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L’Autorité polynésienne de la concurrence interdit l’implantation de Carrefour à Moorea

C’est une première au fenua. Dans sa décision définitive rendue ce lundi, l’Autorité polynésienne de la concurrence interdit l’installation d’un magasin Carrefour à Maharepa. Les mesures correctives proposées par le groupe Wane n’ont pas convaincu l’autorité, pour qui le projet « présente des risques élevés d’atteinte à la concurrence ». En décourageant plusieurs autres projets, l’implantation de ce supermarché nuirait à la concurrence, dit l’APC, qui souligne aussi le risque de discrimination à l’égard des autres enseignes qui s’approvisionnent auprès du groupe Wane.

Pour la première fois depuis sa création en 2015, l’Autorité polynésienne de la concurrence interdit l’implantation d’un commerce, en l’occurrence un supermarché Carrefour (1 830 m2 de surface de vente) prévu à Maharepa, à Moorea.

L’Autorité polynésienne de la concurrence estime que le projet de Carrefour « présente des risques élevés d’atteinte à la concurrence » pour trois raisons principales. La première tient aux « risques concurrentiels » : le retrait de plusieurs projets de magasins concurrents, donc une « perte importante d’animation concurrentielle pour le consommateur » ; un « renforcement de la puissance » du groupe Wane ; et un « risque de discrimination des conditions d’approvisionnement des magasins concurrents auprès des sociétés » du groupe Wane. Deuxième raison du refus, le groupe Wane « n’a pas apporté la preuve que l’opération envisagée était susceptible d’engendrer des effets positifs en termes d’efficacité économique suffisants pour contrebalancer les risques concurrentiels relevés. » Enfin, les modifications du projet proposées par groupe Wane à la demande de l’APC au cours de l’instruction du dossier n’ont pas convaincu. Les explications de Johanne Peyre, présidente de l’Autorité polynésienne de la concurrence :

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Trop de parts de marché

L’installation de Carrefour, qui exploite déjà le supermarché Champion à Moorea, signifierait que la surface de vente totale du groupe serait plus de 4 fois celle de son premier concurrent dans cette catégorie, le Super U Are, « lequel verrait sa part de marché diminuer de moitié » et le groupe Wane rafler « 70 à 80% » des parts de marché de Moorea.  Et même si les projets de supermarchés Painapo Market (777m2) et Happy Market (790m2) qui, eux, ont déjà obtenu le feu vert de l’APC, voient le jour, la part de marché du groupe Wane sur Moorea atteindrait 55 à 65%. À mettre au conditionnel, puisque durant l’instruction, les porteurs de ces deux derniers projets ont indiqué à l’APC qu’ils y renonceraient si Carrefour s’implantait à Maharepa.

L’intégration verticale du groupe Wane renforcée

Le groupe Wane tire sa puissance de sa présence à tous les étages : importation, distribution, et vente au détail. Il fournit ainsi 35 à 45% de la marchandise écoulées dans ses enseignes. Mais il fournit aussi les enseignes concurrentes qui craignent « un risque de discrimination (par les prix de gros, ndr) ou de rupture d’approvisionnement injustifiée en faveur des entreprises de détail » du groupe Wane. Si rien ne permet de dire que ce sera le cas, tempère l’APC, l’augmentation prévue de la surface de vente de l’enseigne Carrefour renforce l’intégration verticale du groupe.

Des engagements insuffisants

Au cours de l’instruction, l’Autorité polynésienne de la concurrence a demandé au groupe Wane de présenter des engagements pour limiter les risques de discrimination par son pôle importation.  Les propositions pour une durée de 5 ans – limitation des produits alimentaires à 50% de la surface de vente, grille tarifaire et conditions de vente, de livraison et de paiement non discriminatoires pour l’ensemble des commerces de Moorea, égal accès aux opérations promotionnelles pour tous les détaillants de l’île – n’ont pas convaincu l’APC, en particulier sur le risque d’éviction d’autres enseignes du marché de Moorea.

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« On ne protège pas les concurrents, mais le jeu concurrentiel, conclut la présidente de l’APC. Nous examinons les projets au cas par cas, en fonction de la situation concurrentielle et de la structure économique de la zone. » La décision de l’Autorité polynésienne de la concurrence reste susceptible d’appel.

 

2022.08.04 Carrefour Moorea