Paris (AFP) – Cinq jours après l’attentat de Nice, l’Assemblée nationale devait prolonger mardi soir l’état d’urgence de six mois, le gouvernement satisfaisant une demande d’une partie de l’opposition, dans un climat gauche-droite tendu et de surenchère politique.
Dans son discours devant les députés défendant cette prolongation, le Premier ministre Manuel Valls a de nouveau dénoncé les critiques parfois « honteuses » de l’opposition, appelant à « tenir ensemble » alors que « les populismes rôdent ».
La France sort de trois nouveaux jours de deuil national, en hommage aux 84 personnes tuées et 300 blessées le soir du 14 juillet à Nice sur la Promenade des Anglais.
Adopté lors du Conseil des ministres mardi matin, le projet de loi sur l’état d’urgence prévoit de le prolonger à nouveau de trois mois. Cette prorogation sera finalement portée à six mois (jusqu’à fin janvier 2017 donc), comme le réclamait une partie de la droite.
En déplacement à Lisbonne pour évoquer les suites du Brexit, François Hollande a apporté son accord à cette demande et a une nouvelle fois appelé à l’unité: « Les terroristes veulent nous diviser, nous monter les uns contre les autres ».
« Je dois dire aux Français qu’ils doivent vivre (…), nous ne mettons pas un genou à terre » a aussi lancé le président.
Manuel Valls, hué à Nice lundi, s’en est pris à l’Assemblée à « ceux qui promettent qu’on peut tout régler d’un coup de baguette magique », qui « mentent aux Français », dans une allusion aux déclarations de certains candidats à la primaire de droite.
Mais se disant « lucide », il a de nouveau reconnu qu’il y aurait « d’autres attentats » et d’autres victimes, là où l’opposition lui reproche un fatalisme inacceptable.
Le record de durée de l’état d’urgence ininterrompu, en vigueur sans interruption depuis les attentats du 13 novembre 2015 est d’ores et déjà battu (près de 8 mois pendant la guerre d’Algérie).
Le suspense est assez faible sur l’issue du vote: la droite ne peut « pas ne pas voter pour l’état d’urgence », avait indiqué le patron des députés LR Christian Jacob.
– Les perquisitions administratives rétablies –
Point de suspense non plus au Front de gauche, majoritairement opposé à cette prolongation selon son chef de file à l’Assemblée André Chassaigne, « inquiet » des concessions faites à la droite.
Le projet de loi va rétablir les perquisitions administratives et permettre d’exploiter les données des ordinateurs et téléphones saisis.
Si Manuel Valls s’est montré ouvert à toute proposition pour « accroître l’efficacité » de l’état d’urgence, pas question d’accepter les centres de rétention préventifs réclamés pa Les Républicains. « Jamais de législation d’exception », a-t-il dit.
Nicolas Sarkozy (LR) avait jugé vendredi « indispensable » de prolonger l’état d’urgence. Mais, à neuf mois de la présidentielle, comme d’autres responsables de l’opposition, il a depuis reproché à l’exécutif de ne pas avoir fait tout le nécessaire pour protéger les Français.
Christian Estrosi, président (LR) de la région Paca, avait lui dénoncé le « mensonge d’État » sur le nombre de policiers nationaux présents jeudi soir à Nice, des propos « inacceptables », pour Manuel Valls, qui s’est félicité devant les députés du comportement « digne » de la majorité.
M. Hollande pourrait répliquer à la droite lors d’un déplacement mercredi matin en Dordogne sur le thème de la réserve opérationnelle.
L’affrontement est aussi interne à la droite, à quelques encablures de la primaire. Ainsi M. Sarkozy a sévèrement taclé Alain Juppé en bureau politique lundi, en affirmant que « ce n’est pas raisonnable de dire que si on avait fait ceci ou cela, l’attentat (de Nice) n’aurait pas eu lieu ». « Le risque zéro n’existe pas », a concédé mardi matin le maire de Bordeaux.
Le Sénat, à majorité de droite et où le débat aura lieu mercredi, pourrait jouer les prolongations s’il adopte un texte différent de celui de l’Assemblée.
L’opposition avait baissé le ton mardi midi, M. Jacob ayant appelé ses troupes au calme, à la « dignité » et à s’abstenir de tout « dérapage » lors du débat parlementaire. Las, l’examen du texte en commission des Lois a entraîné une nouvelle poussée de fièvre, avec des invectives entre députés LR et PS. Et en soirée, M. Jacob a lancé en direction de Manuel Valls: « contre le terrorisme, on n’a pas le droit de dire qu’on a tout essayé ».
– Toutes les victimes identifiées –
Sur le plan de l’enquête, la totalité des 84 victimes tuées dans l’attentat ont été formellement identifiées. Près de la moitié sont de nationalité étrangère.
C’est après cette identification que peuvent être délivrés les certificats de décès et les permis d’inhumer, qui permettent de restituer les corps aux familles.
Le profil du tueur au camion, Mohamed Lahouaiej Bouhlel, continue à dérouter les enquêteurs: un homme inconnu des services antiterroristes qui, jusqu’à sa radicalisation « récente », était éloigné de la religion, consommait alcool, drogue et avait une « vie sexuelle débridée ».
« Aucun élément de l’enquête ne démontre à ce stade l’allégeance » du Tunisien au groupe État islamique (EI), qui a revendiqué l’attentat, selon le procureur de la République de Paris, François Molins.
Les enquêteurs continuent d’exploiter l’ordinateur de Mohamed Lahouaiej Bouhlel et son téléphone portable.
Un homme de 35 ans, interpellé samedi, a été relâché mardi soir, tandis que cinq personnes restaient toujours en garde à vue, soupçonnées d’avoir été en contact avec lui ou de l’avoir aidé à se procurer le pistolet 7.65 mm utilisé pour tirer sur des policiers.
© AFP FRANCOIS GUILLOT
Manuel Valls ouvre le débat à l’Assemblée nationale sur une quatrième prolongation de l’état d’urgence post-attentats, le 19 juillet 2016 à Paris