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La santé mentale des polynésiens à l’épreuve du Covid

Vaccination contre le Covid au centre médico-social Rimahere – ©Facebook Rimahere

Alors que l’ensemble des structures de santé est saturé à cause de l’affluence de patients Covid, ceux de la filière psychiatrie ont pour la majorité été renvoyés dans leurs familles. Cette mesure doit leur éviter d’être contaminés car ils sont souvent atteints d’autres pathologies qui les rendent vulnérables. Ils sont à présent confrontés à leurs familles qui n’étaient pas préparées à les prendre en charge au quotidien et qui en souffrent avec eux. 

Toutes les structures de santé sont affectées par la vague de cas de Covid qui frappe la Polynésie. À l’hôpital de Taaone plusieurs services ont été transformés pour accueillir les patients Covid, tandis que d’autres sont envoyés vers les cliniques privées. Les autres services sont réduits à une activité minimale pour faire face à l’urgence. En filière psychiatrie, les patients ont été renvoyés dans leurs familles « qui se retrouvent seules face à la prise en charge, et plus on s’éloigne de Papeete, plus les choses s’aggravent », témoigne Lewis Laille, trésorier de l’association Taputea ora qui accompagne les familles de ces patients. Ce qui peut devenir « infernal » c’est de ne pas pouvoir comprendre et gérer « une personne en crise, qui fait une décompensation ». Ce terme désigne une rupture de l’équilibre psychique d’une personne. « Les proches ne sont pas du tout préparés à cet accompagnement. Il faut chercher à adopter les bonnes attitudes pour que la vie à la maison ne devienne pas infernale. » Ces maladies prennent souvent leurs racines dans un contexte familial et social propice au mal-être. Difficile donc de les guérir là où, bien souvent, elles sont nées. « Ce sont des maladies qui touchent les émotions, la relation » indique Lewis, qui est à l’origine de l’association Taputea ora.

L’amélioration des structures ralentie par le Covid

42% de la population polynésienne souffre de troubles psychiques, d’après une enquête menée par l’Organisation Mondiale de la Santé en 2015. On parle de pathologies plus ou moins courantes telles que la schizophrénie, les troubles liés à l’alimentation ou encore la dépression et les tendances suicidaires. Cette enquête a servi de base au plan de santé mentale 2019-2023 visant à améliorer la prise en charge et la prévention dans ce domaine de la santé. Un pôle spécialement dédié est en construction au CHPF depuis 2016. Malheureusement la situation sanitaire actuelle vient retarder le processus. La seule structure dédiée qui existe pour l’instant, c’est le centre Rima here qui accueille 70 personnes en hébergement et 25 en centre de jour. Le centre déjà insuffisant pour répondre à la demande a dû renvoyer une partie de ses patients à leur domicile. François Hermier, directeur du centre médico-social Rima here déplore un décès à domicile parmi ses patients. Il était sur carnet rouge comme une certaine part des personnes accueillies au centre.  « Il y a plus de 14 000 personnes reconnues ayant un handicap mental en Polynésie », indique le directeur du centre. « Nous n’en accueillons qu’une centaine. » Là ou les familles sont en difficulté, c’est par manque d’information sur les maladies, mais aussi parce que dans la majeure partie des cas, il y a « déni, discrimination, maltraitance, ou rejet de la part des familles et de l’entourage ». 

Il y a un réel besoin d’information et d’accompagnement pour mieux vivre ces pathologies en Polynésie. Elles apparaissent le plus souvent durant l’enfance et l’adolescence et peuvent parfois être guéries ou plus ou moins bien vécues si elles sont prises en charge de manière adaptée. Quels seront les effets de la crise Covid sur les jeunes polynésiens à long terme? Aucun psychologue ou psychiatre n’a accepté d’être interviewé à ce sujet. Hormis le confinement et l’accès réduit aux soins, ce sont les nombreuses familles touchées par un décès qui auront besoin d’un accompagnement.

Les troubles peuvent aussi être ponctuels et résulter d’événements imprévus au sein des familles. Ainsi, le Fare Tama Hau organise des prises en charge individuelles et des groupes de parole, pour les familles endeuillées par le Covid.

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1 Commentaire

  1. simone Grand
    25 août 2021 à 10h31 — Répondre

    Une partie des réponses concernant l’origine de la souffrance mentale en Polynésie se trouve dans l’Histoire, quand ils furent convaincus d’être descendants de démons. La perte de l’estime de soin est un poison invisible aux effets dévastateurs.

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