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La gestion de Moorea tancée par la chambre territoriale des comptes

L'immeuble Uupa, où se trouvent les locaux de la CTC. ©C.P.

La chambre territoriale des comptes a publié ce weekend un rapport très critique envers la gestion de Moorea – Maiao. Les magistrats pointent la dégradation des finances ou le flou dans la stratégie fixée par l’équipe d’Evans Haumani. On y apprend aussi que la commune compte, parmi ses plus importants débiteurs, plusieurs élus du conseil municipal très en retard dans le paiement de leurs redevances.

Comme elle en a l’habitude, la CTC fait démarrer ses observations là où les avaient laissées son précédent rapport, en 2014. L’analyse couvre donc l’essentiel du premier mandat d’Evans Haumani, réélu cette année. Une période pendant laquelle la situation financière de la commune se « dégrade fortement », relève le rapport, notamment sous l’effet des dépenses de personnels qui s’envolent (+24% sur la période). Le déficit structurel de certains services (eau, assainissement, déchets, transports maritimes) et la faiblesse des redevances censées les alimenter, a en outre obligé à la commune à doubler, en 4 ans, ses subventions d’équilibres aux budgets annexes. Les magistrats soulignent tout de même que Moorea bénéficie de réserves solides et d’un niveau d’endettement quasi nul, lui permettant d’envisager des investissements importants.

Manque de procédures et d’encadrement

Mais plus que le simple aspect budgétaire, c’est sur le cap choisi par la commune que les magistrats s’interrogent. Quatrième municipalité du fenua par sa population (18 000 habitants), Moorea-Maiao est marquée par la relative précarité de sa population (42% de jeunes au chômage). Elle ne manque pourtant pas d’atouts : toute proche de Tahiti (un millier de personnes, soit 18% des actifs, prennent le ferry quotidiennement vers Papeete), Moorea est aussi la troisième île la plus fréquentée du fenua, attirant en particulier les touristes locaux, si recherchés en ces temps de crise. Et pourtant, « sans stratégie clairement établie Moorea apparaît subir davantage cette proximité qu’elle n’en tire profit », écrit la CTC. Stratégie ou pas, la commune, « faiblement structurée » vu sa taille, aura du mal à avancer sans se doter d’un meilleur encadrement, de procédures plus rigoureuses en matière de gestion patrimoniale, de commande publique ou de gestion des ressources humaines.

2,7 millions de créances à recouvrer… auprès des élus

La chambre relève au passage que Moorea, comme beaucoup d’autres communes, est confrontée à des difficultés en matière de recouvrement des redevances liées à ses services publics de proximité. Eau, déchets, assainissement… Au total, plus de 140 millions de francs restaient à recouvrer fin 2018, après le lancement d’une campagne de clarification de ces créances par la mairie. Une campagne qui a permis d’établir que certains élus figuraient en bonne place dans la liste des redevables. Ainsi deux adjoints, un maire délégué et deux conseillers municipaux cumulent 300 000 francs d’arriérés sur leurs factures d’eau. Cinq adjoints, cinq maires délégués (sur 6) et sept autres conseillers municipaux se partagent 644 500 francs de dette au titre de la collecte des déchets… Et surtout 14 élus doivent, en cumulé, 1,7 million de francs au titre de dépassement du quota autorisé sur leur facture téléphonique. Malgré les relances de la mairie, ces conseillers, adjoints et maires délégués devaient toujours 2,8 millions de francs en mars dernier. Une créance à laquelle s’ajoute 1,1 millions de francs loyers impayés par un élu pour son logement du lotissement Nuuroa.

Une « feuille de route » pour Evans Haumani

Plan d’investissement, inventaire du patrimoine, révision de la grille tarifaire sur les ordures… La CTC adresse, en conclusion, sept recommandations à la commune. Qui les accueille plutôt bien. Lors d’une séance du conseil municipal, jeudi, Evans Haumani, cité par La Dépêche, a rappelé que beaucoup de défauts de gestion soulevés de la CTC avaient déjà été formulés lors du dernier rapport, en 2013, et que son équipe travaillait déjà à les corriger. Ainsi, un nouveau logiciel de gestion a déjà été acheté, un contrôleur de gestion devrait être rapidement embauché et l’inventaire du patrimoine doit être lancé dans les prochains mois. Malgré certaines objections aux observations des magistrats, parfois jugés « rigides », l’apport de la chambre est jugé « très enrichissant ». « Je considère le rapport de la CTC comme une feuille de route pour les années à venir, explique le tavana dans une réponse écrite, avec la finalité de fiabiliser la gestion des comptes de la municipalité ».