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La ZEE polynésienne est-elle gérée et protégée correctement ?

©CP/Radio1

La CTC et la Cour des comptes ont publié hier un rapport commun de 37 pages, qui met en relief le manque de coordination entre l’État, le Pays et les acteurs privés et associatifs dans la protection des 5 millions de km2 d’océan qui entourent la Polynésie. Elle émet 10 recommandations pour bâtir une stratégie concertée.

Explorer, exploiter, mais aussi protéger la zone économique exclusive de la Polynésie française, la surveiller et la défendre, c’est la quadrature du cercle que Pays et État, chacun dans ses compétences, ne sont pas encore parvenus à réaliser. La Chambre territoriale des comptes, conjointement avec la Cour des comptes qui a dépêché ici deux magistrats, ont publié un rapport commun sur la gestion de la ZEE.

Les magistrats notent les efforts de la Polynésie pour concilier préservation et exploitation, par la création en 2018 de l’Aire marine gérée (AMG) Tainui Atea, un objet juridique qui n’existe qu’ici et qui permet de préserver le gagne-pain des pêcheurs. « On ne peut pas faire de toute la ZEE un ‘super-rahui’ », note à juste titre le président de la CTC Jean-Luc Le Mercier. Mais les rapporteurs soulignent que plus de trois ans après sa création, le projet n’est toujours pas concrétisé : « toujours en construction, sans action concrète de mise en œuvre, ni de plan stratégique défini, chiffré et arbitré par le comité de gestion. » Il est donc impossible à ce jour d’en mesurer les résultats. Et pourtant, sa réussite permettrait à la France d’être dans les clous de l’Objectif de développement durable n°14 défini par les Nations-Unies. Le rapport recommande d’associer le Cluster maritime et les associations locales de défense de l’environnement au comité de gestion de l’AMG, dit Brigitte Roman, première conseillère de la Chambre.

Édouard Fritch, qui a rencontré les magistrats, serait favorable à l’entrée des associations dans la gouvernance de l’aire marine gérée, précise Brigitte Roman.

La pêche : une politique sectorielle sur le fil du rasoir

La pêche hauturière polynésienne, sans compétition dans la ZEE puisque la Polynésie ne commercialise pas de droits de pêche, est « particulièrement respectueuse de la ressource et de l’environnement » note la CTC. Elle n’effectue que 0,2% des captures de thon dans le Pacifique. Le Pays ambitionne de doubler ces prises, de 6 000 à 12 000 tonnes par an, via un plan de 10 milliards d’aides diverses, au nom du développement économique, de l’emploi et de la sécurité alimentaire, même si le stock de thons rouges dans le Pacifique n’a jamais été aussi bas. La CTC voudrait que les unités de pêche polynésiennes constituent un réel réseau de vigies pour la surveillance de la zone.

Les ressources minières sous-marines

La Polynésie est compétente en matière d’exploration et d’exploitation, sauf pour les matières « stratégiques » dont la liste exacte doit d’ailleurs être actualisée. L’État a une « stratégie nationale relative à l’exploration et à l’exploitation minières des grands fonds marins » depuis 2016, mais il n’y a pas associé la Polynésie française qui mène ses propres travaux sur le sujet depuis plus de 20 ans et considère le cobalt particulièrement prometteur. Ce n’est que récemment, depuis janvier 2021, que l’État prévoit de renforcer le partenariat sur ce sujet avec les collectivités d’Outre-mer, en particulier celles du Pacifique. La Chambre territoriale des comptes recommande de formaliser un partenariat État-Pays sur les fonds sous-marins pour articuler les stratégies de l’un et de l’autre. Quant aux bénéfices économiques, « il faut raison garder », prévient Jean-Luc Le Mercier

Enfin, côté Pays, le rapport recommande une approche interministérielle de la part du gouvernement polynésien. Coté État, si l’aspect surveillance de la ZEE est jugé efficace, le rapport souligne la présence diplomatique trop réduite de la France, malgré l’affichage d’une stratégie indopacifique, dans les instances techniques régionales. « La France et la Polynésie ont besoin, sur ce dossier, l’une de l’autre », conclut le président Le Mercier.

 

RECOMMANDATIONS

Recommandation n° 1 – Concrétiser en 2022 par une convention avec la Polynésie française le partenariat pour les fonds sous-marins fondé sur la stratégie adoptée par le CIMer de janvier 2021.

Recommandation n° 2 – Coordonner la mise en œuvre, entre l’État et la Polynésie française, du programme d’exploration des fonds marins 2021- 2023.

Recommandation n° 3 – Consolider le plan de gestion de l’Aire marine gérée (méthodologie, périmètre, gouvernance).

Recommandation n° 4 – Délimiter, au sein de la ZEE de Polynésie française, des espaces protégés permettant le respect des engagements nationaux et internationaux de mise en œuvre de l’objectif de développement durable n°14.

Recommandation n° 5 – Adapter les moyens de communication entre la flotte hauturière polynésienne, le centre de surveillance des pêches et les forces armées pour mieux protéger la ZEE.

Recommandation n° 6 – Renforcer la coordination des services des différents ministères polynésiens traitant des thématiques concernant la ZEE.

Recommandation n° 7 – Développer la concertation avec les associations locales pour les projets de protection et de développement de l’espace maritime polynésien.

Recommandation n° 8 – Adopter un document stratégique de politique maritime intégrée pour la Polynésie française.

Recommandation n° 9 – Vérifier la bonne articulation entre les stratégies de la CPF et les stratégies nationales sectorielles (fonds sous-marins, biodiversité, pêche, …).

Recommandation n° 10 – Coordonner les actions diplomatiques de l’État et de la Polynésie française afin d’assurer une participation française plus active dans les instances scientifiques régionales et internationales.

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