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Les rebelles lâchent pied à Alep, les civils désespérés

Alep (Syrie) (AFP) – Les rebelles ont perdu le tiers de leur bastion d’Alep-Est face aux forces du régime syrien, qui espère faire rapidement tomber la principale place forte de l’opposition, où le moral des civils est au « plus bas ».

Une perte d’Alep-Est infligerait aux différents groupes insurgés -qui vont des « modérés » aux islamistes alliés à des jihadistes- leur pire défaite depuis le début du conflit syrien en 2011.

Face aux bombardements dévastateurs et aux combats de rue, des milliers de civils continuaient de fuir vers les zones plus sûres après avoir résisté pendant quatre mois au siège imposé depuis juillet par le régime.

« Ce sont les pires jours depuis le début du siège. La situation est catastrophique. Il y a un exode massif et le moral est au plus bas », a témoigné Ibrahim Abou Laith, porte-parole des Casques blancs, le service des secouristes en zone rebelle d’Alep.

« Il n’y a ni nourriture, ni eau, ni abri, ni moyens de transport (…) les gens dorment dans la rue », a-t-il ajouté à l’AFP, la voix brisée. « Ma souffrance est indescriptible (…) Jusqu’à quand le monde sera contre nous? », s’est-il exclamé, en référence au silence international.

Parmi ceux ayant fui, des milliers d’habitants se sont rendus, souvent sans bagages, en zone gouvernementale. D’autres familles se sont réfugiées dans des quartiers encore contrôlés par les rebelles où des résidents leur ont donné des couvertures pour affronter le froid de la nuit, a constaté un correspondant de l’AFP.

– Trop déséquilibré –

Les troupes de Bachar al-Assad, forts de leurs moyens militaires supérieurs et l’aide d’alliés étrangers, se sont emparés totalement lundi du nord-est d’Alep, selon l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH).

En perdant un tiers d’Alep-Est, les rebelles essuient « leur plus grand revers depuis 2012 », a précisé Rami Abdel Rahmane, le directeur de l’OSDH.

Après avoir mis en échec plusieurs offensives du régime depuis un an, ils sont cette fois-ci submergés par la vaste opération terrestre et aérienne lancée le 15 novembre par l’armée avec le soutien de combattants étrangers aguerris.

La lutte est devenue trop déséquilibrée car « nous affrontons l’Iran et la Russie (…) des milices venues du monde entier », a déploré Yasser al-Youssef, un responsable du groupe rebelle Noureddine al-Zinki, un des principaux d’Alep. 

« L’aviation détruit tout méthodiquement, zone par zone », a-t-il ajouté, alors que les rebelles sont dépourvus de moyens de lutte anti-aérienne.

La prise d’Alep par le régime « serait un tournant » dans la guerre qui dévaste la Syrie depuis cinq ans et demi, estime Fabrice Balanche, expert de la Syrie au Washington Institute. Car elle montrerait, selon lui, que « l’opposition est incapable d’avoir un succès majeur sur le plan militaire » et de se poser comme « alternative » face à Damas.

La perte d’Alep-Est marquerait en outre la défaite des alliés de l’opposition, notamment l’Arabie saoudite, le Qatar et la Turquie, ainsi que les pays occidentaux. Elle renforcerait en revanche les soutiens de Damas, au premier rang desquels la Russie, qui a fortement contribué à faire reculer les rebelles depuis le début de son intervention en septembre 2015.

La communauté internationale a gardé le silence sur l’évolution des combats de ces derniers jours. Quant aux Etats-Unis, ils sont paralysés dans l’attente de l’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche en janvier. 

– Quartier après quartier –

Les combats des derniers jours ont provoqué ce week-end la fuite de près de 10.000 civils, dont 6.000 vers la petite enclave de Cheikh Maqsoud contrôlée par les forces kurdes, et le reste vers les zones gouvernementales, selon l’OSDH.

« C’est le premier exode de ce genre à Alep-Est » depuis plus de quatre ans, a indiqué Rami Abdel Rahmane.

Les civils d’Alep-Est vivent dans des conditions extrêmement difficiles, manquant de vivres et de médicaments, en raison du siège imposé depuis juillet par le régime et des bombardements incessants dénoncés par l’ONU.

L’offensive lancée le 15 novembre a fait au moins 225 morts parmi les civils, dont 27 enfants, à Alep-Est, selon un bilan établi dimanche par l’OSDH. Les rebelles ont parallèlement tué au moins 27 civils en tirant sur les zones gouvernementales d’Alep-Ouest. Deux civils ont par ailleurs été tués lundi dans des tirs de roquettes des rebelles sur la partie gouvernementale de la ville.

La progression des forces du régime s’est accélérée avec la capture samedi du quartier de Massaken Hanano, le plus grand d’Alep-Est. L’armée s’est ainsi ouverte une voie pour prendre le contrôle lundi des quartiers de Sakhour, Haydariyé et Cheikh Khodr, lui permettant de couper Alep-Est en deux, selon l’OSDH et les médias officiels syriens.

Le régime s’est emparé par ailleurs de la pompe d’eau vitale à Souleimane al-Halabi, adjacente à Sakhour. Celle-ci était sous contrôle rebelle alors qu’elle ravitallait essentiellement le secteur gouvernemental.

Pour le quotidien Al-Watan, proche du pouvoir, les « hommes armés devront se rendre… ou accepter la réconciliation nationale selon les termes fixés par l’Etat syrien ».

Des soldats du régime syrien dans le quartier Masaken Hanano, le 27 novembre 2016 à Alep. © AFP

© AFP GEORGE OURFALIAN
Des soldats du régime syrien dans le quartier Masaken Hanano, le 27 novembre 2016 à Alep

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