Oui » ou par « Non » à la question: « Soutenez-vous l’accord final d’achèvement du conflit et de construction d’une paix stable et durable? », titre du document de 297 pages issu de près de quatre ans de pourparlers, délocalisés à Cuba. 

« Je vous ai convoqués pour que vous décidiez de soutenir ou pas ce qui a été accordé pour la fin du conflit avec les Farc, et la majorité, bien que d’une très étroite marge, a dit que Non », a ajouté M. Santos à l’adresse des Colombiens, en ajoutant « l’autre moitié du pays à dit que Oui », mais que « tous, sans exception, veulent la paix ».

– Faible participation, une habitude –

Le « Oui » a recueilli quelque 6,3 millions de voix (6.377.464), soit bien au-delà du minimum de 4,4 millions de voix requis (13% de l’électorat). Mais pour l’emporter, il devait supplanter le « Non » qui a en fait dépassé les 6,4 millions (6.431.372). La participation n’a été que de 37,28%. Mais depuis 1958, elle s’établit généralement entre 33% et 58,47%, un record jamais dépassé depuis la présidentielle de 1974.

« L’abstention a gagné et le pays a perdu », a déclaré à l’AFP Kirsty Brimelow, avocate britannique et directrice du Bar Human Rights Committee, intervenue comme facilitatrice dans les pourparlers. « Cela ressemble à un Brexit », a-t-elle ajouté en référence au référendum sur la sortie de l’Union européenne qui a provoqué une crise politique en Grande-Bretagne.   

Le référendum, non obligatoire, avait été voulu par M. Santos afin de donner la « plus large légitimité » possible à l’accord qu’il a signé le 26 septembre avec le chef des Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc, marxistes), Rodrigo Londoño, plus connu sous ses noms de guerre Timoleon Jiménez ou Timochenko.

Ils entendaient ainsi mettre fin à la plus ancienne confrontation armée des Amériques qui, au fil des décennies, a impliqué diverses guérillas d’extrême gauche, des milices paramilitaires d’extrême droite et les forces de l’ordre, faisant plus de 260.000 morts, 45.000 disparus et 6,9 millions de déplacés.

Le gouvernement a plusieurs fois déclaré ne pas avoir de plan B en cas d’échec du « Oui » et il a, comme les Farc, écarté toute éventualité de renégociation de l’accord. Lors d’un entretien à l’AFP en septembre, M. Santos avait même averti que si le « Non » l’emportait, les guérilleros « retournent dans la jungle ».  

– Résultat contraire aux pronostics –

Ce rejet était inattendu, plusieurs sondages donnant depuis des semaines le « Oui » largement en tête. Il enregistrait ainsi 55% des intentions de vote selon l’institut Datexco et 66% selon Ipsos Napoleon Franco, dans les derniers sondages autorisés, effectués avant la signature de l’accord.

L’accord visait à ce que les Farc, nées en 1964 d’une insurrection paysanne et qui comptent encore 5.765 combattants, se convertissent en parti politique après avoir remis leurs armes à l’ONU, qui a déjà vérifié la destruction samedi de 620 kg d’explosifs.

Opposant féroce à l’accord, l’ex-président de droite et actuel sénateur Alvaro Uribe (2002-2010) l’a à nouveau fustigé dimanche. « La paix est enthousiasmante, les textes de La Havane décevants », a-t-il lancé, en exprimant sa « gratitude » aux Colombiens « qui ont dit +Non+ ».

Les opposants dénoncent notamment un « laxisme » des sanctions prévues contre les auteurs des crimes les plus graves, et la participation des guérilléros démobilisés à la vie politique, craignant un « castro-chavisme » inspiré des régimes cubain et vénézuélien.

José Gomez, un retraité de 70 ans, se disait ainsi « pour le +Non+ car c’est absurde de récompenser des criminels narco-assassins, qui ont fait de ce pays un désastre ».

En dépit de la surprise causée par le résultat, cette consultation a été la « plus tranquille de l’histoire en matière de sécurité et d’ordre public », selon le ministre de la Défense, Luis Carlos Villegas. 

Au total 240.000 policiers et militaires avaient été mobilisés pour assurer la sécurité du scrutin dans près de 82.000 bureaux de vote.

Dans la majeure partie du pays, « la journée électorale s’est déroulée sans aucun problème en dépit des pluies », a indiqué le directeur de la Commission électorale, Juan Carlos Galindo, précisant que le vote avait été retardé dans quelques bureaux isolés, affectés par de fortes précipitations le matin, conséquence du passage de l’ouragan Matthew.

Une Colombienne brandit une pancarte sur laquelle on peut lire "Je dis toujours oui" après avoir eu connaissance des résultats du référendum sur l'accord de paix avec les Farc, le 2 octobre 2016 à Bogota. © AFP

© AFP LUIS ACOSTA
Une Colombienne brandit une pancarte sur laquelle on peut lire « Je dis toujours oui » après avoir eu connaissance des résultats du référendum sur l’accord de paix avec les Farc, le 2 octobre 2016 à Bogota

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