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Les Cubains prêts pour une vague d'hommages au père de la Révolution Fidel Castro

La Havane (AFP) – Epais silence dans les rues, rassemblements et spectacles annulés, drapeaux fixés sur de nombreuses devantures, les Cubains, une fois passée la commotion suscitée par l’annonce du décès de Fidel Castro, vivaient au ralenti, observant un deuil national décrété jusqu’au 4 décembre.

Si la journée de dimanche s’annonçait plutôt calme à Cuba, aucune manifestation officielle n’étant prévue, la semaine prochaine sera en revanche ponctuée de plusieurs cérémonies d’hommage et d’une procession de quatre jours pour honorer le « père de la Révolution cubaine », mort vendredi soir.

Point culminant de ces célébrations, les funérailles du « Comandante », personnage unique qui a tenu tête aux Etats-Unis, qui a forgé l’identité de cette île caribéenne et l’a fait entrer dans les livres d’Histoire, se dérouleront le dimanche 4 décembre à Santiago de Cuba, dans l’est, berceau de la Révolution.

Le président de l’Equateur, Rafael Correa est l’un des premiers à avoir fait savoir dimanche qu’il serait présent aux funérailles de cette figure centrale de la Guerre froide, célèbre pour ses coups d’éclat et ses discours interminables, mais aussi pour son uniforme vert olive, ses cigares et sa barbe légendaire.

Auparavant, le transfert des cendres de Fidel Castro de La Havane à Santiago, lors d’une procession qui parcourra quelque 900 kilomètres de mercredi à samedi, devrait constituer un autre moment fort avec la probable mobilisation de millions de Cubains. 

« C’est un grand leader, on aurait dû décréter 30 jours de deuil, vraiment », s’emportait Andy Lores, un boucher du quartier populaire du Cerro, dans le sud de la capitale.

Dimanche, aux premières heures de la matinée, les rues étaient quasi désertes, même dans les zones les plus touristiques. De nombreux magasins et restaurants d’Etat ont apposé des drapeaux cubains sur leurs devantures.

La première cérémonie de recueillement a été programmée pour lundi sur l’emblématique Place de la Révolution à La Havane, dont les accès sont barrés par la police depuis samedi.

« Ca ne va pas être grand, ça va être énorme, cela va être historique », prédit Carlos Manuel Obregon Rodriguez, un chauffeur de taxi de 43 ans qui se dit « Fidéliste ».

Partout à Cuba, l’annonce de la mort du « Lider Maximo » à l’âge de 90 ans est accompagnée depuis deux jours par un épais silence, notamment à La Havane, d’ordinaire secouée par le tumulte de la musique omniprésente et des moteurs pétaradants. 

De petits groupes se formaient discrètement ça et là dans les rues, notamment aux abords des universités. Dans la capitale, quelques centaines d’étudiants se sont notamment recueillis samedi soir pendant une veillée nocturne devant la Faculté où le Comandante avait fait ses premières armes en politique à la fin des années 1940.

Deuil national oblige, rassemblements et spectacles ont été annulés. Les incontournables matches de baseball ont été suspendus. Les discothèques sont fermées, la vente d’alcool a été interdite et la plupart les restaurants ont réduit leurs heures d’ouverture. Une présence policière était visible tout en demeurant discrète à La Havane. 

Les médias nationaux programmaient reportages, documentaires et débats à la gloire du « camarade Fidel ». 

Par respect pour le deuil décrété, les Dames en blanc n’ont pas effectué dimanche leur marche de protestation habituelle, mais la dirigeante de ce mouvement créé à l’origine par des proches de prisonniers politiques ne cachait pas sa rancoeur envers le défunt.

« On ne se réjouit pas de la mort d’un homme, d’un être humain, mais nous nous réjouissons de la mort des dictateurs, il faut la célébrer », a-t-elle déclaré à l’AFP.

– La crémation tenue secrète –

La cause du dècès de l’ex-président n’a pas été révélée par les autorités cubaines, qui n’ont pas non plus confirmé que la crémation de son corps prévue samedi avait bien eu lieu.

Parmi les 11,2 millions d’habitants de l’île, beaucoup ne dissimulaient pas leur peine face à la perte de ce géant du XXe siècle, qui a su tenir tête pendant près d’un demi-siècle à la superpuissance américaine.

Car même s’il a d’une main de fer fait taire toute opposition, emprisonnée ou exilée, et si la ferveur révolutionnaire a eu tendance à s’estomper, l’ex-président retiré du pouvoir depuis 10 ans demeurait très respecté et admiré sur l’île.

« J’aurais souhaité qu’il vive 30 ans de plus, mais bon, personne ne peut vaincre le destin », a notamment confié à l’AFP Guillermo Suarez, un maçon de La Havane.

Mais des Cubains exprimaient aussi le sentiment d’incertitude dans lequel les a plongés la mort du « Lider Maximo ». 

« Fidel était le protecteur de l’île, il s’occupait de tout », dit Indiana Valdes, une employée de banque, « on ne sait pas s’il y aura des changements ».

« Est-ce que le socialisme survivra à Fidel ? », s’interroge cette femme, évoquant « toutes ces années » passées sous le règne des Castro. « Je ne sais pas », dit-elle en haussant les épaules. 

Le « Lider Maximo » avait cédé le pouvoir à son frère Raul en 2006 après une hémorragie intestinale. Entre février 2014 et avril 2015, il avait totalement disparu des écrans cubains, ce qui nourrissait de nombreuses rumeurs sur son état de santé. Mais depuis un an et demi, même si ses déplacements restaient limités, il avait recommencé à recevoir chez lui personnalités et les dignitaires étrangers.

A l’ombre de son frère, Raul Castro a engagé ces dix dernières années un lent processus de réformes économiques destinées à sauver Cuba de la faillite avec une ouverture accrue à l’initiative privée et à l’investissement étranger. 

« Le socialisme a survécu à la longue maladie de Fidel Castro et il continuera certainement après sa mort », juge Jorge Duany, directeur de l’institut de recherche cubaine à l’université internationale de Floride.

Cependant, cet expert estime que son décès « accélérera probablement les réformes économiques ». Mais « il faudra sûrement attendre le retrait de la présidence de Raul, annoncé pour 2018, pour évaluer plus clairement s’il y aura des changements substantiels à la tête » de l’Etat, ajoute-t-il.

– ‘Dictateur’ ou ‘figure historique’ ? –

Pour la deuxième nuit consécutive, des Cubains de Miami ont célébré dans leur quartier de « Little Havana » la mort de Fidel Castro, jusqu’à l’aube dimanche.

« Je ne me fatigue pas de faire la fête (…) parce que je pensais que ce moment n’arriverait jamais », dit une femme, Delsy, devant le Café Versailles, point de ralliement depuis des décennies des exilés cubains.

L’annonce de la mort a déclenché une pluie de réactions dans le monde entier: un « dictateur brutal » pour le président-élu des Etats-Unis Donald Trump qui confirmé à demi-mot ses réserves sur le rapprochement entamé depuis fin 2014 entre les Etats-Unis et Cuba.

Mais aussi un « homme d’Etat émérite », selon le président russe Vladimir Poutine qui a lui salué « un ami sincère et fiable de la Russie ».

Un ouvrier ajuste une toile géante à l'effigie de Fidel Castro, le 27 novembre 2016 à La Havane. © AFP

© AFP Yamil LAGE
Un ouvrier ajuste une toile géante à l’effigie de Fidel Castro, le 27 novembre 2016 à La Havane

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