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L’agriculture polynésienne doit-elle faire face à la concurrence ?

Reprenant largement des travaux déjà réalisés sur le fonctionnement de la filière agricole, l’Autorité polynésienne de la concurrence (APC) conclut, dans son dernier avis sur les mécanismes d’importation et de distribution, à la nécessité d’en finir avec le régime des quotas en vigueur. Une politique de rupture à laquelle le gouvernement ne semble pas prêt de se résoudre. Le point, alors que la foire agricole ouvre ses portes ce mercredi.

La politique de développement agricole en Polynésie repose principalement sur la fixation de quotas ou sur l’interdiction d’importation de fruits et légumes qui auraient vocation à concurrencer la production locale. À l’abri de ces barrières dites quantitatives, les quelques 15 000 agriculteurs recensés sur le territoire ne feraient que peu d’efforts pour satisfaire les consommateurs, sûrs de la possibilité d’écouler leur marchandise, sans crainte de concurrence provenant principalement d’Océanie ou des États-Unis, et sans obligation de maîtriser leurs coûts. Une sorte de parapluie réglementaire auquel l’APC souhaite mettre fin en remplaçant ces quotas par des taxes. Les consommateurs auraient au moins enfin la possibilité de choisir.

Conférence agricole et quotas à l’index

L’APC est ainsi formelle, « les quotas d’importation ont des effets inflationnistes, sans pour autant avoir un effet significatif d’amélioration de la production locale », les producteurs n’étant « pas incités à produire au meilleur coût, ni à assurer la qualité et la diversité de leur produits, assurés qu’ils sont d’écouler leur production en raison de la fermeture du marché extérieur jusqu’à quasi-écoulement des stocks ». En revanche, ils sont « incités à gonfler artificiellement leurs prévisions de production, afin d’éviter l’ouverture des quotas et s’assurer ainsi d’écouler leur production à des niveaux de prix élevés ». L’autorité concluant que « la pénurie est en quelque sorte organisée sous couvert de protection du marché ».

Elle propose de remédier à tous ces problèmes en supprimant ces barrières non tarifaires aux importations et en révisant entièrement la politique des quotas agricoles. Le cas échéant en leur substituant des subventions publiques sous conditions au bénéfice des agriculteurs. L’idée est avancée de préférer une taxation des fruits et légumes importés qui « en plus de réduire les prix et d’accroître les quantités consommées, (…) permettrait de stimuler par l’aiguillon concurrentiel la qualité de la production et l’efficacité productive ».

Par ailleurs, l’APC souhaite que soient expérimentées toutes les formes de mutualisation en matière agricole, comme l’achat d’intrants tels que les semences, engrais, alimentation animale ou matériel, notamment par le biais de coopératives afin de réduire les coûts.

Des recommandations peu novatrices 

Les constats et recommandations établis par l’APC sont loin d’être nouveaux et s’inscrivent dans la droite ligne de préconisations déjà faites par ailleurs sur le fonctionnement de ce secteur d’activité. Ces conclusions reprennent peu ou prou celles effectuées par la CTC dans son rapport sur la politique agricole sur la période 2011-2017. Dans ce document assez sévère, la chambre s’en prenait déjà à la conférence agricole, expliquant qu’ « au motif de protéger la production agricole locale, l’emploi du secteur primaire et la situation sociale des agriculteurs, cette commission méconnaît les besoins et les attentes des consommateurs » et que « le mécanisme pèse sur le niveau des prix exclusivement supportés par les consommateurs, qui se trouvent dès lors contraints de contribuer au financement d’une politique protectionniste qui ne leur est pas favorable, l’offre étant limitée en quantité, en variété et en qualité ». Une pratique qui, « même organisée par le Pays, revient, dans les faits, à porter atteinte à la concurrence » selon les magistrats qui relevaient également que les services concernés sont parfaitement conscients de cet état de fait, étant largement convenu que cette conférence est le pire des systèmes à l’exclusion de tous les autres.

Deux ans avant l’APC, la juridiction financière invitait notamment le Pays à « identifier et mesurer le déficit de compétitivité à la production des produits locaux afin d’établir des mécanismes de correction en lieu et place de ce dispositif de protection et de respecter les règles édictées en matière de concurrence », et à engager une réflexion sur le rôle et la place de la conférence agricole et à en tirer les conséquences.

Sur la recommandation de substituer les barrières quantitatives par des barrières tarifaires, cette recommandation n’est là encore que la reproduction des conclusions du rapport relatif aux mécanismes d’importation et de distribution des produits de grande consommation en Nouvelle-Calédonie, établi en septembre 2012 à la demande du gouvernement calédonien. Sur ces points, l’avis de l’APC ne fait donc que mettre une énième couche sur des problématiques largement connues par les décideurs publics. Pour autant, le Pays ne semble pas prêt à vouloir revenir sur le fonctionnement actuel.

Un choix politique déjà opéré 

Dans sa réponse à la CTC, le président du Pays estimait que le dispositif des quotas constitue « un soutien réel (…)pour le monde agricole et la profession». La tant décriée conférence agricole constitue, depuis 2015, un objectif à part entière et la cheville ouvrière de la politique agricole territoriale. Dans le cadre de l’amélioration des filières fruitières et maraîchères, « l’optimisation du fonctionnement de la conférence agricole » y est définie comme une action et un objectif prioritaires pour le Pays pour les années à venir, prévoyant ainsi le maintien du régime des quotas. Il est ainsi clairement indiqué que « l’objectif est de maintenir des quotas afin de protéger la production locale tout en garantissant l’accès des consommateurs à une offre en produits répondant à leurs attentes » et qu’en contrepartie, « les agriculteurs et les distributeurs devront respecter des conditions permettant l’expression d’une concurrence saine et loyale » notamment en matière de fourniture de données chiffrées.

Quant à la mutualisation des moyens agricoles, l’initiative développée par la société Kai Hotu Rau s’est à ce jour révélée peu concluante, « l’approvisionnement des produits locaux non constant sur l’année 2018 n’aura pas permis à la société Kai Hotu Rau de pouvoir poursuivre comme elle l’aurait souhaité son évolution », des conditions « rendant ainsi difficile son maintien de premier interlocuteur auprès de ses clients », selon le Président du Pays.

Sur ce point, l’avis de l’APC apporte donc une petite pierre dans un débat que les pouvoirs publics ne souhaitent pas ouvrir.

 

 

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1 Commentaire

  1. Fred
    25 septembre 2019 à 7h56 — Répondre

    Ces bureaucrates de l’APC ne connaissent rien à la problématique de la production et commercialisation agricole locale… Si on applique leurs conclusions il n’y aura plus de produits  » non tropicaux » sur le marché. Les commerces prefereront toujours vendre leurs importés que du local, ne pouvant pas faire de retour d’imports tout en réalisant de meilleures marges. .. Faut il valoriser la production de proximité et ses emplois ou l’import sauvage au détriment de l’environnement et de la santé des consommateurs…???

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