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Le CESC contre l’indépendance des journalistes

Pour la deuxième fois en quatre ans, le Conseil économique, social et culturel (CESC) a voté mardi un « avis défavorable » à la nouvelle tentative de mise en place de dispositions légales destinées à protéger l’indépendance des journalistes en Polynésie. Motifs invoqués : L’indépendance des journalistes doit être « négociée » avec les partenaires sociaux et elle n’est pas compatible avec « l’étroitesse du marché local » du secteur des médias…

Le CESC a examiné mardi matin en séance plénière le projet de loi du Pays destiné à moderniser le code du travail local. Des conseillers saisis notamment sur l’instauration de garanties permettant « la liberté de la presse et l’indépendance des journalistes » en Polynésie. Concrètement, le gouvernement propose d’instaurer deux « clauses » permettant au journaliste de refuser un ordre de son employeur s’il est contraire à la déontologie (clause de conscience, NDLR) ou de refuser la nouvelle orientation éditoriale d’un média racheté par un nouvel actionnaire (clause de cession, NDLR).

Des garanties qui existent dans toutes les démocraties du monde, sauf en Polynésie française. La situation avait d’ailleurs été dénoncée en 2015 par Reporters sans frontières et par l’ancien député et actuel ministre de la Justice, Jean-Jacques Urvoas. La même année, le tribunal du travail de Papeete avait rendu sa première jurisprudence pour constater l’absence totale de protection des journalistes en Polynésie : « Sans que le tribunal ait à se prononcer sur cette réalité juridique, un propriétaire de journal peut imposer une ligne éditoriale, sans autre possibilité pour le journaliste que de s’y soumettre ou de démissionner ».

L’avis défavorable incompréhensible du CESC

Le gouvernement Fritch a donc repris la proposition de loi du Pays de l’élue UPLD, Cathy Buillard, qui demandait dès 2012 d’instaurer les garanties d’indépendance des journalistes en Polynésie. Mais comme en 2012, le CESC a voté mardi un « avis défavorable » contre ce texte en s’appuyant sur deux uniques arguments aussi incohérents qu’incompréhensibles.

Premier argument, le CESC reconnaît que « l’article 34 de la Constitution attribue à la loi le soin de fixer les règles concernant la liberté, le pluralisme et l’indépendance des médias selon les principes déjà garantis au niveau de la constitution ». Mais à peine quelques lignes plus bas, le CESC explique que « les organisations syndicales » refusent « unanimement » que ces mêmes principes constitutionnels soient « intégrés dans le code du travail polynésien ». Des syndicats qui demandent que ces dispositions soient uniquement « négociées » dans des « accords conventionnels ». Tant pis pour la Constitution et ses principes.

Deuxième argument, le CESC estime que les journalistes polynésiens n’ont pas à bénéficier de ces garanties d’indépendance en raison de « l’étroitesse du marché local et du nombre restreint d’entreprises » dans le secteur des médias. Le CESC conclut même que les dispositions concernant la protection des journalistes ne tiennent pas compte du « contexte local »… La liberté de la presse qui dépend du « contexte » et de la « taille du marché ». Redoutable conception de la démocratie.

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3 Commentaires

  1. tupai
    28 septembre 2016 à 7h55 — Répondre

    c’est la meilleure de l’année, les journalistes privés de leur liberté d’informer !!! C’est quoi, ce Cesc à la gomme, il n’a pas à dicter aux journalistes ce qu’ils doivent ou non faire, la liberté des média c’est aussi le respect dû aux Polynésiens, c’est incroyable cette mentalité !

  2. Georgy
    28 septembre 2016 à 10h51 — Répondre

    Le CESC est un comité de défense du conservatisme (le C de la fin), des avantages acquis d’un petit groupe d’intérêts tenant l’économie et les citoyens-consommateurs-contribuables en otage. Quant à verrouiller la liberté de la presse, c’est s’assurer que les critiques sur les malversations des politiciens et syndicalistes seront étouffées. Pauvre Polynésie ! Restons dans notre tiers-monde économiquement ultra-protectionniste et écartons toute critique ! La liberté économique et la liberté de penser, juger, critiquer, c’est pour les « grands pays », pas pour nous…

  3. petite fourmie
    28 septembre 2016 à 21h47 — Répondre

    On savait que le CESC ne servait à rien, maintenant on en a la certitude. La démocratie ne peut s’exercer sans l’existence du 4e pouvoir.Vouloir la museler c’est créer une dictature.  » Les journalistes polynésiens n’ont pas à bénéficier de ces garanties d’indépendance en raison de l’étroitesse du marché local » Là on a du lourd : il faudrait plus de m2 ? Il est vrai que ce sont surtout les syndicalistes qui font la loi. Le dernier directeur de l’hôpital s’en souvient. Légaliser la liberté de la presse serait protéger ceux qui de temps à autre donne un grand coup de pied dans la fourmilière. « Sans liberté de blâmer il n’est point d’éloge flatteur… il n’y a que les petits hommes qui redoutent les petits écrits » Beaumarchais

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