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La question du « dopage mécanique » s’invite sur le Tour de France

Le vélo de Froome aimante les regards, comme celui d'un photographe de l'AFP, vendredi matin. © Jeff PACHOUD/AFP

Le vélo de Froome aimante les regards, comme celui d’un photographe de l’AFP, vendredi matin. © Jeff PACHOUD/AFP

MOTEUR ! – Sur le Tour de France, les soupçons ne portent plus seulement sur les coureurs mais également sur leurs machines.

La performance de Christopher Froome (Team Sky) sur les pentes du col du Soudet, mardi, lors de la première étape de montagne du Tour de France 2015, a réveillé les soupçons de dopage autour du coureur britannique. Mais ces soupçons de dopage ne concernent pas seulement le coureur, mais également sa machine. « On a l’impression que le vélo pédale tout seul », a résumé Cédric Vasseur, consultant sur France Télévisions et ancien maillot jaune du Tour. Présent sur la moto au devant de la course, Vasseur a été le témoin privilégié de cette attaque qui en a rappelé une autre, l’an dernier, sur les pentes du Mont Ventoux. « C’est surprenant et même déroutant pour ses adversaires. On a l’impression qu’il (Froome) est en difficulté et, subitement, il s’envole », a-t-il presque regretté.

Froome sème tout le monde dans le col du Soudet (à 1’26 ») :

Jeudi soir, après l’arrivée de la 12e étape au Plateau de Beille – où ses équipiers Richie Porte et Geraint Thomas ont impressionné dans la montée, fesses vissées sur la selle -, Froome a réagi aux propos de Vasseur : « C’est assez culotté venant de Vasseur et Jalabert ». Jalabert, qui avait reconnu avoir été « mal à l’aise » devant l’attaque de Froome, avait été mis en cause en 2013 par une enquête sénatoriale sur le dopage sanguin dans le Tour 1998.

En 2010, la polémique Cancellara… Froome n’est pas le premier coureur à être confronté à la suspicion sur son matériel. En 2010, Fabian Cancellara avait été au cœur d’un immense scandale après son doublé Tour des Flandres-Paris-Roubaix. Le Suisse avait placé deux accélérations étonnantes pour lâcher Tom Boonen dans le « Ronde » puis sur tout un groupe d’échappés dans « l’Enfer du Nord », le tout assis sur sa selle. Il aurait en réalité utilisé un pédalier « révolutionnaire », mais réglementaire.

Quelques semaines plus tard, un inventeur hongrois du nom d’Istvan Varjas dévoilait un « engin » à la TV italienne, un vélo disposant d’un mini-moteur dissimulé dans le cadre. « Les gens ont mis dix ans à croire à l’EPO, pareil pour ces moteurs, personne n’y croit et cela fait dix-sept ans que ça dure », assurait Vargas en avril dernier au journal L’Equipe. En septembre 2014, une vidéo montrant la bicyclette du Canadien Ryder Hesjedal poursuivre sa route lors d’une étape du Tour d’Espagne avait fait naître de nouvelles suspicions de « dopage technologique », qui ne concernent pas seulement la route d’ailleurs. En 2012, aux JO de Londres, le camp français avait émis des doutes sur la nature des roues utilisées par les Britanniques, archi-dominateurs avec dans leurs rangs, plusieurs membres de « l’écurie » Sky…

« La propulsion de la bicyclette est assurée uniquement par les jambes. » Le rapport de la commission d’enquête sur le cyclisme (CIRC) publié en début d’année fait référence à cette nouvelle forme de dopage. « Diverses tentatives d’infraction au règlement technique ont été rapportées à la commission, y compris l’utilisation de moteurs cachés dans les cadres. Ce problème en particulier est pris au sérieux, surtout par les meilleurs coureurs, et n’a pas été décrit comme un phénomène isolé. » L’Union cycliste internationale (UCI) a d’ailleurs modifié son règlement en janvier pour prendre en compte les possibles tricheries relevant de la « fraude technologique », comme on l’appelle. Le coureur coupable de « fraude technologique » est sanctionné par une disqualification, une suspension de 6 mois au minimum et une amende de 20.000 à 200.000 francs suisses (19.193 à 191.930 euros). Une équipe, compte tenu des inévitables complicités – il est difficile d’imaginer un coureur « bricolant » sa monture à l’insu de son mécanicien -, encourt la disqualification, une suspension minimale de 6 mois et une amende d’un même montant.

Dans son règlement général, l’UCI rappelle que « la propulsion de la bicyclette est assurée uniquement par les jambes (chaîne musculaire inférieure) dans un mouvement circulaire à l’aide d’un pédalier sans assistance électrique ou autre ». Ça paraît évident, mais il est utile, quand même, de le rappeler…

Quid des contrôles ? Prévoir des sanctions, c’est bien, mais diligenter des contrôles, c’est mieux, estime certains. Rebondissant sur la performance de Froome, Cédric Vasseur, qui fut également président de l’association internationale des coureurs cyclistes professionnels, a regretté que le vélo de Froome n’ait ainsi pas été contrôlé au sommet de La Pierre-Saint-Martin. Pour l’heure, ces vérifications ont seulement été menées à trois reprises (2e, 8e et 9e étapes) sur ce Tour 2015 et ont porté sur 19 vélos de 8 équipes différentes. C’est peu. Avant le départ du Tour, le directeur de l’épreuve Christian Prudhomme avait déclaré « ne pas être préoccupé » par le « dopage mécanique ». Mais il avait ajouté : « J’ai vu avec plaisir arriver les contrôles sur les vélos. Il y aura (sur le Tour) des contrôles aléatoires et, je l’espère, fréquents ». Fréquents, on ne peut pas dire ça, donc.

Pas le même plateau. « Les polémiques tournent toujours autour de celui qui est là pour gagner le Tour de France et autour de son équipe », estime le consultant d’Europe 1, Richard Virenque. « Christopher Froome est un coureur atypique, qui a une façon de pédaler singulière. Il est différent des autres, il utilise également un plateau différent, un plateau ovale, donc c’est logique qu’il n’ait pas le même coup de pédale que ses adversaires, Contador ou Quintana. » Malgré tout, le septuple vainqueur du Grand Prix de la montagne sur le Tour estime qu’on « pourrait » contrôler davantage les vélos, comme on le fait lors des contre-la-montre. Les vélos sont également pesés à l’issue des étapes de montagne afin de contrôler qu’ils ne descendent pas sous la limite autorisée.

Un pistolet thermique pour détecter les tricheries ? Peser un vélo, c’est simple. Mais déceler un système électrique ou un mini-moteur embarqué demande un peu plus de moyens. Faudra-t-il un jour désosser tous les vélos à l’arrivée ? Soucieuse de ne pas dévoiler ses plans, l’UCI, qui a interdit un changement de vélos non répertorié en course, communique peu sur ses actions pour contrer les possibles manipulations technologiques, notamment le déclenchement à distance d’un système. Pendant le Giro, où des contrôles sur les vélos ont également été effectués, une brigade italienne spécialisée dans la recherche des champs magnétiques, tel qu’un moteur caché pourrait en produire, était intervenue à Gênes. Sur ce même Tour d’Italie, l’ancien champion américain Greg LeMond, vainqueur du Tour de France en 1989 et 1990, avait lui prôné l’utilisation d’un pistolet thermique pour détecter la source de chaleur la plus minime. Les armes pour lutter contre le dopage mécanique existent. Mais il faudra peut-être attendre l’équivalent d’une « affaire Festina » pour que l’arsenal complet soit sorti.

Source: Europe1

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