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La cour de récré, un tourbillon avec l'imagination au pouvoir

Paris (AFP) – La cour de récré? Une « terra incognita » pour beaucoup de parents. « Un miracle permanent », selon un instituteur. « Un lieu de transmission de la culture enfantine » pour une anthropologue. Et pour les enfants? « Et bien… on joue! »

On joue, certes, mais pas de la même façon selon les âges et l’école (maternelle, élémentaire ou collège), des données qui influent aussi sur la mixité entre filles et garçons.

« Les plus petits sont beaucoup dans les jeux de rôle et l’imaginaire », raconte un instituteur parisien qui blogue sous le pseudonyme Lucien Marboeuf.

Milo, cinq ans, en grande section dans l’Est parisien, est un grand amateur du « Clown et l’averse »: « le clown doit attraper l’averse et les éclairs. Mais s’il les touche, il va être +électrocisé+ et on va voir ses os. Alors on crie tous +n’essaye pas de les toucher!+ ». Simon, en moyenne section, joue à la chorale: « on se met en ligne. Celui qui est désigné chante +une souris verte+ ».

A partir de l’école élémentaire, ces jeux de rôle « s’estompent » car « un CP qui fait le lion à quatre pattes, ça fait rigoler les CE2 », explique Lucien Marboeuf, auteur de « Vis ma vie d’instit » (Fayard).

De même, à l’entrée au collège, « on regarde les plus grands et on voit qu’ils ne jouent pas. Alors on discute pendant la récré », dit Emilienne, 13 ans, en quatrième à Lamballe (Côte-d’Armor).

Mais l’imagination reste présente, note Julienne Delalande, professeur en sciences de l’éducation à l’université de Caen. « Même chez les collégiens, que peut-on imaginer pour ne pas s’embêter pendant les récrés alors qu’on ne joue plus? D’où les blagues, les anecdotes » pour faire rire ou impressionner les camarades.

La récré est « le lieu de transmission de la culture enfantine » entre les générations, à travers les jeux (chat, corde à sauter, foot…). Elle est aussi le terrain « d’apprentissage des valeurs: amitié, fidélité, entraide », poursuit l’anthropologue, qui a écrit « La Récré expliquée aux parents ».

– La servante, le pirate et le requin – 

Ainsi, lorsque deux équipes s’affrontent à « policiers attrapent voleurs », un voleur encore libre peut décider d’être « un kamikaze » et « foncer dans la +prison+ délivrer un maximum de ses copains en les touchant, même s’il sait qu’il se fera attraper par les policiers », raconte Jean-Baptiste, en sixième à Paris.

L’enjeu de ces 20 minutes de pause est d' »arriver à se faire une place dans le groupe de pairs », analyse Julienne Delalande. « Chacun va trouver sa place de manière à ce que le groupe fonctionne. Il peut y avoir un leader, un sous-chef, un qui se met au service des autres. Et les rôles peuvent évoluer. »

Selon elle, « on crée des liens de dépendance qui sont valorisants. Dans notre société, on valorise l’individu, autonome, mais on oublie que nous sommes avant tout des êtres sociaux, avec des liens de dépendance les uns aux autres ».

Filles et garçons jouent ensemble lorsqu’ils sont petits. Léa, cinq ans, était l’an dernier « une servante ». « Un requin voulait me manger, et Ambroise, qui était le pirate, me sauvait ». Elle a cessé d’y jouer car Ambroise « n’est plus mon amoureux ».

Vers six-sept ans, les liens se distendent entre filles et garçons. « A chat, les filles trichent », assène Charlie, huit ans. « Les garçons arrachent nos bonnets », s’insurge Rose, sept ans, dans la banlieue de Toulouse. Lison, six ans, veut jouer au foot « mais les garçons disent que je suis nulle! ».

A partir du printemps, les CM2 rejouent ensemble, à un chat baptisé « Filles attrapent garçons » ou vice-versa, sourit Lucien Marboeuf. « Même les plus accros aux parties de foot s’y mettent, ce qui est assez fou! »

Et les activités dangereuses, type jeu du foulard, préoccupation des parents? Les cours de récré sont de plus en plus sécurisées (des écoles interdisent même les billes ou les cordes à sauter) et risquent de finir par ressembler à des cours de prison, regrette Mme Delalande.

« Malgré le nombre de gamins, la diversité des jeux –là une partie de foot, ici une autre de +chat+, et au milieu un groupe qui discute–, il y a très peu d’accidents: c’est comme s’ils avaient des antennes pour s’éviter. Un miracle permanent », raconte l’instituteur.

L'enjeu des 20 minutes de récréation est d'arriver à se faire une place dans le groupe. © AFP

© AFP/Archives FRED DUFOUR
L’enjeu des 20 minutes de récréation est d’arriver à se faire une place dans le groupe

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