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Loi travail: Valls déclenche un ultime 49-3 pour l'adoption définitive

Paris (AFP) – Manuel Valls a déclenché mercredi un troisième et ultime 49-3 pour faire adopter définitivement, et sans vote, le projet de loi travail, vanté comme « une grande réforme de ce quinquennat », après cinq mois de polémiques politiques et de contestation sociale émaillée de violences.

Fruit d’une « large concertation » ayant débouché sur « un compromis solide avec les organisations syndicales et de jeunesse réformistes », ce texte « de progrès », porteur « de nombreuses avancées », est « indispensable pour l’avenir de notre pays », a affirmé le Premier ministre à la tribune.

« Sur certains textes, le gouvernement ne dispose que d’une majorité relative (…) mais il n’y a pas de majorité alternative dans cet hémicycle », a-t-il lancé à l’adresse des députés de gauche, notamment PS, opposés à un texte qu’ils qualifient de « régression sociale ».  

L’opposition n’ayant pas l’intention de déposer une motion de censure et une troisième tentative de motion de gauche n’étant plus envisagée, le texte de 123 articles, dans sa version adoptée début juillet, sera considéré comme adopté jeudi à 16H30, 24 heures après l’engagement de la responsabilité du gouvernement.

Les députés LR comptent cependant saisir le Conseil constitutionnel, a-t-on indiqué au groupe.

A ces signatures de droite pour une saisine (60 au moins sont nécessaires) vont s’ajouter celles de contestataires de gauche dont le Front de gauche, au motif du « non-respect du débat parlementaire ». Des frondeurs socialistes et des écologistes pourraient aussi s’y joindre. 

Le recours au 49-3 s’est fait dans une ambiance moins passionnelle à gauche, voire fataliste, sur fond de quatrième prolongation de l’état d’urgence et de climat politique tendu avec la droite après l’attentat de Nice.

Plusieurs parlementaires de tous bords ont cependant critiqué cet ultime 49-3, vu comme une « victoire à la Pyrrhus » notamment par le frondeur Gérard Sebaoun.

Mardi, le Sénat avait rejeté le texte sans en débattre, ne s’estimant pas entendu sur ses propositions plus libérales, comme la suppression des 35 heures. « Le texte initial devait simplifier la vie des entreprises, le texte final va la complexifier », a regretté le patron des sénateurs LR Bruno Retailleau, parlant d' »occasion manquée ».

François Hollande l’a défendu comme « conforme à (ses) valeurs » « d’homme de gauche » et a assuré s’inscrire « dans la démarche » du Front populaire. Il a indiqué que les décrets d’application seraient pris « immédiatement ».

Le patron des députés socialistes Bruno Le Roux a affiché sa volonté de défendre à la rentrée la loi, qu’il a mise au niveau des lois Auroux ou Aubry, par la « preuve » de ses effets positifs, contraires à ce qu’ont « prédit » ses opposants.

Malgré une contestation exceptionnellement longue, le gouvernement aura finalement réussi à le faire passer dans le délai voulu. Mais à contre-courant de l’opinion – sept Français sur dix s’y disant opposés – et au prix d’une majorité déchirée, à dix mois de la présidentielle.

– ‘Frustration’ faute de débats –

« C’est parce qu’on n’a pas pu expliquer point par point », faute de débats, selon la présidente de la commission des Affaires sociales Catherine Lemorton (PS), qui a dit à l’AFP sa « frustration ».

A deux voix près, les frondeurs PS auront échoué par deux fois à déposer, avec des écologistes et le Front de Gauche, une motion de censure inédite contre leur gouvernement, et à amender la « colonne vertébrale » du texte, l’article 2 (devenu article 8 dans la version finale du texte) consacrant la primauté de l’accord d’entreprise sur la convention de branche en matière de temps de travail.

Malgré quelques concessions sur un renforcement du rôle des branches, l’exécutif s’est montré inflexible sur cet article, au coeur de l’esprit de cette loi, défendue par la CFDT.

Dans la rue, la contestation n’est officiellement pas terminée, malgré une pause estivale après douze journées de manifestations entre le 9 mars et le 5 juillet, souvent émaillées de violences.

Les syndicats opposés au texte, CGT et FO en tête, promettent de reprendre la mobilisation le 15 septembre. La loi restera « entachée de son caractère antidémocratique », selon FO. « Le gouvernement a perdu la bataille idéologique, a perdu tout crédit vis-à-vis de la population, et de surcroît a entamé les valeurs de la République », a fustigé la CGT.

Le patronat avait applaudi la première version du texte début mars. Si les modifications ont été décriées comme des « reculs », notamment la suppression du plafonnement des indemnités prud’homales, le patronat adhère néanmoins à plusieurs points majeurs.

La « sécurisation des licenciements économiques » d’abord. La notion de périmètre national pour apprécier les difficultés économiques d’un groupe a certes été retirée, au grand dam du Medef, mais les PME estiment avoir été écoutées avec la prise en compte de la taille de l’entreprise. 

Le patronat est vent debout contre la création du compte personnel d’activité (CPA), vanté mercredi comme « une véritable sécurité sociale professionnelle » par Manuel Valls.

© AFP Thomas SAMSON
Des militants du mouvement Nuit Debout devant l’Assemblée nationale, lors de l’adoption du projet de loi travail, le 20 juillet 2016 à Paris