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L’administration polynésienne, entre précarité et dérogation

Suite de notre série sur le contenu du volumineux mais instructif rapport annuel sur l’activité du gouvernement et sur l’état de ses différents services. Au milieu des innombrables statistiques sur la performance de l’administration du Pays, on s’aperçoit le recours aux contractuels pour combler les vides s’est encore accentué.

Dans son rapport sur la mission Pouvoirs Publics rendu public en avril dernier, la chambre territoriale des comptes (CTC) notait que« la baisse conjuguée des effectifs ANFA [NDLR : agents non fonctionnaires de l’administration] et titulaires est compensée par l’augmentation massive des effectifs d’agents non titulaires (…) dont le nombre a plus que doublé entre 2012 et 2017 ».Une tendance encore renforcée avec les chiffres de 2018, et sans perspectives d’amélioration en 2019.

1 agent sur 7 est un contractuel…

Ainsi, le dernier rapport du Président adressé à l’assemblée de Polynésie indique que « le nombre d’agents recrutés en CDD s’élève au 31 décembre 2018 à 719 contre 688 au 31 décembre 2017 » Une hausse de 4,5% sur les deux années, qui suit l’augmentation continue constatable de 2012 et qui conduit au constat que, désormais, « à fin décembre 2018, les agents recrutés en CDD représentent 13,08% des effectifs globaux en activité dans les services ». Des contractuels majoritairement recrutés auprès de la gente féminine (61,3%) et chez les jeunes (74,1% ayant moins de 35 ans).

Ces chiffres traduisent l’extrême précarité de cette catégorie de personnels puisque 8 mouvements d’entrée et sorties de personnel sur 10 concernent des CDD, « traduisant une précarité sur certains postes ».

Une réalité qui avait plus qu’ému la CTC dans son dernier rapport. La juridiction financière concluait ainsi que, sur la période 2012-2017, « si le recours aux agents non titulaires peut être admis dans les seules conditions prévues par la réglementation, il doit demeurer ponctuel, ce qui est loin d’être le cas désormais » et que « la croissance de leur effectif est révélatrice d’un dysfonctionnement dans la gestion des ressources humaines et plus particulièrement dans la stratégie de recrutement au sein de la fonction publique territoriale ».

… en attendant l’organisation de concours de recrutement 

Les motifs pour pouvoir recruter un contractuel à durée déterminée sont multiples, notamment pour assurer le remplacement d’agents (en congé parental, de formation, de maladie ou de maternité…) afin de ne pas entraver la continuité du service public, pour assurer des fonctions nécessitant des connaissances techniques spécialisées, ou encore quand aucun candidat en Polynésie ne répond au profil requis.

Cependant, le motif principal utilisé est la nécessité de « faire face temporairement, et dans l’intervalle des concours après épuisement de la liste complémentaire, à la vacance d’un emploi devant immédiatement être pourvu afin d’assurer la continuité du service public »

Une possibilité qu’elle a donc largement utilisée, puisque ces recrutements représentent 82,5% des cas, notamment pour pourvoir des postes d’enseignants dans la filière éducative et des postes administratifs et médicaux dans la filière santé. La Polynésie est ainsi parfois amenée à prendre en CDD quelqu’un ayant échoué à un concours.

Or, les concours organisés en 2018, avec retard et complication, n’ont pas permis de résorber la situation. Sur les 23 concours lancés par la collectivité, nécessitant la réservation de salles, la recherche de surveillants et l’indemnisation de jurys et correcteurs, huit concours se sont révélés totalement infructueux, à savoir qu’aucun candidat, à l’issue des épreuves écrites et orales, n’a été retenu et ne répondait aux critères pour pouvoir intégrer la fonction publique.

Dans son rapport, la CTC concluait qu’ « à défaut d’organiser régulièrement des concours de recrutement, la Polynésie fige une situation dérogatoire pour assurer le fonctionnement de son administration » citant notamment le constat également fait par des représentants de l’assemblée de Polynésie lors des débats en février 2018 : « On déroge tout simplement au principe même de la fonction publique. 8 ans, 5 ans, sans concours… N’oublions pas que le concours est le rempart contre le clientélisme mais aussi contre la cooptation dans la fonction publique ».

En 2019, un seul concours, initialement prévu en 2018, est programmé pour recruter sept formateurs pour deux établissements de formation. Et rien est encore prévu d’ici les élections municipales de 2020, le plan triennal de recrutement n’étant pas encore paru…

 

 

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3 Commentaires

  1. COROSOL
    1 septembre 2019 à 7h49 — Répondre

    Recours aux contractuels : il faut bien compenser le trop fort taux d’absentéisme des titulaires. Résultat, double dépense pour l’administration et pour le Pays.

  2. simone grand
    3 septembre 2019 à 16h46 — Répondre

    Prédominance des gratte-papiers au détriment de toute réflexion sur le milieu que l’on administre. Ainsi l’on s’aperçoit que depuis deux décennies où les scientifiques ont dû s’incliner devant les administratifs, le service de la mer quelque soit son nouveau nom n’a pas été en mesure de gérer intelligemment le milieu lagonaire qu’il administre. ça a distribué des concessions maritimes sans aller vérifier les conséquences sur le milieu naturel. Il y a eu une totale absence de gestion et de suivi.

  3. Mahesa
    6 septembre 2019 à 7h58 — Répondre

    Ancienne cadre d’Epic, je suis indignée de constater l’écart de revenus et de confort de vie entre les fonctionnaires métro et les habitants des îles, qui font exploser les prix. Un certain mépris est également présent à l’égard des populations, détestable.

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