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L'ambassadeur russe à Ankara assassiné par un policier turc au nom d'Alep

Ankara (AFP) – L’ambassadeur de Russie en Turquie a été assassiné lundi à Ankara par un policier turc, qui a affirmé agir pour venger le drame de la ville d’Alep, en passe de tomber aux mains du régime syrien soutenu par Moscou.

Le diplomate Andreï Karlov a été abattu de plusieurs balles alors qu’il prononçait une allocution lors de l’inauguration d’une exposition d’art dans la capitale turque.

Les présidents turc Recep Tayyip Erdogan et russe Vladimir Poutine, dans des déclarations séparées, ont qualifié cet assassinat de « provocation » visant à torpiller la normalisation entre les deux pays entamée en août après une grave crise diplomatique. Ils s’étaient parlé au téléphone peu après l’attaque.

Sur une vidéo de la scène diffusée sur les réseaux sociaux, on voit l’assassin présumé hurlant, d’abord en arabe avec un accent marqué, puis en turc, alors que l’ambassadeur est allongé à terre à côté de lui.

L’homme, en costume noir et armé d’un pistolet, crie « Allah Akbar » (« Dieu est le plus grand ») et évoque en arabe « ceux qui ont fait allégeance au jihad ». « N’oubliez pas la Syrie, n’oubliez pas Alep », a-t-il ensuite crié en turc à deux reprises.

« Tous ceux qui prennent part à cette tyrannie rendront des comptes, un par un », a-t-il ajouté.

« Pendant que l’ambassadeur faisait un discours, un homme grand, portant un costume, a tiré d’abord en l’air, puis a visé l’ambassadeur », a raconté à l’AFP Hasim Kiliç, correspondant du quotidien Hürriyet dans la capitale turque et présent sur les lieux au moment de l’attaque. Trois autres personnes ont été blessées dans l’attaque, selon les médias turcs.

– Assaillant « neutralisé » –

L’assassin présumé a été identifié par les autorités turques comme étant Mevlüt Mert Altintas, un policier de 22 ans. Il n’était pas clair dans l’immédiat si le policier faisait partie du dispositif de sécurité déployé pour encadrer l’exposition.

Une perquisition a été menée à son domicile, a annoncé le parquet. Ses parents et sa soeur ont été arrêtés, selon l’agence Dogan.

Dénonçant « un acte terroriste », la porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères Maria Zakharova a affirmé que « les assassins seront punis ».

Né en 1954, Andreï Karlov avait été nommé dans la capitale turque en juillet 2013. Marié et père d’un enfant, il a été en poste dans les deux Corées, notamment comme ambassadeur à Pyongyang de 2001 à 2006.

Selon le ministre turc de l’Intérieur, l’assassin présumé a été « neutralisé ». Des photos le montrant à terre, visiblement mort, avec des impact de balle sur le mur derrière lui, ont été diffusées sur les réseaux sociaux. 

Les Etats-Unis ont condamné « cet acte de violence, quelle qu’en soit l’origine ».  La cheffe de la diplomatie européenne Federica Mogherini s’est dite « profondément choquée » par cet assassinat tandis que le président français François Hollande l’a condamné « avec force ».

La Syrie, où la Russie apporte un soutien militaire crucial au régime de Bachar al-Assad, a condamné un « crime abominable ».

– Coopération malgré les divergences –

« Je ne crois pas qu’il y ait de conséquence considérable (sur les relations entre les deux pays) mais sur un plan symbolique, ça montre que ce qui se passe à Alep ne passe pas auprès d’une partie de la population musulmane », a estimé Dominique Moïsi, conseiller spécial de l’Institut Montaigne, un think tank basé à Paris. 

Aykan Erdemir, de la Fondation pour la Défense de la démocratie basée à Washington, estime qu’Ankara « marche sur la corde raide en tentant à trouver un modus vivendi avec la Russie en Syrie », alors que les partisans du parti islamo-conservateur au pouvoir, l’AKP, voient d’un mauvais oeil le soutien apporté par Moscou au régime d’Assad.

« Quand on voit les manifestations à Istanbul contre la Russie et l’Iran et en soutien à Alep, on voit que les partisans zélés de l’AKP y sont », explique-t-il.

Cette attaque est justement survenue à un moment où les relations turco-russes connaissent une embellie depuis plusieurs mois après une grave crise diplomatique née de la destruction en novembre 2015 par l’aviation turque d’un avion militaire russe au-dessus de la frontière syro-turque.

C’est d’ailleurs à la faveur d’un accord de cessez-le-feu parrainé par la Turquie et la Russie que les quartiers rebelles d’Alep sont évacués depuis jeudi, une opération à l’issue de laquelle le régime pourra reprendre le contrôle de toute la ville.

La Russie est pourtant le principal allié du régime syrien, qui est en passe de reprendre Alep, la deuxième ville de Syrie, alors que la Turquie soutient les rebelles qui cherchent à le renverser.

Une réunion axée sur le dossier syrien est prévue pour mardi à Moscou entre les chefs des diplomaties russe, turque et iranienne.

Andrei Karlov, l'ambassadeur russe à Ankara, le 4 juin 2014 . © AFP

© DEPO PHOTOS/AFP DEPO PHOTOS
Andrei Karlov, l’ambassadeur russe à Ankara, le 4 juin 2014

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