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Les avocats demandent la relaxe générale dans l’affaire d’Air Moorea

Les avocats de la défense se sont succédé à la barre dans le procès en appel d’Air Moorea. Tous compatissent à la douleur des familles mais sont convaincus que le câble à cabrer ne s’est pas rompu en vol. « Parfois la vérité on ne la connait jamais, parfois la vérité est enfouie avec le passé ». La défense a d’ailleurs rappelé à la cour que les peines « ne sont pas censées être mesurées à l’aune de la douleur des victimes (…). Ce sont des choses qui dans l’ordre de grandeur sont incomparables sinon l’homicide involontaire serait un crime et non un simple délit». Tous estiment que la relaxe générale doit être prononcée faute d’éléments probants sur la cause du crash.

L’avocat de Guy Yeung, Me Foreman, est revenu sur les griefs faits à son client qui se rattachent à « l’hypothèse de la rupture du câble » et demande à la cour, si la cause n’est pas élucidée, de prononcer une relaxe générale. Il considère que les fautes reprochées à Guy Yeung « ne sont en rien des fautes caractérisées et ne sont pas constituées ». Me Foreman a ensuite rappelé que depuis le début de ce procès, il n’est pas entré dans le débat qui concernait le moment de la rupture du câble, à savoir en vol ou au moment du relevage de l’épave.

« Nous sommes restés dans une position pas très éloignée de la cour ou des parties civiles, car nous aussi on aurait aimé savoir la cause de la chute de cet avion ». Il a ensuite expliqué que le « déclic » est venu en première instance lorsqu’un des prévenus, Jean-Pierre Tinomano, a présenté une maquette : « là j’ai été convaincu. (…) Cela peut être une coïncidence, mais quelle coïncidence extraordinaire ». Le Bureau d’enquêtes et d’analyses (BEA) a retenu la cause de la rupture du câble mais, a souligné Me Foreman, ce dernier n’est pas là pour apporter la preuve de ces hypothèses. Le rapport de la Délégation générale de l’armement (DGA) a examiné ces câbles et fait aussi état d’une hypothèse de la rupture du câble avant le crash. Il précise que « la démarche du juge pénal n’est pas la même, il faut apporter la preuve et la certitude de l’explication et cette preuve ne peut être apportée par élimination ». Il estime donc que la cour dispose des conclusions des experts judiciaires qui ont conclu à la rupture du câble en vol. Mais il rappelle que le BEA ainsi que certains experts ont écrit dans leur rapport  qu’un câble usé a 56% est encore utilisable et qu’il faut autre chose pour que cette fragilisation résulte en une rupture. Il souligne d’ailleurs que la        preuve de cette rupture n’est apportée ni par le jet blast, ni par les experts, et demande à la cour de l’écarter des débats car l’expert a apporté de nouveaux éléments qui n’ont pas pu être débattus.

« Parfois la vérité on ne la connait jamais, parfois la vérité est enfouie avec le passé » Me Foreman

Me Foreman a affirmé que si la cour voulait condamner son client, il aurait fallu que son comportement personnel ait un lien avec le crash et a rappelé que la chambre de l’instruction a estimé que cela valait un non-lieu. Il assure que son client « n’a aucune compétence en matière de maintenance et s’il avait lu le programme d’entretien il n’aurait rien compris car ce n’est pas son métier ». Me Foreman a terminé sa plaidoirie en assurant que son client « n’est pas quelqu’un qui essaie de se défausser de ses responsabilités, mais il n’y a rien qu’il ait pu faire qui aurait pu empêcher cet accident, tout cela était hors de sa compétence et hors de sa portée (…). Il y a des accidents qui restent sans explication (…). La vérité n’est pas un trésor caché au fond d’un jardin, il suffit d’aller au bon endroit et on la déterre. Parfois la vérité on ne la connait jamais, parfois la vérité est enfouie avec le passé (…) on ne saura pas quels ont été les gestes du pilote, on ne saura pas si les mécaniciens ont fait ou pas les vérifications en février, il y a un certain nombre de choses qu’on ne pourra jamais savoir ». Il a rappelé à la cour que les peines « ne sont pas censées être mesurées à l’aune de la douleur des victimes, il n’y a aucune peine qui soit à la hauteur de la douleur des victimes. Ce sont des choses qui dans l’ordre de grandeur sont incomparables sinon l’homicide involontaire serait un crime et non un simple délit ».

 « Il y a une certitude le câble n’a pas pu se rompre en vol » – Me François Quinquis

Me François Quinquis a lui décidé dans sa plaidoirie de « de donner un coup de projecteur sur les éléments les plus saillants et les plus importants »,  tels que le constat du Centre d’essais des propulseurs (CEPR), la résistance du câble ou encore les incohérences de l’expert judiciaire.  Me François Quinquis a d’abord commencé par dire qu’un crash aérien bouleverse tout le monde, aussi bien les victimes que les prévenus. Il estime que le judiciaire est un impératif incontournable « qui ne peut se permettre d’approximations pour les proches des victimes, pour les prévenus, mais aussi pour la société toute entière (…). Nous ne sommes pas là pour fuir nos responsabilités mais pour participer à cette œuvre de vérité ».

Il a ensuite fait part de son indignation face à certains propos tenus lors des audiences « Show à l’américaine, ou encore refaire l’instruction a la barre, mais enfin est-ce que votre cour sait que Freddy Chanseau est le personnage clé de notre dossier et qu’il n’a pas été entendu une seule fois lors de l’instruction ? Est-ce que la cour sait qu’on nous a refusé toute une série d’instructions complémentaires, dont notamment une confrontation entre nos clients et l’expert judiciaire pour la manifestation de la vérité  ?» Il a poursuivi : « une stratégie de défens,  il n’y en a aucune, il y a une certitude : le câble n’a pas pu se rompre en vol. Certes il y a une unanimité car conviction au début est devenue certitude (…). Qu’est-ce qu’on n’a pas entendu sur nos experts et témoins ! On les a même traités comme étant des pseudos experts ».

Le magistrat instructeur « est très loin d’être convaincu que la cause du crash est la rupture du câble en vol » – Me Quinquis

Me Quinquis a ensuite affirmé que le magistrat instructeur est la personne qui connait le mieux ce dossier pour y avoir consacré une année entière week-end compris, et  qu’« il est très loin d’être convaincu que la cause du crash est la rupture du câble en vol ». Il avance que le magistrat qui a instruit cette affaire avait les mêmes éléments et qu’il n’y a eu aucun autre élément depuis l’ordonnance de renvoi. « Si vous estimez qu’il y a des faits qui ne sont pas pris en compte par le magistrat instructeur, il vous appartient de les réintégrer, mais quand l’instructeur écarte des faits je ne pense pas que vous pouvez les réintégrer dans le dossier (…). Il aurait dû faire une relaxe mais il ne l’a pas faite et a estimé que les victimes, l’opinion publique, avaient besoin de débattre de ce procès, d’ou le renvoi des prévenus devant le juge du fond ».

« Le câble ne pouvait se rompre en vol »       

Me Quinquis a rappellé que les experts sont d’accord sur un point : le câble à cabrer était usé de 50 à 54% et que cette usure pouvait provoquer la rupture en vol, mais qu’il aurait fallu un élément extérieur. Il souligne ensuite que là commence la divergence des experts. Le jet blast pour le BEA, la turbulence du 2 juillet qui est écartée d’emblée car le câble ne présentait aucune trace de fatigue. « On se retrouve avec aucun élément extérieur. C’est la démonstration que le crash n’est pas du a la rupture du câble en vol. Et notre éminent Arnoud va changer d’avis et il va nous expliquer que la tension du câble n’était pas la bonne ». Pour Me François Quinquis  comme pour ses confrères, « il faut que le lien de causalité soit prouvé, un lien incertain ne peut conduire à une peine pénale ».

La défense de Air Moorea et de Freddy Chanseau, Me Vonnick Le Guillou assure elle aussi que le câble n’a pas pu se rompre en vol.

Le délibéré sera rendu le 23 janvier prochain.

A lire aussi: Air Moorea: pour la défense  » ce bénéfice du doute doit innocenter les prévenus« 

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1 Commentaire

  1. 27 novembre 2019 à 5h40 — Répondre

    « … on ne saura pas si les mécaniciens ont fait ou pas les vérifications en février… »
    Normalement lors d’une inspection ou d’une intervention (petite ou grande visite) qui est faite par les mécaniciens à des dates bien arrêtées durant la vie de l’avion, normalement donc chaque intervention sur un aéronef est consignées sur un registre à l’atelier et certifiée par le responsable de l’atelier, ainsi que sur le carnet de vol de l’appareil. D’où une affirmation qui ne parait pas crédible…

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