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Le Femina au discret Marcus Malte pour "Le garçon"

Paris (AFP) – Le jury du Femina a choisi de récompenser mardi « un aérolithe » littéraire en donnant son prix au discret Marcus Malte, un pseudonyme, pour son roman « Le garçon » (Zulma).

« C’est un aérolithe qui vient de tomber dans nos plates-bandes littéraires », s’est félicitée Mona Ozouf, la présidente de ce jury 100% féminin.

Marcus Malte a obtenu 7 voix contre 3 à Nathacha Appanah (« Tropique de la violence », Gallimard) pour ce roman de plus de 500 pages qui nous invite à traverser le début du XXe siècle aux côtés d’un garçon sans nom et qui jamais ne prononcera une parole.

Le prix Femina du roman étranger a été attribué à l’Américano-libanais Rabih Alameddine pour « Les vies de papier » (Les Escales) et le Femina de l’essai à Ghislaine Dunant pour « Charlotte Delbo, La vie retrouvée » (Grasset).

Le livre de Marcus Malte est « une grande épopée, une histoire magnifique qui ressuscite le mythe de l’enfant sauvage qui parvient à la civilisation », a estimé Mona Ozouf. « C’est un grand roman d’apprentissage, une allégorie de l’ensauvagement des hommes par la guerre », a ajouté la présidente, en soulignant que la discussion entre membres du jury avait été « courtoise » mais « animée ».

« Le garçon » dont nous parle Marcus Malte, 49 ans, est un être quasi sauvage. « Même l’invisible et l’immatériel ont un nom, mais lui n’en a pas ».

Dès les premières lignes, on est saisi par la puissance et le souffle de l’écriture. Le lecteur sent d’emblée qu’il ne sortira pas indemne de la lecture de ce roman fleuve. 

Le récit s’étale de 1908 à 1938. Il tient à la fois de la fresque historique -on y parle beaucoup de la « boucherie » de 14-18- et du roman d’initiation.

– un ogre des Carpates – 

Marcus Malte, connu pour ses polars, auteur d’une dizaine de romans et notamment de « Garden Of Love », aime surprendre. 

« J’avais envie d’utiliser un registre de langage très différent de ce que je fais habituellement », a-t-il expliqué de sa voix douce après la remise de son prix. « Le fait de placer mon histoire cent ans en arrière m’obligeait à changer mon registre de langue ».

« J’espère que mon roman provoquera des émotions chez le lecteur. C’est ça qui compte », a ajouté l’écrivain qui se refuse à parler de lui.

« Je préfère plutôt que de parler de moi, plutôt que de raconter ma vie qui, à mon sens n’a aucun intérêt pour les lecteurs, de vivre moi-même d’autres vies à travers les personnages et les histoires que je raconte ».

Au début du roman, nous découvrons « le garçon » dans le plus complet dénuement. Du monde, il ne connait que sa mère et les alentours de leur cabane dans une contrée aride du sud de la France. Or, sa mère est en train de mourir. Le garçon, « sec et dur », habillé d' »un assortiment de frusques vraisemblablement constitué sur le dos d’un épouvantail », marchant les pieds nus, porte sa mère agonisante sur le dos. Sans elle, ce garçon, enfant sauvage, est perdu sans aucun doute.

Et, évidemment, on se trompe. Le garçon ne va pas sombrer. Il accompagne un temps sur les routes Brabek, « l’ogre des Carpates ». Il sera adopté par le vieux Gustave et aimera sa fille Emma qui lui donne comme nom Félix et l’initie à l’amour.

« Elle dit des choses comme Prends-moi. Ecarte-moi. Fends-moi. Transperce-moi. Mange-moi. Inonde-moi. Et il prend et fend et mange, et il en rajoute à sa guise sans qu’elle le lui demande ».

Cette sensualité qui irrigue le texte a été saluée par Mona Ozouf.

Mais la beauté du monde soudain vacille. Alors que les deux amants sont allongés sous un saule, épuisés et heureux, « repus d’eux-mêmes », ils entendent des cloches sonner à la volée. Nous sommes le 1er août 1914. L’été qu’on croyait éternel est fini.

Les pages sur la guerre sont atroces comme la guerre elle-même. Marcus Malte n’épargne rien à son lecteur pour décrire l’horreur. Les lettres d’Emma, sensuelles et vibrantes, n’y pourront rien. Détruit, le garçon redevient l’enfant sauvage du début du récit. Le garçon est nu et c’est notre humanité qui souffre.

L'écrivain français Marcus Malte, le 25 octobre 2016 à Paris. © AFP

© AFP JOEL SAGET
L’écrivain français Marcus Malte, le 25 octobre 2016 à Paris

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