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L'Arabie saoudite de nouveau sur la sellette après un bain de sang au Yémen

Sanaa (AFP) – L’Arabie saoudite était de nouveau dimanche sur la sellette au lendemain d’un carnage ayant fait plus de 140 morts et 525 blessés dans la capitale yéménite Sanaa, une attaque qui met dans l’embarras les Etats-Unis, alliés de Ryad.

Selon l’ONU, des frappes aériennes ont touché de plein fouet une grande cérémonie funéraire samedi dans la ville contrôlée par les rebelles chiites Houthis. Parmi les victimes figurent des personnalités politiques, des responsables militaires et de nombreux civils.

Des experts ont estimé que cette attaque tuait les perspectives de cessez-le-feu et de règlement politique.

Le ton est d’ailleurs monté avec une manifestation dimanche à Sanaa de milliers de partisans des Houthis qui ont crié « Mort aux Al-Saoud », la famille régnante à Ryad, et des déclarations belliqueuses de l’ex-président Ali Abdallah Saleh, allié des rebelles, qui a appelé à une mobilisation militaire à la frontière saoudienne.    

La coalition militaire arabe au Yémen, conduite par l’Arabie saoudite, a nié dans un premier temps toute implication dans les raids de samedi, avant de publier un communiqué dans la nuit annonçant une enquête « immédiate ».

Le bain de sang a été dénoncé par Washington, Paris, Londres, Téhéran, Damas, la Croix-Rouge et les Nations unies. 

« Profondément troublés », les Etats-Unis ont annoncé le réexamen de leur soutien à la coalition arabe, qui avait déjà été réduit ces derniers mois.

« La coopération sécuritaire des Etats-Unis avec l’Arabie saoudite n’est pas un chèque en blanc », a affirmé Ned Price, porte-parole du Conseil de sécurité nationale à la Maison Blanche.

Ces raids sont intervenus à un moment où Washington critique fortement Moscou pour ses frappes en Syrie qui font de nombreuses victimes civiles.

Les relations entre Washington et Ryad n’ont cessé de se détériorer ces deux dernières années, en particulier après une amorce de rapprochement américano-iranien.

L’objectif de la coalition arabe est de rétablir l’autorité du gouvernement reconnu par la communauté internationale sur l’ensemble du Yémen, en partie contrôlé par les Houthis, rebelles issus de l’importante minorité zaïdite concentrée dans le nord du pays et qui se sont emparés de Sanaa il y a deux ans.

L’Iran, qui soutient les Houthis, a vivement réagi, le ministère des Affaires étrangères « condamnant fermement les frappes » saoudiennes qu’il a qualifiées de « crime épouvantable contre l’humanité ».

– ‘Enquête impartiale’ –

Le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon a « condamné » l’attaque « absolument inacceptable », qui « serait » le résultat de « frappes aériennes par la coalition ». Il a exigé « une enquête rapide et impartiale », estimant que « les responsables doivent être traduits en justice ».

Depuis le début du conflit actuel en mars 2015, des milliers de civils ont été des victimes collatérales de raids aériens attribués à la coalition sous commandement saoudien.

Le CICR s’est dit « horrifié » par ces nouvelles pertes « monstrueuses » de vies civiles.

Le coordinateur humanitaire de l’ONU au Yémen, Jamie McGoldrick, n’a pas mâché ses mots. « La communauté humanitaire du Yémen est choquée et scandalisée par les raids aériens qui ont visé une salle publique où des milliers de personnes participaient à une cérémonie funéraire ».

Ces personnes étaient venues présenter leurs condoléances pour la mort du père du « ministre de l’Intérieur » des rebelles, Jalal al-Rouichène. Le maire de la capitale Sanaa, Abdel Qader Hilal, figure parmi les morts.

Cependant, a précisé à l’AFP l’experte April Alley de l’International Crisis Group, « l’attaque semble avoir tué un certain nombre de personnalités politiques et d’officiers militaires du nord qui oeuvraient à un règlement politique ».

Cette spécialiste a évoqué un « tournant » car l’attaque « a presque certainement tué tout espoir de cessez-le-feu », évoqué vendredi par le médiateur de l’ONU pour le Yémen Ismaïl Ould Cheikh Ahmed, et elle « aura des conséquences à plus long terme » sur les possibilités d’un « plan de paix viable ».

Les pourparlers de paix qui se tenaient depuis plusieurs mois au Koweït ont échoué et ont été suspendus en août.

Dans une allocution télévisée dimanche, l’ex-président yéménite Saleh, qui a dirigé le pays pendant plus de 30 ans et dispose encore de puissants relais au sein de l’armée quatre ans après avoir été contraint au départ, a usé d’un langage guerrier: « J’appelle les forces armées et les comités populaires (milices rebelles) à se rendre sur le front de guerre à la frontière (saoudienne) pour venger nos victimes ».

Dimanche matin, des milliers de personnes ont aussi manifesté à Sanaa contre le « massacre » de samedi. « Mort aux Al-Saoud », a répété la foule lors de ce rassemblement baptisé « Volcan de la colère ».

« Après ce massacre, nous sommes plus déterminés à affronter les agresseurs », a martelé un haut responsable des rebelles, Mohamed Ali al-Houthi. « Ouvrez les fronts avec l’ennemi saoudien! »

Des secouristes yéménites transportent un corps après des frappes attribuées à la coalition arabe à Sanaa, le 8 octobre 2016 . © AFP

© AFP MOHAMMED HUWAIS
Des secouristes yéménites transportent un corps après des frappes attribuées à la coalition arabe à Sanaa, le 8 octobre 2016

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