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L’argent flambé à l’Huilerie de Tahiti

©Cédric Valax

Dans son dernier rapport sur la gestion de l’Huilerie de Tahiti, la chambre territoriale des comptes de Polynésie française détaille certes le rôle d’amortisseur social de la société pour les archipels, mais révèle surtout des pratiques particulièrement dépensières dans la gestion financière de la société et dans les décisions parfois incohérentes du Pays…

La chambre territoriale des comptes a publié en fin de semaine dernière son tout premier rapport consacré à la gestion de l’Huilerie de Tahiti, officiellement société « privée » mais en réalité détenue à 99,95% par le Pays et totalement administrée par les pouvoirs publics. Sans surprises, la chambre commence par analyser la « mission sociale » de l’Huilerie, « clé de voûte » d’une économie artificielle « essentielle » pour les archipels éloignés, basée sur la culture du coprah. Un coprah subventionné en moyenne à « 75% » par la « Caisse de soutien des prix du coprah » sur la période 2010 à 2016.

Mais une fois passée cette analyse et une fois constatée l’impossible rentabilité de l’Huilerie, la chambre révèle une série d’aberrations dans la gestion de la société. En premier lieu, le rôle d’amortisseur social de l’Huilerie semble s’appliquer davantage au personnel de la société qu’aux coprahculteurs des îles. La chambre révèle notamment les salaires du personnel, revus à la hausse après la décision de la société d’accorder « tous les avantages » demandés lors des grèves de 2012 et surtout de 2015. On y apprend que le salaire « moyen » des manœuvres est de 278 311 Fcfp/mois ; celui du personnel de raffinerie de 333 312 Fcfp/mois ; celui des mécaniciens de 392 705 Fcfp/mois ; et celui du personnel administratif de 528 301 Fcfp/mois.

Le directeur indemnisé pour son départ et réembauché comme prestataire

La situation de la direction interpelle également la juridiction financière. Après une « stabilité remarquable », l’Huilerie a changé en 2015 de P-dg, de directeur financier, de directrice financière adjointe et de directeur technique… Or la chambre affirme que le nouveau directeur nommé en 2015, Henri Leduc, « ne dispose d’aucune expérience en matière de gestion d’une usine de production d’huile de coprah » et n’a reçu aucun « objectif formalisé dans un lettre de mission » lors de sa prise de fonction. Par ailleurs, l’ancien directeur, Gérard Raoult, rémunéré à hauteur de 1,2 million de Fcfp/mois, a perçu 26 millions de Fcfp d’indemnité de rupture de contrat lors de son départ en 2015, mais a ensuite été réembauché par l’Huilerie pour six mois à 1 million de Fcfp/mois comme « prestataire » pour accompagner le nouveau directeur…

Autre remarque de la juridiction, un directeur technique démissionnaire en juillet 2015 a touché plus de « 9 millions de Fcfp » d’indemnité de départ après seulement quatre années à son poste, dont une indemnité conventionnelle de rupture égale à six mois de salaire alors que son contrat n’en prévoyait que trois…

Les « décisions incohérentes » du Pays

La chambre territoriale des comptes note également une série de « décisions incohérentes » prises par le Pays concernant l’Huilerie. Parmi elles, le Pays a demandé en 2011 un redressement fiscal de l’Huilerie de Tahiti qui s’est traduit par un redressement de 401 millions de Fcfp. Evidemment, impossible pour l’Huilerie de régler ce redressement sans déposer le bilan. Le Pays a donc accordé un dégrèvement de 308 millions de Fcfp, avant de se voir contraint d’augmenter sa subvention à l’Huilerie pour qu’elle règle le reste du redressement…

Deuxième bizarrerie en juin 2015, le Pays, à travers Direction de l’environnement, a déposé plainte auprès du procureur en raison du rejet de matières grasses en provenance de l’unité de raffinage de l’Huilerie. Les analyses ont effectivement révélé des rejets en dehors des normes d’hygiène. Résultat, plusieurs solutions ont été envisagées pour des coûts de 70 à 100 millions de Fcfp, mais aucune décision n’a été prise. Le Pays a donc déposé plainte contre la société dont il est actionnaire à 99,9% sans « apporter de solution au problème, qui est avéré », s’étonne la chambre.