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Le tribunal administratif censure l’ingérence du gouvernement dans le fonctionnement de l’APC

Le tribunal administratif, saisi par l’ancienne rapporteure générale de l’Autorité polynésienne de la concurrence, a estimé que le conseil des ministres avait outrepassé ses pouvoirs en transférant à la présidence de l’APC le pouvoir de proposer les nominations des rapporteurs du service d’instruction. Deux dispositions prises par arrêté sont donc annulées, et ce sera à l’assemblée de la Polynésie, qui doit bientôt examiner une nouvelle modification du code de la concurrence, de veiller aux garanties d’indépendance de l’APC.

L’ancienne rapporteure générale de l’Autorité polynésienne de la concurrence, Véronique Selinsky, mise à pied en mars 2022 suite au signalement de faits de « harcèlement » dont elle aurait été l’auteur au sein de la structure, avait vu sa requête en référé rejetée par le tribunal administratif en avril. Cet épisode s’est soldé par une révocation en fin d’année dernière, également contestée devant la justice administrative qui devrait examiner le dossier dans les deux ou trois prochains mois.

En parallèle, Véronique Selinsky, s’attaquait au code de la concurrence dans sa partie « arrêtés » qui réglementent le fonctionnement de l’APC, « en particulier les dispositions qui modifient les relations entre le service d’instruction et la présidence de l’autorité » adoptées le 6 mai 2022 par le conseil des ministres. Hier le tribunal a rendu sa décision, qui ne reconnait l’intérêt à agir de l’ancienne rapporteure générale que sur un seul des nombreux points soulevés, mais non des moindres : l’arrêté supprime le pouvoir du rapporteur général de proposer au conseil des ministres la nomination des rapporteurs du service d’instruction, et transfère cette prérogative au président de l’APC.

Le tribunal administratif estime que ces modifications « sont susceptibles de porter atteinte aux garanties d’indépendance de l’Autorité polynésienne de la concurrence. Or, dès lors qu’en application de l’article 30-1 de la loi organique du 27 février 2014, seul le législateur du pays est compétent pour définir les garanties d’indépendance accordées à une autorité administrative indépendante, les modifications de ces garanties ne peuvent résulter que d’une loi de pays. Par suite, Mme S. est fondée à soutenir que le conseil des ministres ne pouvait pas, sans méconnaître l’article 30-1 de la loi organique du 27 février 2014, modifier le processus de recrutement des membres du service instruction de l’Autorité polynésienne de la concurrence. » Conclusion : le tribunal annule un des articles ainsi qu’un alinéa d’un autre article de l’arrêté contesté.

Une décision qui intervient alors que le gouvernement travaille sur une nouvelle modification du code de la concurrence, par laquelle le rapporteur général n’aurait explicitement « aucun droit à l’inamovibilité » et serait donc plus facilement limogeable. L’avocat de Véronique Selinsky, Me Millet, se déclare « très content » de ce « rappel à l’ordre  sur le respect de la séparation des pouvoirs » que constitue la décision du tribunal administratif. Il espère que l’assemblée de la Polynésie la prendra en compte lors de l’examen du texte, car selon lui la mainmise du président de l’APC sur les nominations des rapporteurs – en métropole, ils sont désignés par le rapporteur général lui-même – pose des questions de hiérarchie et de légitimité : « demain n’importe quelle société pourrait soulever la nullité (d’une decision de l’APC, ndr) en appel ».

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