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Macron, le bon élève qui veut renverser la table

Paris (AFP) – Sa candidature se veut anti-système, et pourtant Emmanuel Macron a emprunté la voie royale des élites, accumulant les diplômes avant un parcours éclair dans la finance et au coeur du pouvoir

A 38 ans, l’élève modèle à qui tout réussit s’affiche en affranchi, fort d’un cerveau et d’un réseau qui lui offriront toujours une issue de secours. Une liberté qu’il clame même dans sa vie privée, lui qui a défié les conventions et les réticences familiales pour épouser sa professeure de français au lycée, de 24 ans son aînée.

Aujourd’hui cet anticonformisme revendiqué le pousse à s’extirper « des jeux d’appareils » en créant un « mouvement » « pas de droite, pas de gauche », refonder un « modèle social » dépassé, multiplier les « changements de paradigme » pour « réarmer les individus ».

Quitte à s’attirer les foudres de tous bords, des réactions qu’il interprète comme les tressaillements d’une élite politique à bout de souffle.

« Si c’est cela le système, eh bien je suis contre le système », osait il y a un mois ce fils de médecins, en détaillant l’un de ses « diagnostics » de l’état de la France.    

Contre le système donc, malgré son éducation bourgeoise en province qui fit un détour chez les jésuites, son diplôme de Sciences-Po Paris prélude à celui de l’ENA (promotion Sedar-Senghor), son intégration à l’Inspection générale des finances, son lucratif passage en banque d’affaires, chez Rothschild, qui lui vaut l’exécration d’une frange de la gauche, puis sa proximité avec François Hollande, qui en fit le secrétaire général adjoint de l’Elysée en 2012. 

Pour beaucoup, les intentions profondes d’Emmanuel Macron, diplômé de philosophie et homme de dossiers projeté sur le devant de la scène grâce à un alliage de charisme, de cordialité et de spontanéité, restent un peu énigmatiques. 

– Le plaisir de jouer –

« Macron, son plaisir c’est de jouer, c’est pas de gagner. Le jour où il aura perdu, il s’en fout, il passe à autre chose », assure un membre du gouvernement, encore blessé du départ fracassant du ministère de l’Economie de M. Macron, fin août.

Au fur et à mesure du décollage de sa popularité puis de son émancipation, entamée formellement le 6 avril avec le lancement de son mouvement « En Marche! » qui porte ses initiales, Emmanuel Macron, regard clair et sourire photogénique, s’est laissé gagner par la ferveur des réunions publiques, s’attardant sur scène, jouant de l’intensité de sa voix, se délectant des « Macron président! » fusant dans la salle.  

« Je pense qu’il a pris goût à la politique », glisse en privé François Hollande. « Après, comme il n’a pas d’expérience, il a cru qu’on pouvait surgir et bousculer toutes les règles. Macron, c’est la nouveauté. Mais on voit bien que ça ne suffit pas » pour se faire élire, veut croire le chef de l’Etat, qui doit annoncer dans un mois si lui même briguera ou non un nouveau mandat.

Pour l’instant, Emmanuel Macron peut se targuer d’avoir réuni presque 100.000 adhérents (sans cotisation) sur son nom et sur un projet teinté de libéralisme, aux contours encore imprécis. Mais sera-t-il ce grand rassembleur, capable de soulever des millions d’électeurs?

Ayant jusqu’ici évité le suffrage universel – parce qu’accéder aux plus hautes fonctions par l’élection est « un cursus d’un ancien temps » – et ne maîtrisant pas tous les codes du milieu, M. Macron a parfois trébuché quand il était ministre de l’Economie, notamment quand il a évoqué les difficultés d’ouvrières « illettrées » en 2014.

Il devra défendre le bilan de ses deux ans au gouvernement, dont la loi de 2015 « pour l’activité, la croissance et l’égalité des chances économiques », un texte fourre-tout allant de l’extension du travail du dimanche à la libéralisation du transport en autocars, et qui n’a été adopté qu’au prix d’une épreuve de force avec les députés frondeurs du PS, et d’un triple recours au 49-3. 

Son deuxième projet de loi, sur les « nouvelles opportunités économiques », a, lui, finalement été refondu dans d’autres textes portés par ses collègues, lui laissant un goût amer. Et la conviction qu’il ne serait jamais mieux servi que par lui-même pour porter ses idées. 

Emmanuel Macron le 4 novembre 2016 à Toulouse. © AFP

© AFP Rémy GABALDA
Emmanuel Macron le 4 novembre 2016 à Toulouse

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