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Lagarde coupable de « négligence » mais maintenue à la tête du FMI

Paris (AFP) – L’ancienne ministre de l’Economie française Christine Lagarde a été jugée coupable lundi à Paris de « négligence » dans un scandale politico-financier majeur datant de 2008 mais a été maintenue à la tête du Fonds monétaire international.

La dirigeante de 60 ans a affirmé qu’elle n’introduirait pas de recours contre le jugement rendu par la Cour de justice de la République (CJR), qui l’a par ailleurs dispensée de peine au nom de sa « réputation internationale ».

« Ce n’est pas la décision que j’aurais préférée mais il faut à un moment savoir tourner la page, arrêter un procès et se consacrer aux tâches qui sont les miennes », a affirmé depuis Washington la directrice générale du FMI qui avait la possibilité de former un pourvoi en cassation contre ce jugement.

« C’est un jugement curieux », a toutefois commenté Mme Lagarde, une ancienne avocate internationale de 60 ans qui risquait jusqu’à un an de prison et 15.000 euros d’amende.

Réunie d’urgence après le jugement, l’instance de direction du FMI lui a presque aussitôt renouvelé sa « pleine confiance » en assurant que Mme Lagarde avait « la capacité » de rester aux commandes de l’institution qu’elle dirige depuis juillet 2011. Elle avait été reconduite l’été dernier pour un deuxième mandat de cinq ans.

Dans son communiqué, le conseil d’administration du FMI, qui avait la possibilité théorique de la destituer, a même tenu à rendre hommage à son « fantastique leadership » et au « respect et à la confiance » dont elle jouit sur le globe.

Les ennuis de l’ex-ministre française de l’Economie et des Finances (2007-2011) du président de droite Nicolas Sarkozy trouvent leur source au début des années 1990, quand la banque publique Crédit Lyonnais a acheté l’équipementier sportif Adidas à l’homme d’affaires et ancien ministre de gauche Bernard Tapie.

Celui-ci s’estime floué dans la procédure et entame une procédure judiciaire au long cours.

– « Sentence choquante » –

Pour mettre fin à des années de guérilla judiciaire, le ministère de l’Economie, dirigé alors par Christine Lagarde, choisit en 2007, contre l’avis d’un organe consultatif, de recourir à un arbitrage privé. Les trois juges arbitraux accordent l’année suivante à Bernard Tapie la somme faramineuse de 404 millions d’euros, pris sur les deniers publics.

Or, il s’avèrera que l’arbitrage était frauduleux. Annulé en 2015 au civil, il fait l’objet d’une enquête pénale pour « détournement de fonds publics » et « escroquerie », distincte de celle qui vise la directrice générale du FMI.

A la dirigeante, la justice reprochait d’avoir par « négligence » laissé l’arbitrage s’organiser, alors qu’il risquait d’être défavorable aux intérêts du contribuable, mais aussi de ne pas avoir introduit de recours contre la décision des arbitres malgré le montant exorbitant alloué à Bernard Tapie.

Au final, « le délit de négligence est constitué sur la problématique de non recours » uniquement, a expliqué lundi son avocat. « On ne lui a pas reproché d’avoir donné son feu vert pour entrer en arbitrage, mais simplement qu’elle aurait dû exercer un recours en annulation », a précisé Me Patrick Maisonneuve.

Selon l’arrêt lu par la présidente Martine Ract Madoux, la ministre aurait à l’époque dû demander plus de détails sur « une sentence aussi choquante ». La Cour a estimé que, si elle l’avait fait, cela « aurait certainement permis de découvrir » que la procédure d’arbitrage avait été manipulée.

Malgré tout, la Cour a estimé que la « personnalité » de la patronne du FMI et sa « réputation internationale », ainsi que le fait qu’elle bataillait à l’époque contre une « crise financière internationale », plaidaient en sa faveur et justifiaient de la dispenser de peine.

Pendant le procès, Mme Lagarde avait elle-même laissé entendre qu’occupée à régler la crise financière de 2008, elle avait suivi les avis de ses conseillers « dans cette affaire d’arbitrage » qui n’était « pas une priorité ». « Le risque de la fraude m’a totalement échappé », avait-elle reconnu.

« Comment voulez-vous expliquer aux citoyens qu’il y a des gens qui ont gaspillé 400 millions d’euros mais qui n’auront rien inscrit à leur casier judiciaire ? », s’est indigné Jean-Christophe Picard, président de l’association de lutte contre la corruption Anticor, qui demande la suppression de la CJR.

Christine Lagarde devant la Cour de Justice de la République le 12 décembre 2016 à Paris. © AFP

© AFP/Archives Martin BUREAU
Christine Lagarde devant la Cour de Justice de la République le 12 décembre 2016 à Paris

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