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Le thonier chinois échoué à Arutua relance le débat sur la surveillance de la pêche illégale

Les stocks de poissons observés à l’intérieur du navire correspondent peu ou prou aux tonnages déclarés quelques jours plus tôt, lors de l’escale du bateau à Papeete, où rien n’avait été déchargé.  ©D.R.

Les photos des cales du Shen Gang Shun 1, remplies de poissons, dont ce qui semble être des requins, ont fait le tour des réseaux sociaux. Pour beaucoup, c’est une preuve de plus que les navires chinois pêchent illégalement dans les eaux polynésiennes. Le vice-président Teva Rohfritsch a tenu à corriger certaines informations, et assure que le navire a été correctement contrôlé. L’urgence semble être au déséchouage pour éviter une pollution.

Thons, espadons, de grandes quantités de chair à appâts, et ce qui semble être des requins bleus, aux ailerons, nageoires et têtes soigneusement découpés… Voilà ce qu’a trouvé à bord du Shen Gang Shun 1, une équipe emmenée par le maire d’Arutua le weekend dernier. Le navire de pêche s’est échoué le 21 mars sur l’atoll des Tuamotu, alors qu’il revenait d’un ravitaillement à Papeete. Les 36 marins alors présents à bord avaient été évacués avant de repartir en mer « à bord d’autres palangriers de la même compagnie », comme l’avaient précisé les autorités.

Pour beaucoup, sur les réseaux sociaux notamment, le contenu des cales prouve que le navire, et plus largement les bateaux chinois fréquentant nos eaux pour ravitaillement y pêchent illégalement. Auteur des images prises à bord, Raimana Maout, pêcheur professionnel installé à Arutua, convient qu’il est difficile d’affirmer que ce poisson provient effectivement de la zone économique exclusive du fenua. Mais s’agace quoiqu’il arrive du « manque de contrôle » des pêcheurs chinois.

Une « armada » qui « filtre le poisson »

Comme d’autres professionnels, il assure que la pêche est devenue plus difficile ces dernières années, à mesure que les escales de ravitaillement ou de déchargement des palangriers asiatiques se font « de plus en plus en fréquentes » à Papeete. Même si la pêche se fait souvent « à la limite de la ZEE », « cette armada filtre le poisson qui arrive chez nous », dit-il.

Un discours partagé par la fondation Ma’o Mana, créé en février 2019 autour de la préservation des requins de Polynésie et qui s’inquiète en premier lieu du commerce d’aileron pratiqué, semble-t-il, par le bateau chinois. Mais « au delà des espèces retrouvées à bord, il s’agit avant tout de ressources pillées et enlevées de la bouche de nos enfants au profit d’étrangers », écrit la fondation, dans un message très partagé sur Facebook.

Avant de s’interroger : « Alors que nous nous vantons d’avoir donné l’exemple au monde en créant l’un des plus grands sanctuaires de requins, où est l’autorité ? Qui est responsable de la protection de nos ressources et quel responsable regarde ailleurs quand de tels agissements se déroulent dans nos eaux ? ». Une interpellation reprise dans une pétition demandant du changement dans la politique de surveillance de la ZEE.

Des stocks qui étaient déjà là lors de l’escale à Papeete, pointe le Pays

Cet après-midi, le gouvernement a voulu calmer la polémique, en précisant certaines informations par communiqué. D’après le vice-président Teva Rohfritsch, en charge, notamment, de l’Économie bleue, le Shen Gang Shun 1 avait déjà, à son bord, « 15 tonnes de poissons congelés et 62 tonnes d’appâts » lors de son passage au port de Papeete, entre le 15 et le 20 mars. Il avait alors fait l’objet d’un « contrôle à quai » où il n’avait d’ailleurs « rien débarqué ».

Le vice-président pointe aussi que « le suivi VMS de ce navire s’est effectuée en continu depuis son entrée dans la ZEE jusqu’à son échouement » et que « les services de l’État, en charge du contrôle et de la surveillance des navires de pêche étrangers confirment qu’il n’y a eu aucune pêche illégale à l’intérieur des eaux polynésiennes ». Quant aux carcasses de requins qui se trouveraient à bord, « les services de contrôle du Pays sont mobilisés et des sanctions seront prises pour toute infraction constatée à la réglementation polynésienne », écrit le responsable qui « invite chacun à la retenue » dans cette affaire.

Voie d’eau et gasoil par milliers de litre à bord

Peu de chance que ce communiqué n’éteigne complètement le débat, pas neuf, sur la surveillance de la pêche illégale. Mais c’est aussi la question du déséchouement du navire qui agite la toile. D’après Raimana Maout, il s’agirait d’une affaire urgente : le navire, endommagé par le récif, serait déjà victime d’une voie d’eau et la salle des machines serait inondée par un mélange huileux. Le Shen Gang Shun 1 qui venait de ravitailler abriterait 250 000 litres de gasoil « au minimum », d’après l’équipe d’Arutua qui a pu monter à bord.

La vice-présidence a affirmé dans son communiqué que ce déséchouage était « bien engagé malgré les difficultés techniques et logistiques liées au confinement ». Une équipe d’experts a déjà visité le navire jeudi dernier.

Le navire est échoué sur le platier récifal de l’atoll d’Arutua, situé entre Apataki et Rangiroa. ©D.R.

Autre image prise à bord du navire chinois. D’après Ma’o Mana, des ailerons de requins auraient été cachés à l’intérieur de certains poissons ensuite recousus.

 

Parmi les images beaucoup partagées dans ce débat sur la pêche illégale, des cartes issues du site Global Fishing Watch, qui permet de retracer le parcours des navires de pêche. Ici, celui d’une trentaine de navires chinois passés par Tahiti au cours du mois de mars. La fondation Ma’o Mana estime que les bateaux, s’ils ne pêchaient pas dans les eaux polynésiennes auraient tous des trajectoires rectilignes. D’autres relevés mettent en évidence une pêche très intense à la limite Nord de la ZEE.

 

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4 Commentaires

  1. Michael FORSANS
    7 avril 2020 à 1h54 — Répondre

    Dans la dernière image de la carte issu du site Global fishing Watch, vous dites en fin de description « ..Surtout, le relevé met en évidence une pêche très intense à la limite Nord de la ZEE. »
    Hors l’image montre une pêche très intense à environ 20 km des côte de l’île de Tahiti.
    Ce qui est complètement dans la ZEE et non à ça limite comme vous dites. la ZEE s’étant à environ 370km des cotes ( 200 milles Marins ) de la côte. s’il vous plait, corrigez vos informations

  2. Michael FORSANS
    7 avril 2020 à 1h55 — Répondre

    Dans la dernière image de la carte issu du site Global fishing Watch, vous dites en fin de description « ..Surtout, le relevé met en évidence une pêche très intense à la limite Nord de la ZEE. »
    Hors l’image montre une pêche très intense à environ 20 km des côte de l’île de Tahiti.
    Ce qui est complètement dans la ZEE et non à ça limite comme vous dites. la ZEE s’étant à environ 370km des cotes ( 200 milles Marins ) de la côte.

  3. 8 avril 2020 à 11h32 — Répondre

    Laissons faire, impunément les Chinois pêchent dans nos eaux, ils nous font des « cadeaux empoisonnés », on les remercie en les laissant vider nos eaux. Je dérange peut-être là !

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