INTERNATIONAL

Les Juifs de Roumanie pleurent Elie Wiesel, enfant du pays

Bucarest (AFP) – Les Juifs de Roumanie pleuraient dimanche le prix Nobel de la paix Elie Wiesel, un rescapé de la Shoah originaire de ce pays qui a oeuvré pour que Bucarest reconnaisse sa responsabilité dans cette page sombre de l’Histoire.

« Nous regrettons énormément le décès d’Elie Wiesel, un homme qui nous a légué le devoir de préserver la mémoire de l’Holocauste et de veiller à ce que cette tragédie ne se répète pas », a déclaré à l’AFP le président de la Fédération des communautés juives de Roumanie, Aurel Vainer.

« C’est grâce à son travail que la Roumanie a proclamé en 2004 une Journée nationale de commémoration de l’Holocauste, marquée tous les ans le 9 octobre », date marquant le début des déportations des Juifs en Transdniestrie par le maréchal pro-nazi roumain Ion Antonescu, en 1941.

En 2003, après un tollé international provoqué par des propos de l’ancien président Ion Iliescu relativisant l’Holocauste, Bucarest décida de mettre en place une commission internationale d’experts pour faire la lumière sur le rôle de la Roumanie –nié jusque là– dans l’extermination des Juifs.

Elie Wiesel fut nommé président de cette commission.

Selon le rapport rendu par ces experts en 2004 et endossé par Bucarest, entre 280.000 et 380.000 Juifs roumains et ukrainiens sont morts sous le régime Antonescu entre 1940 et 1944, dans les territoires contrôlés par la Roumanie.

« Elie Wiesel s’est beaucoup investi dans les travaux de cette commission et a oeuvré pour que l’on aboutisse à un consensus sur de nombreux points », a expliqué M. Vainer, alors que certaines voix rejettent toujours toute responsabilité de Bucarest dans la Shoah. 

« Je suis né en Roumanie et j’avais lu tout ce qui concerne l’Holocauste et pourtant j’ignorais ce qui s’est passé en Transdniestrie », avouait M. Wiesel en 2004, lors de la publication de ce rapport.

« Je ne savais pas qu’il y avait eu tant de brutalité, née exclusivement de l’antisémitisme », avait-il ajouté.

Né le 30 septembre 1928 à Sighet (ville du nord de la Roumanie qui en 1940 avait été rattaché à la Hongrie), dans une famille pauvre, Elie Wiesel est déporté à 15 ans à Auschwitz-Birkenau où sa mère et sa plus jeune soeur sont assassinées. Son père meurt devant lui à Buchenwald où ils ont été transférés.

Ses souvenirs d’enfant déporté furent racontés dans son premier roman, « La nuit » (1958).

– ‘Une grande perte’ –

« C’est une grande perte non seulement pour la communauté juive mais pour l’humanité dans son ensemble », confie à l’AFP Liviu Beris, un survivant de l’Holocauste qui avait travaillé aux côtés d’Elie Wiesel au sein de la commission d’experts.

Il évoque la capacité de l’historien d' »empathie avec la souffrance humaine » et sa révolte « contre toute forme d’injustice ».

Selon lui, Elie Wiesel, membre de l’Académie roumaine depuis 1996, n’a jamais oublié sa ville natale et les gens ayant marqué son enfance.

A Sighet, la maison où il est né a été transformée en lieu de souvenir de l’Holocauste en 2002, et « les habitants lui portent un souvenir empreint de respect », a ajouté M. Beris.

« Avec la disparition d’Elie Wiesel nous avons tous perdu l’une des voix les plus fortes s’élevant contre l’oubli et le négationnisme », a affirmé le président roumain Klaus Iohannis dans un communiqué.

« La leçon de vie offerte au monde entier sera toujours pour nous une source d’inspiration », a-t-il ajouté.

Le prix Nobel de la paix était venu pour la dernière fois en Roumanie en 2002, pour une visite lors de laquelle il fut décoré par M. Iliescu pour son rôle dans la « promotion de la paix ».

Deux ans plus tard il renvoyait la médaille à l’ex-chef de l’Etat, en dénonçant la décision de ce dernier de décorer également deux « antisémites et negationnistes connus », le poète et chef de l’extrême droite Corneliu Vadim Tudor et l’historien Gheorghe Buzatu. 

« Elie Wiesel demeurera une référence de droiture morale », a déclaré dimanche la porte-parole de l’Institut de recherche sur l’Holocauste fondé en 2005 à Bucarest et portant le nom du prix Nobel.

Elie Wiesel, prix Nobel de la paix et survivant de la Shoah intervient à l'ONU à New York, le 24 janvier 2005. © AFP

© AFP/Archives DON EMMERT
Elie Wiesel, prix Nobel de la paix et survivant de la Shoah intervient à l’ONU à New York, le 24 janvier 2005

Article précedent

Paris-Strasbourg en moins de 2H00, c'est fait

Article suivant

Mort de Michael Cimino, réalisateur de "Voyage au bout de l'enfer"

Aucun Commentaire

Laisser un commentaire

PARTAGER

Les Juifs de Roumanie pleurent Elie Wiesel, enfant du pays