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Les souliers Berluti, du cousu-main pour pieds fortunés

Paris (AFP) – Loin de l’effervescence de la Fashion Week masculine où il défile vendredi soir, c’est dans un petit atelier feutré de Paris que le bottier de luxe Berluti cache son coeur de métier: ses souliers sur-mesure pour homme, numérotés et limités à quelques centaines de paires par an.

« Ici, on est hors du temps: nos modèles sont tellement intemporels qu’il est impossible de deviner si le client qui les commande a 25 ou 75 ans! », sourit Jean-Michel Casalonga, maître-bottier.

Dans l’atelier de la chic rue Marbeuf, près des Champs-Elysées, une odeur de colle flotte sur les étagères où s’empilent du sol au plafond des « normes », ces ébauches en bois qui reproduisent fidèlement les pieds de chaque propriétaire d’une paire de Berluti sur-mesure.

Tous les mois, les maîtres-bottiers de la maison – fondée il y a 121 ans – s’envolent aux quatre coins du monde pour rencontrer en boutique chaque nouveau client cherchant chaussure à son pied.

Du talon au gros orteil, tout est cartographié, jusqu’à la cambrure de la plante et l’épaisseur de la cheville. 

« Il faut un équilibre entre morphologie et esthétique: on porte un vêtement, mais c’est le soulier qui nous porte », souligne à l’AFP M. Casalonga, chemise blanche aux manches retroussées et long tablier protecteur en peau.

Le bottier doit aussi tenir compte « de questions plus culturelles dans la façon de se chausser: les Russes aiment souffrir et avoir des souliers très serrés; les Chinois veulent se déchausser facilement sans défaire les lacets ».

Connue dans le monde entier, la maison Berluti appartient depuis 1993 au géant LVMH, et a lancé sa ligne de prêt-à-porter masculin en 2011.

La marque a séduit nombre de célébrités, de Marcel Proust à François Truffaut en passant par Andy Warhol ou Coluche, et aussi fait parler d’elle lors du scandale politico-judiciaire autour d’une paire offerte par Christine Deviers-Joncour à son amant Roland Dumas.

– 5.800 euros minimum –

Une paire sur-mesure nécessite une cinquantaine d’heures de travail au minimum, pour un prix de départ de 5.800 euros. A l’atelier, les gestes comme les outils pour découper le cuir, le piquer, le galber, puis « monter » la chaussure, ont peu évolué au fil des années.

« Il faut de la force, et tout le travail se fait sur nos cuisses, notre établi ne sert en fait qu’à poser les outils », explique Maxence en préparant une « première », la partie intérieure où le pied s’appuiera.

A ses côtés, Carlos trempe un fil de lin dans de la poix puis l’enfile sur une soie de sanglier, « à la fois rigide et souple, une méthode utilisée depuis que ce métier existe » pour assembler une chaussure, indique-t-il.

Après plusieurs semaines de séchage, les souliers – mocassins, derbies ou richelieus, à bout fleuri ou en veau Venezia selon les modèles – seront patinés, puis la semelle estampillée Berluti et frappée du numéro de série. Ils seront ensuite livrés dans une boîte en cuir aux mêmes tons, ornée d’une petite photo qui rappelle son contenu.

« Certains clients commandent le même modèle depuis 20 ans, d’autres optent pour un tatouage personnalisé sur le cuir, et j’ai aussi un client qui commande uniquement par paquet de neuf paires pour en laisser dans ses différentes résidences et voyager léger! », raconte le maître-bottier.

L’atelier parisien et sa vingtaine d’employés centralise la fabrication de tous les souliers sur-mesure de la marque, au nombre tenu secret: « on fait le nombre de paires qui nous permet de faire des paires parfaites », résume M. Casalonga.

Si les Berluti sont dessinées pour les hommes, quelques femmes passent aussi commande, « et on adapte alors les modèles masculins à leur pied plus petit ». Jean-Michel Casalonga indique d’ailleurs avoir en cours « une double commande du même modèle Balmoral, une paire pour Monsieur et une paire pour Madame ».

Un employé travaille une semelle dans l'atelier Berluti le 3 mai 2016. © AFP

© AFP/Archives Eric Feferberg
Un employé travaille une semelle dans l’atelier Berluti le 3 mai 2016

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