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La diplomatie se joue (aussi) dans l’assiette

Dans son assiette, François Hollande a eu la désagréable surprise de découvrir, des asperges, un légume qu'il déteste. © REUTERS

Dans son assiette, François Hollande a eu la désagréable surprise de découvrir, des asperges, un légume qu’il déteste. © REUTERS

COULISSES – Les dîners sont des exercices à haut risque pour les chefs des chefs d’Etat.

Des dîners d’Etat et autres réceptions officielles, on sait peu de choses. Le livre Chefs des chefs de Gilles Bragard et Christian Roudaut nous plonge dans les coulisses de la diplomatie gastronomique. Satisfaire un chef d’Etat n’est pas toujours aisé et les cuisiniers des palais doivent apprendre à composer.

Eviter les impairs gastronomiques. « Si vous ratez votre plat, c’est plus difficile pour celui qui veut plaider une cause s’il ne parvient pas à l’accompagner de la sauce qui est la vôtre ». Ce constat, François Hollande l’a dressé en juillet 2012 devant le Club des chefs des chefs, qui regroupe une vingtaine de grands cuisiniers officiant dans les palais officiels. Dit autrement, tout impair gastronomique est à proscrire sous peine de virer à l’incident diplomatique. Afin d’éviter tout couac, les ambassades informent des allergies et des interdits de tel ou tel chef d’Etat.

Les goûts des uns et des autres sont en revanche plus difficiles à connaître. Certains grands chefs ont pris l’habitude d’appeler directement leurs homologues pour savoir quel plat travailler afin de faire plaisir à la personnalité invitée. Mais tous ne jouent pas le jeu. Mark Flanagan, le cuisinier de la reine d’Angleterre, refuse de communiquer sur les préférences de sa Majesté. Sinon, « les chefs feraient la même chose partout où elle irait, on lui aurait servi tel ou tel plat tant de fois que ce ne serait plus son plat préféré », explique t-il aux auteurs du livre.

La diplomatie se joue (aussi) dans l'assiette

Le plat favori peut devenir indigeste. Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy, pour ne citer qu’eux, connaissent bien le problème. Les deux présidents français se sont retrouvés « prisonniers » de leur plat favori. Dans le livre Chefs des chefs, on apprend ainsi que Jacques Chirac ne pouvait plus voir la tête de veau en peinture. « Il en retrouvait partout. A la fin, il a dit stop, il nous en a fait part. Et après, on diffusait l’information », assure Bernard Vaussion aux auteurs. Et le chef d’ajouter, cassant la légende Chirac en une confidence : « Nous, à l’Elysée, on ne lui en a servi que deux fois en douze années ».

Nicolas Sarkozy a, lui, été victime d’une confidence culinaire faite un jour à Angela Merkel. Dans son livre Jours de Pouvoir, Bruno Le Maire raconte un propos rapporté de l’ancien président qui prête à sourire. « Angela, un jour, je lui ai dit que j’aimais les asperges et l’escalope milanaise. Qu’est ce que j’ai pas dit ! Maintenant, chaque fois que je la vois, j’ai droit à des asperges et une escalope milanaise ».

 

La diplomatie se joue (aussi) dans l'assiette

Les ratés arrivent parfois. Il y a des signes qui ne trompent pas. Entre François Hollande et Angela Merkel, tout a franchement mal commencé. Ce 15 mai 2012, jour de son investiture, le nouveau chef de l’Etat avait choisi de passer sa première soirée officielle à Berlin avec la chancelière allemande. Une décision symbolique. Sauf que cette journée fut une catastrophe pour François Hollande. On se souvient du départ retardé pour la capitale allemande, après que son avion ait essuyé la foudre, de ses premiers pas avec la chancelière sous une pluie battante. Ce qu’on ne savait pas, c’est que ce premier dîner officiel entre le président français et la chancelière allemande n’a en rien « réchauffé » la journée. Dans son assiette, François Hollande a eu la désagréable surprise de découvrir des asperges, un légume qu’il déteste mais qu’adorait son prédécesseur. Le livre ne dit pas si le président les a mangées.

Les Américains obsédés par la sécurité. De tous les hôtes reçus à l’Elysée, les Américains sont les plus sourcilleux en termes de sécurité. Tout est vérifié dans le moindre détail par « les hommes du président ». De la conception du menu au service à table. Bernard Vaussion, entré à l’Elysée en 1974 comme commis, a dû s’habituer à la présence des agents de sécurité dans ses pattes. Le chef se souvient d’une visite de Richard Nixon sous haute surveillance. « Il y avait un suivi du départ de la cuisine jusqu’au président, avec un garde du corps qui poussait le maître d’hôtel de côté pour que le président soit livré directement sans que personne ne puisse intervenir », se remémore t-il dans Chefs des chefs. Trente ans plus tard, rien n’a changé. En 2011, lors du sommet du G20 à Cannes, un membre du staff de Barack Obama avait exigé de choisir lui-même … la boule de pain du président.

La diplomatie se joue (aussi) dans l'assiette

La Reine d’Angleterre, un cas à part. Dans leur livre, Gilles Bragard et Christian Roudaut soulignent qu’une seule personnalité au monde a le droit a un traitement spécial, partout où elle va : la reine Elizabeth II. A l’Elysée, une réception en l’honneur de Sa Majesté est préparée des mois à l’avance, dans le moindre détail, avec, par exemple, une garniture qui rappelle « les couleurs de l’Union Jack » s’amuse Bernard Vaussion.

Le chef des cuisines de l’Elysée, qui part en retraite la semaine prochaine, raconte une autre anecdote savoureuse. Avant une réception en l’honneur de la Reine à l’Elysée, en 2004, Bernadette Chirac avait exigé une répétition générale du dîner pour éviter le moindre impair diplomatique le jour J. « Elle m’avait demandé de préparer le menu, uniquement pour elle et son mari », raconte Joël Normand, alors chef des cuisines de l’Elysée. Bernie jouant Elizabeth II et Jacques Chirac, le duc d’Edimbourg.

*Chefs des chefs, de Gilles Bragard et Christian Roudaut, Editions du Moment, paru le 24 octobre.

Source: Europe1

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