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La Wallonie, seule contre tous pour bloquer l'accord de libre-échange UE-Canada

Bruxelles (AFP) – Malgré les pressions internationales, la région francophone de Wallonie a mis vendredi son veto à la signature par la Belgique du controversé traité de libre-échange entre l’UE et le Canada (Ceta), réclamant des garanties supplémentaires avant la mise en oeuvre de l’accord.

Le Parlement de la Wallonie, l’une des sept assemblées législatives de Belgique dont l’aval est indispensable à la ratification du traité négocié pendant sept ans par l’UE, a adopté à une large majorité une résolution demandant à son ministre-président, le socialiste Paul Magnette, de ne pas autoriser la Belgique à signer l’accord avec le Canada.

« Je ne donnerai pas les pleins pouvoirs au gouvernement fédéral et la Belgique ne signera pas le Ceta le 18 octobre », date d’une réunion des ministres de l’UE à Luxembourg où le traité devait en principe être adopté par les 28 Etats membres, a martelé M. Magnette.

« Je ne prends pas ceci comme un enterrement, mais comme une demande de rouvrir des négociations, en souhaitant qu’elle puisse être entendue », a toutefois nuancé l’élu socialiste, qui a multiplié les contacts ces derniers jours avec des dirigeants européens, dont le président de la Commission, Jean-Claude Juncker.

A l’issue d’une rencontre en fin d’après-midi à Paris avec le président français François Hollande, Paul Magnette a évoqué des contacts encore prévus avec les Canadiens pour tenter d’infléchir le texte.

« Ce qu’il faut pour nous, c’est qu’il y ait des clauses juridiquement contraignantes qui fassent en sorte que si demain il y a un conflit entre une multinationale et un Etat, on n’ait pas affaibli les pouvoirs de l’Etat de réguler, de protéger nos services publics, nos normes sociales, environnementales, tout ce qui fait le modèle de société européen auquel nous sommes très attachés », a-t-il à nouveau plaidé.

« Oui à l’approfondissement des échanges commerciaux avec le Canada (…), mais non au texte qu’on nous propose sous cette forme », a lancé de son côté la députée socialiste Olga Zrihen, au nom de la majorité de centre-gauche, lors du débat devant le Parlement régional à Namur (sud).

– ‘Cuba de l’Europe’ –

« Vous n’avez pas le sens de l’Etat, vous prenez en otage la Belgique et l’Europe », l’a tancée sa collègue libérale Virginie Defrang-Firket, estimant que la région wallone, après ce vote, allait devenir le « Cuba de l’Europe ».

La Wallonie est une région de quelque quatre millions d’habitants, dont l’industrie souffre depuis des années des effets de la mondialisation, comme l’a encore prouvé l’annonce récente de la fermeture de la grande usine de Charleroi (sud) du fabriquant américain d’engins de chantier Caterpillar.

Jeudi, la Nouvelle alliance flamande (N-VA, nationaliste), plus grand parti de Flandre, a accusé la « République soviétique de Wallonie » de mettre en péril les intérêt commerciaux de la Flandre.

Et le chef de la diplomatie belge, Didier Reynders, a pointé le risque d’isolement de la Belgique. « Cela m’embête pour l’avenir de l’Europe, pourquoi ajouter une crise en plus? », s’est-il interrogé.

crainte M. Magnette a répliqué en disant préférer un « isolement diplomatique » à une coupure avec la société civile wallonne, dont des pans entier (syndicats, ONG, agriculteurs…) s’opposent au traité négocié par la Commission au nom des 500 millions d’Européens et par Ottawa pour les 35 millions de Canadiens, de crainte qu’il affaiblisse les services publics ou sonne l’arrêt de mort de l’agriculture wallonne déjà en crise.

Laissant toutefois la porte entrouverte à un accord de dernière minute, Paul Magnette n’a pas réclamé une réouverture des négociation sur l’ensemble du traité.

Mais il a insisté pour que la récente « déclaration interprétative » qui l’accompagne, destinée à rassurer les sceptiques, soit dotée du « même poids juridique » que le Ceta lui-même.

« Mardi, on aura un conseil (des ministres de l’UE) et d’ici là, il y a un processus qui est en cours », a prudemment réagi après le vote un porte-parole de la Commission européenne, preuve que les lignes pourraient encore bouger.

Mais la patience du Canada a ses limites. « Si dans une semaine ou deux, l’Europe est incapable de signer une entente commerciale progressiste avec un pays comme le Canada, avec qui l’Europe pense-t-elle faire affaire dans les années à venir? », a d’ores et déjà prévenu jeudi son Premier ministre, Justin Trudeau.

Le moment est venu « pour l’Europe de décider à quoi sert l’Union européenne », a averti le Canadien, attendu à Bruxelles le 27 octobre pour la signature finale du Ceta. 

Paul Magnette, président de Wallonie, à la tribune de l'assemblée régionale à Namur, le 14 octobre 2016. © AFP

© Belga/AFP BRUNO FAHY
Paul Magnette, président de Wallonie, à la tribune de l’assemblée régionale à Namur, le 14 octobre 2016

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1 Commentaire

  1. tupai
    15 octobre 2016 à 10h03 — Répondre

    on aimerait avoir des détails quand même sur cette affaire. Si c’est pour bouffer des nourritures aux hormones ou autres cochonneries comme aux USA, c’est pas la peine, mais aucun détail dans les médias jusque à présent. Les journalistes ne font que relater, c’est creux !

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