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Les restrictions sur les ventes d’alcool sont des « gesticulations » politiques, dit l’avocat du groupe Wane

Deux enseignes du groupe Wane attaquaient ce mercredi les dernières restrictions sur la vente d’alcool, par un référé-suspension devant le tribunal administratif. Pour Me Thibaud Millet, il s’agit d’une mesure politique voulue par Édouard Fritch, sans lien réel avec la situation sanitaire. Le délibéré sera rendu vendredi matin.

Après avoir interdit la vente d’alcool le 23 mars dernier, trois jours après l’entrée en vigueur du confinement, le gouvernement l’avait rétablie le 27 mai, en conservant toutefois l’interdiction de la vente d’alcool réfrigéré et de la vente après 18 heures. C’est ce régime d’exception qu’attaquent les magasins Easy Market Prince Hinoi et Champion Raiatea, toutes deux filiales du groupe Wane.

Pour Me Millet, qui avait fait annuler la mesure de couvre-feu, ces restrictions restantes ont un « effet pervers » – les enseignes ont constaté, dit-il, une hausse de consommation des alcools forts de 35% depuis le mois de juin.

Autre effet pervers, dit l’avocat, « la clientèle a diminué jusqu’à 50% après 18 heures, donc quel est l’intérêt de maintenir un magasin ouvert jusqu’à 20, 21 heures s’il n’y a plus personne ? » Depuis le 7 septembre, le magasin Easy Market de Papeete ferme à 20 heures au lieu de 21 heures, « et la question du maintien du personnel va se poser », dit-il. En outre, ces horaires contraints favoriseraient une plus grande affluence entre 16 heures et 18 heures, ce qui n’est pas favorable à la distanciation sociale. Enfin l’avocat assure que le chiffre d’affaires à Raiatea a baissé de 50%, et de 17% chez Easy Market. Des chiffres qui n’ont pas semblé convaincre l’avocat de la Polynésie française, pour qui « la modestie des pertes de chiffre d’affaires démontre qu’il n’y a pas urgence. »

« Une opération séduction  » des maires pour Me Millet, une précaution sanitaire pour Édouard Fritch

Au-delà des considérations commerciales, Me Millet s’interroge sur la légalité de l’arrêté, qui outrepasserait les pouvoirs du gouvernement en la matière – ce que conteste le Pays – et qui constituerait une « atteinte injustifiée à la liberté du commerce. »

Me Millet estime que « la Polynésie française a pris cet arrêté complètement à l’aveugle, pour satisfaire la volonté des maires (…), une opération séduction avant les sénatoriales. »  Il en veut pour preuve un courrier d’Edouard Fritch en réponse à la Fédération générale du commerce, le 8 septembre dernier, dans lequel on peut lire : « Nous n’avons pas, pour l’heure, l’intention d’assouplir davantage les conditions de vente des boissons alcoolisées tant que les maires seront défavorables, d’une part, et que l’épidémie de covid continue à progresser, d’autre part. Les observations de terrain et les enquêtes sanitaires ont montré que les rassemblements festifs alcooliques ont grandement favorisé la propagation du virus. » Pas suffisant pour l’avocat, qui affirme que le Pays n’a jamais diligenté d’étude sur les effets de la réglementation sur l’alcool, au point d’avoir basé son plan de lutte 2019-2023 contre les addictions sur des chiffres de l’OMS datant de … 2010.

Il dénonce « l’incurie des pouvoirs publics sur cette question. J’ai l’impression qu’on vit dans un pays du Tiers Monde qui n’a pas les moyens de savoir quelle est l’étendue de ce problème et qui est obligé de s’en remettre à des organisations internationales », dit-il, même si les forces de l’ordre estiment que 50% des situations problématiques sont liées à l’alcool. Les restrictions ne sont, a-t-il déclaré devant le tribunal, « que des gesticulations pour montrer que les pouvoirs publics prennent le sujet au sérieux alors qu’il n’y a aucune politique et aucun objectif. »

Enfin Me Millet évoque le caractère « discriminatoire » de ces mesures, alors qu’en juin les magasins spécialisés ont été autorisés à vendre de l’alcool réfrigéré. « La Polynésie explique qu’on a affaire dans les magasins spécialisés à une clientèle qui va savoir ‘déguster’ des vins ou des bières de qualité et qui va être prête surtout à y mettre le prix fort – ce sont les termes du gouvernement – tandis que dans les grandes surfaces on a une clientèle tous publics, nous dit-on, qui se livre à une consommation de masse, déraisonnée, et qui serait à l’origine du problème. Donc quelque part on a une discrimination sociale qui n’est tout simplement pas acceptable. »

Les libertés publiques « m’intéressent beaucoup, dit Me Millet, surtout en cette période un peu difficile, ce sont quasiment des sujets de philosophie.» Le tribunal administratif rendra son délibéré vendredi matin.

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2 Commentaires

  1. 17 septembre 2020 à 5h59 — Répondre

    La vente d’alcool de 8 h à 18 heures, c’est une bonne chose, il semble que ce laps de temps est nettement suffisant pour faire ses réserves et faisons confiance aux Polynésiens pour cela. Le problème en réalité c’est le manque à gagner des enseignes citées qui se plaignent d’une perte de 50% de la clientèle, c’est pas sérieux. Cela voudrait dire que 50% des gens n’achètent que de l’alcool après 18 heures et ne font plus leurs courses ordinaires? Prétexte fallacieux des propriétaires des commerces du groupe Wane qui visiblement ne sont pas en grande difficultés et n’ont pas « le couteau sous la gorge ».

  2. L'Abeille
    17 septembre 2020 à 19h13 — Répondre

    En république française, ce genre de restrictions n’est pas admissible. C’est prendre les Polynésiens pour des gamins qui auraient du mal à se gérer. Et puis c’est oublier aussi que certaines personnes ont des horaires de travail parfois contraignantes. Soit on vit dans un pays libre, soit on vit dans une république bananière, de type électoral !

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