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Le président de l’Autorité polynésienne de la concurrence s’estime victime d’une cabale

Jacques Mérot a pris la parole, ce lundi, pour répondre aux critiques qui pèsent sur lui et sur l’Autorité polynésienne de la concurrence. Alors que le collège de l’APC a lancé une procédure en démission d’office à son encontre, il défend son bilan et alerte sur une volonté d’affaiblir le droit de la concurrence au fenua.

C’est contre une « campagne de dénigrement acharnée » que Jacques Mérot a tenu à se défendre ce lundi matin. Le président de l’Autorité polynésienne de la concurrence (APC) dénonce une série d’articles parus dans le magazine Tahiti Pacifique et qui mettent durement en cause le fonctionnement de l’APC. Le dernier en date rebondissait sur la récente démission de Michel Paoletti du collège de l’autorité et questionnait, à tort selon Jacques Mérot, un « malaise » au sein de l’institution.

« Corrigeant » des informations sur son salaire – 1,9 millions de francs net par mois, « c’est élevé, certes, mais c’est la rémunération d’un haut-fonctionnaire en Polynésie » – ou sur la productivité de l’APC – les meilleurs performances de l’autorité calédonienne découleraient d’après lui de règles de saisine différentes -, il défend le bilan de l’autorité créée en 2015. En figure de proue de ce travail, il place sans surprise les décisions concernant le secteur de la téléphonie mobile.

Quelques réussites, donc, mais aussi de nombreuses déconvenues. L’APC a essuyé, rien que l’année dernière, la suspension de sa condamnation du groupe Wan – l’affaire est toujours en attente de cassation -, l’annulation de ses « visites et saisies » dans le BTP – Jacques Mérot dit « n’avoir rien à voir » avec ce dossier – ou le non-lieu sur les soupçons d’entente dans le gardiennage – un désaveu du président de l’institution par son propre collège. De quoi engendrer un certain nombre de critiques dans les cercles politiques ou économiques, les publications spécialisées… ou au sein même de l’autorité administrative.

L’autorité indépendante « transformée en service de la Polynésie »

Ainsi, une procédure de « démission d’office » a été lancée le 21 février à l’encontre de Jacques Mérot par le collège de l’APC. C’est plus précisément le doyen des membres non-permanents*, l’économiste Christian Montet, qui a enclenché la procédure, « quelques heures après le départ de Michel Paoletti ». Elle vise entre autres à questionner le respect par le président des obligations réglementaires liés à « la dignité et l’impartialité » de l’APC. Après son audition, lundi, le collège pourrait transmettre un avis au président Édouard Fritch. Qui décidera, ou non, de démettre Jacques Mérot de son mandat, avant d’éventuels recours. Pour le président de l’APC, qui s’était déjà opposé, en 2018 à une réforme du droit de la concurrence, il ne s’agit là que la dernière étape d’un long « cheminement » vers l’affaiblissement de l’autorité administrative indépendante, petit à petit transformée en « service de la Polynésie ».

Des attaques et des « commanditaires »

« Quel but, quels commanditaires ? » s’interroge même Jacques Mérot à propos de cette procédure, se plaçant, en creux, dans la position de victime d’une cabale. Il faut dire que le responsable, à qui le gouvernement a déjà ouvertement demandé « plus de résultats et moins de polémique », entretient des rapports tendus avec certaines personnalités, notamment le vice-président Teva Rohfristch. Il « constate » en outre que les attaques contre l’Autorité sont « à peu près concomitantes » avec certaines décisions, évoquant, pêle-mêle, la procédure sur le groupe Wane ou les décisions concernant le rachat par le groupe Martin des navires Taporo… Le privé voudrait faire tomber l’APC ? « Les petites et moyennes entreprises sont très demandeuses » de réglementation de la concurrence, assure Jacques Mérot. Qui, « sans accuser », rappelle opportunément certains discours d’Emmanuel Macron. Le président de la République a plusieurs fois fait le lien entre la vie chère en Outre-mer et la dépendance à des groupes « monopolistiques ou oligopolistiques », notamment dans le secteur de l’importation et de la distribution. Ennemis réels ou fantasmés, le président de l’APC, dont le mandat prendra fin quoiqu’il arrive  en juillet 2021, est visiblement prêt à batailler.

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2 Commentaires

  1. COLLIN François
    10 mars 2020 à 9h48 — Répondre

    Jacques Mérot ayant dénoncé, à juste titre, les pratiques déloyales du groupe Wane à Tahiti, il doit être exécuté. La capacité d’influence de ce groupe de la grande distribution auprès du pouvoir politique local étant considérable, tous ceux qui se dressent sur son chemin sont évincés.

  2. lesagetahiti
    11 mars 2020 à 20h24 — Répondre

    cette procédure de démission d’office est surprenante: le collège qui se trouve restreint à 3 membres dont le doyen, responsable du supplément économique du magazine Tahiti- pacifique, ne se contente pas de son expertise professorale, n’est pas à l’abri d’ un risque de partialité;

    les adaptations récentes du droit de la concurrence et des procédures d’intervention de l’APC sont une évidente restriction de compétence d’une « autorité administrative indépendante »;

    les champs d’étude et les avis, voire les saisines d’office de cet organisme indépendant ont contribué à introduire une vraie concurrence dans des secteurs de l’économie ( téléphonie, transport aérien, réseaux informatiques ), pourquoi pas la grande distribution, les concessions automobiles , le BTP, l’immobilier ?

    nul doute que l’appréhension de la concurrence dans des économies restreintes comme l’outre-mer doit-elle faire l’objet d’adaptation dans sa méthodologie; mais est-ce la responsabilité du politique d’en décider?

    l’APC est tout à fait capable d’adapter sa jurisprudence à ces réalités

    moralité: une crise qui n’en est pas une; le politique doit se garder d’intervenir; le président de l’APC tient toujours les rênes.

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