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La Polynésie championne d’extorsion sexuelle dans le Pacifique

Que pensent les Océaniens de la corruption dans le Pacifique et en Polynésie? C’est ce qu’a étudié l’ONG Transparency International dans son dernier Baromètre mondial de la corruption – Pacifique 2021. Constat alarmant du rapport : la Polynésie française affiche la plus forte occurrence d’extorsion sexuelle : 92% des sondés l’ont déjà subie ou connaissent quelqu’un qui l’a subie. Autre focus du rapport : la fraude électorale, importante . 

La corruption, suivant la perception qu’en a la population, est répandue dans le Pacifique et notamment en Polynésie française. Mais il y a ce que l’on croit et ce qu’on a réellement vécu, deux choses parfois bien différentes. Ce sujet très peu documenté dans la région est abordé par Transparency International pour la première fois. L’organisation non gouvernementale vient de publier son Baromètre mondial de la corruption – Pacifique 2021. Elle a interrogé six mille personnes dans dix pays du Pacifique entre février et mars de cette année. En ce qui concerne la Polynésie, un échantillon représentatif de cinq cent personnes a été contacté. L’objectif de cette organisation est de braquer un projecteur sur les systèmes et réseaux qui permettent l’existence de la corruption, pour faire changer les choses. C’est également la volonté de la population interrogée : 60% estime que la corruption n’est pas acceptable dans la région et près de 75% en Polynésie. Si l’état des lieux est alarmant, il y a de l’espoir : 71% des sondés pensent que les personnes ordinaires peuvent jouer un rôle dans le combat contre la corruption.

44% des Polynésiens pensent que le gouvernement est corrompu

Là ou la moyenne des dix pays est de 61% de personnes qui pensent que la corruption est un problème important au sein de leur gouvernement, la moyenne du fenua est seulement de 16%. Dans les faits, 11% d’entre eux ont eu recours à la corruption pour obtenir un service public et 23% ont reçu une offre de pot-de-vin contre leur vote durant les cinq dernières années. Les institutions les plus soupçonnées de corruption sont dans l’ordre le gouvernement (44% des sondés le pensent), l’assemblée (40%), les communes (34%) et l’administration (25%). Enfin, la Polynésie est le territoire où l’on pense le plus que la corruption au sein des services publics n’est suivie d’aucune conséquence.

Pourcentage de personnes pensant que les fonctionnaires ne subissent pas ou rarement les conséquences de leurs actes de corruption.

Le secteur privé n’est pas épargné : 21 % des personnes interrogées pensent que les banquiers sont corrompus, et 17% que les chefs d’entreprise le sont ; 68% des sondés pensent qu’ils utilisent leurs relations pour obtenir des contrats. Les leaders religieux sont très bien vus, avec 4% de soupçons de corruption. Et curieusement, 73% des sondés pensent que le gouvernement fait du bon travail… dans la lutte contre la corruption, même si 80% pensent que le gouvernement ne prend « jamais ou rarement » en compte l’avis de la population.

Dans le Pacifique, du pot-de-vin à l’extorsion sexuelle en passant par le « copinage »

Le point noir du rapport pour la Polynésie, et pas des moindres, c’est le taux d’occurrence de l’extorsion sexuelle : 92% des personnes interrogées en ont déjà été victimes ou connaissent quelqu’un l’ayant subi. Le taux enregistré pour les dix pays est de 38%, le plus important enregistré par l’ONG dans toutes ses études. « Dans cette forme spécifique de corruption, le sexe devient l’objet du chantage, explique le rapport, et les personnes sont forcées à s’engager dans des actes sexuels en échange de services publics, y compris dans l’éducation et la santé. » Le rapport explique également que ces chiffres concordent avec le taux de violences sexuelles et liées au genre dans la région, qui excèdent de loin la moyenne mondiale. Un pavé dans la mare? Pas vraiment : le sujet est peu discuté et mis en évidence puisque dans le Pacifique, seulement 21% des sondés pensent que l’extorsion sexuelle est courante, 37% pensent qu’elle arrive rarement ou occasionnellement et 24% pensent que cela n’arrive jamais. Enfin, 17% n’ont aucune idée du phénomène, chiffre qui monte à 40% en Polynésie et 50% en Calédonie, les deux seuls territoires français étudiés.

Autre type de corruption qui alerte : la fraude électorale. « Elle pourrait miner la démocratie ». Presque un quart des sondés dans la région ont dit avoir reçu une offre de pot-de-vin contre leur vote, un phénomène qui est le plus accru en Papouasie Nouvelle-Guinée et dans les États fédérés de Micronésie où le pourcentage s’élève à presque 60%. La Polynésie affiche 23% de personnes ayant reçu une telle offre. C’est l’organisation des élections qui est mise en cause et qui doit être revue dans toute la région, réclame l’ONG, pour « garantir la justice sociale et économique, les droits de l’Homme, la paix et la sécurité ». 

Pourcentage de personnes à qui on a proposé un pot-de-vin en échange de leur vote au cours des cinq dernières années : la Polynésie en milieu de tableau, avec 23%.

 

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