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Les ressources sont mieux gérées quand l’initiative vient des communautés

Les auteurs ont mis en exergue, dans cet ouvrage, les avantages et les inconvénients des rahui. Il en ressort surtout que plus le rahui va être mis en place par les autorités politiques et moins la population va s’intégrer au concept. A Fakarava « seulement 4% de la population considérait la réserve comme un élément positif », à Moorea « certains pêcheurs ont une perception négative du PGEM car ils s’estiment doublement lésés ». Par contre si la mesure vient des communauté, le concept peut fonctionner car personne n’est exclu et tout le monde se sent concerné.

« Communs et océan. Le rahui en Polynésie » c’est le nouvel ouvrage écrit par plusieurs chercheurs tels que Tamatoa Bambridge,  Thierry Paulais, Christian Montet et François Gaulme. Ils se sont intéressés au rahui au fenua. Cette notion fait partie du « commun » selon les références d’Elinor Ostrom, qui a reçu le prix Nobel de l’économie en 2009. Elle définit le « commun » comme étant la gérance d’un bien commun par les communautés ou les utilisateurs et il peut s’agir soit d’un lagon, d’une forêt ou d’un lac.

Le livre fait référence d’abord au fonctionnement du rahui dans les temps anciens et sa résurgence aujourd’hui. Les auteurs ont menés des études sur trois rahui mis en place au fenua, celui du PGEM de Moorea, le rahui de Te’ahupoo ou encore de la biosphère de Fakarava.

Le PGEM de Moorea : « un commun touristique »

Les études faites à Moorea démontrent que la mise en place du PGEM en 2004 n’a pas entraîné de grands changements ou évolutions au niveau notamment de la faune marine. Les auteurs écrivent même que « les poissons commerciaux et non commerciaux, en densité comme en biomasse, sont restés stables, en augmentation ou en baisse dans certaines aires marines protégées ». Ils expliquent cette situation par deux raisons, les conséquences du cyclone Oli en 2010 mais aussi la construction de bungalows sur le lagon, ou encore les différents remblais. Mais pas seulement, Tamatoa Bambridge indique aussi que le PGEM de Moorea  est « un commun touristique dans lequel certains acteurs sont de facto exclus notamment les pêcheurs et les représentants de la culture traditionnelle ». On note aussi qu’il est fait état dans l’ouvrage que « certains pêcheurs ont une perception négative du PGEM car ils s’estiment doublement lésés » car la pêche leur est interdite à certains endroits alors même que les activités touristiques y sont autorisées et « permettent aux prestataires touristiques de gagner de l’argent ».

 

La biosphère de Fakarava « pas au centre des intérêts des habitants »                                                                                                                                                                                                        Les auteurs de « Communs et océan. Le rahui en Polynésie » estiment que comme le PGEM de Moorea, la réserve de biosphère Unesco à Fakarava est une initiative des autorités politiques, d’où le désintérêt de la population. Une étude menée en 2015 indique d’ailleurs que « seulement 4% de la population considérait la réserve comme un élément positif ». Une autre enquête menée cette fois-ci en 2017 a montré que « aucune personne (…) n’était capable de citer une règle de la réserve ». Par contre l’étude a démontré que la population a perçu le bétonnage des routes, la construction de l’aéroport ou encore de la darse comme étant « les principaux changements positifs ».

 

Le rahui de Te’ahupoo, une « initiative de la communauté »     

Contrairement aux deux premiers cas, la mise en place du rahui à Te’ahupoo est une initiative de la population. De plus les pouvoirs publics ne sont pas majoritaires en cas de vote « les populations les plus faibles sont les mieux représentées tout comme les pêcheurs, agriculture ou culture (…) Cette structure de gouvernance tient compte des échelles multiples ».

Ce rahui était, selon Tamatoa Bambridge, chargé de « symbolisme historique et de légitimité traditionnelle ». Il a pour seul but le renouvellement des ressources marines. Pour ce faire, la population a donc décidé, pendant trois ans, de faire des enquêtes. Grâce à cela, les zones ont été délimitées et tous travaillent à la bonne marche de ce rahui comme par exemple la surveillance.

 

« Les communautés trouvent des solutions » à la gestion de leur rahui

L’économiste et co-auteur du livre, Christian Montet considère qu’il peut y avoir dans ce système « la tragédie des communs ». Il explique que dans cette gestion d’un bien qui n’est finalement pas privé mais public, « il y a une tendance à ce que chacun essaie de tirer le maximum de la ressource et comme tout le monde le fait, donc il y a un risque que la ressource ne se renouvelle pas, ou s’épuise ». Il considère qu’à partir de ce moment il y a une « contradiction entre les intérêts individuels et collectifs ».

 

Cet ouvrage a « un caractère pédagogique »

Le directeur de l’Agence française de développement (AFD) et coauteur du livre Thierry Paulais estime que cet ouvrage devrait être intégré dans les programmes de l’éducation. Il considère que ce livre peut avoir un caractère pédagogique. Il affirme que lors de leurs enquêtes, il a remarqué que les différents utilisateurs des lagons comme les pêcheurs,  les opérateurs de circuits touristiques, plongées sous-marine, les pensions, les perliculteurs ou encore les hôtels ne préservent pas tous les lagons, alors qu’ils le devraient : « c’est grâce au lagon qu’ils vivent »

Ce livre va être publié en anglais en version e-book.

Une conférence gratuite « Savoirs pour tous » sur le système du rahui est organisée jeudi 23 mai à 18h15 dans l’amphithéâtre A de l’Université de la Polynésie. Et les auteurs organisent une dédicace samedi 25 mai de 9-12 heures à la librairie Klima. Le livre coûte 1950 Fcfp.

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