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La "Jungle" de Calais, 18 mois d'une histoire mouvementée

Calais (AFP) – Promise au démantèlement à partir de lundi, la « Jungle » de Calais où s’entassent sur une dizaine d’hectares entre 6.400 et 8.100 migrants, s’est formée au début de l’année 2015 dans le sillage de la crise migratoire, cristallisant le débat sur les réfugiés.

Calais, ville d’Europe continentale la plus proche des côtes anglaises, avait déjà été au coeur des enjeux migratoires à la fin des années 1990 avec le camp de Sangatte, qui regroupait essentiellement des familles de Kosovars, fermé en 2002. 

A l’été 2013, moins de 500 migrants avaient trouvé refuge dans la zone portuaire de cette ville de 75.000 habitants, dans l’espoir de rejoindre l’Angleterre, en raison de la langue, pour retrouver des proches ou une supposée plus grande facilité à travailler au noir.

Fin 2014, le chiffre s’élève à un peu plus de 2.000, majoritairement des hommes célibataires venus d’Afrique, de Syrie et d’Afghanistan. Face à cet afflux, qui suscite un malaise croissant au sein de la population, la préfecture du Pas-de-Calais ouvre le 15 janvier 2015 un centre d’accueil de jour, avec distribution gratuite de repas: il s’agit de l’ex-centre aéré Jules-Ferry, situé à environ une heure à pied à l’est du coeur de ville, à proximité des dunes.

A l’époque, les migrants se perdent souvent pour trouver ce centre. Puis ils commencent à s’installer à proximité de Jules-Ferry, dans ce qu’ils appellent la « new Jungle », tolérée par les autorités. Les ONG dénoncent « un Sangatte sans toit », en bordure de rocade, éloigné de tout, au milieu d’une lande battue par les vents. Deux « micro-jungles » du centre-ville sont également évacuées, forçant les migrants à se rendre « au camp de la lande », le terme officiel.

Début juin, de premières rixes éclatent entre communautés, impliquant entre 200 à 300 personnes, dans ce qui est devenu une « ville » de bric et de broc, où se créent église, mosquée, épiceries ou restaurants. 

– Eté chaud –

Sur le terrain, la situation se tend, prélude d’un été « chaud ». Les décès de migrants se multiplient, sur la rocade, mais aussi sur le site du tunnel sous la Manche, en cas de tentatives de monter sur les navettes de ferroutage. On comptera jusqu’à 2.000 intrusions par nuit sur ce site. Le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve et son homologue britannique d’alors Theresa May se rendent alors à Calais le 20 août. Message: « on ne passe pas! ».

Conséquence des travaux de sécurisation sur le site du tunnel et de la rocade, les migrants peinent à traverser illégalement et leur population double: mi-octobre, le chiffre grimpe à 6.000. Le choc suscité par la photo du petit Aylan entraîne un afflux de dons et de bénévoles. 

Fin octobre, la maire de Calais Natacha Bouchart réclame en vain l’intervention de l’armée. La justice administrative, saisie par des ONG, somme, elle, l’Etat de réaliser divers aménagements sanitaires. Soucieuse de « désengorger » Calais, la préfecture procède aux premiers départs de migrants en car vers des Centres d’accueil et d’orientation.

En novembre, la chronique calaisienne est marquée par de violents heurts entre migrants et policiers, les autorités dénonçant l’activisme des militants d’ultra gauche No Border. Pour calmer la situation sur le terrain, les autorités décident d’offrir de meilleures conditions d’hébergement avec un Centre d’accueil provisoire (CAP) constitué de containers, accueillant 1.500 personnes.

– Mineurs isolés –

Parallèlement, elles font dégager une bande de 100 m le long de la rocade offrant une meilleure visibilité aux forces de l’ordre: sous haute protection policière, le démantèlement de la zone sud (8,5 ha) débute ainsi le 29 février. L’opération, marquée notamment par une action de protestation d’Iraniens, bouches cousues, durera deux semaines. 

Lassés, eux, de voir leur ville faire les gros titres de l’actualité, 500 Calaisiens défilent début mars à Paris. Dans ce dossier politisé, Calais attire les extrémismes: le général Christian Piquemal est interpellé pour avoir participé à un rassemblement anti-migrant, tandis que la police enquête sur de mystérieuses agressions nocturnes de migrants. Des artistes – Jude Law, Jordi Savall, Banksy – se rendent eux à la « Jungle » en soutien des réfugiés.

Durant le printemps, le thermomètre grimpe encore avec l’apparition de barrages avec des troncs d’arbre pour bloquer des camions circulant sur la rocade. 

A la rentrée, les événements s’accélèrent: routiers, agriculteurs et commerçants mènent une opération escargot sur l’autoroute passant à Calais et un mur « anti intrusion » est construit le long de la rocade, Puis le 26 septembre, François Hollande annonce sur place le démantèlement « avant la fin de l’année », auquel la justice administrative donne le feu vert le 18 octobre.

Des migrants à l'entrée de la "Jungle" de Calais, le 21 octobre 2016. © AFP

© AFP DENIS CHARLET
Des migrants à l’entrée de la « Jungle » de Calais, le 21 octobre 2016

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