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Mais que se passe-t-il avec le prix du pétrole ?

© MARWAN NAAMANI / AFP

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DÉCRYPTAGE – Le prix du baril de brut est tombé en dessous des 45 dollars. Pourquoi ? Cela va-t-il durer ?

« On ne peut plus continuer à protéger » le prix du pétrole. Comme l’a réaffirmé le ministre de l’Energie des Emirats arabes unis, Suhaïl Mazroui, l’Opep, l’Organisation des pays exportateurs de pétrole, n’enrayera pas la chute vertigineuse entamée par le prix du baril de brut depuis cet été. Ce dernier est tombé en dessous des 45 dollars mardi, contre 115 dollars au mois de juin.

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Est-ce grave ? Si les automobilistes vont (un peu) bénéficier de cette baisse, elle risque toutefois de fragiliser la stabilité de nombreux pays. Russie, Algérie, Venezuela… Pour nombre d’États qui tirent leurs revenus du pétrole et financent leur politique sociale grâce à l’or noir, la baisse du prix du baril risque de se transformer en catastrophe.

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Les Etats-Unis se remettent à carburer. C’est LA principale cause de la baisse des prix du pétrole : le retour des États-Unis dans la course. Depuis que l’Oncle Sam s’est mis à extraire du pétrole de schiste (du pétrole enfermé dans de la roche), sa production d’or noir a plus que doublé en six ans. Avec près de 9 millions de barils produits tous les jours, les États-Unis se hissent quasiment au niveau de l’Arabie Saoudite, premier producteur mondial.

« C’est un marché. Et dans un marché, à partir du moment où vous modifiez des éléments de la demande et des éléments de l’offre, les prix bougent », décryptait en décembre denier sur Europe1 Patrice Geoffron, directeur du Centre de géopolitique de l’énergie et des matières premières. En clair, plus il y a de pétrole en circulation, moins il est un produit rare, plus il faut l’écouler, plus il y a de concurrence, et donc plus les prix baissent.

 

La Chine connaît une petite panne. Si les États-Unis ont fait bondir l’offre de pétrole au niveau mondial, les prix actuels s’expliquent aussi par une moindre demande. « La demande européenne est moins dynamique que ce que l’on pouvait espérer il y a quelques années. Et l’élément nouveau est plutôt du côté chinois. La croissance est moins élevée que prévue, donc la demande aussi », explique Patrice Geoffron. Fin août, la production industrielle chinoise affichait sa plus faible progression en rythme annuel depuis 2008 (+6,9%). Et c’est en partie la publication de ces chiffres qui a précipité la baisse des prix du baril de brut.

L’Arabie Saoudite se la joue solo. Traditionnellement, lorsque les prix baissent, l’Opep décide de réagir en limitant sa production. Le pétrole se raréfie alors, et les prix remontent. Mais cette fois, l’organisation ne l’a pas fait. D’une part, les capacités de stockage s’améliorent, donc les pays producteurs peuvent stocker leur pétrole plus longtemps, sans le vendre. Mais surtout, cette fois-ci, l’Arabie Saoudite, principale contributrice de l’Opep, a décidé de ne pas jouer la solidarité. Son but : éviter de se faire distancer par son nouveau concurrent américain.

« L’Arabie Saoudite est le seul acteur à pouvoir agir sur les prix, car ses coûts de production sont très bas. Mais elle a refusé d’augmenter les prix, considérant notamment qu’elle ne devait pas être la seule à devoir endosser cette responsabilité », explique Patrice Geoffron.

Mais que se passe-t-il avec le prix du pétrole ?

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L’Arabie Saoudite, qui peut continuer à pratiquer des prix bas tout en étant rentable, a donc décidé de maintenir son niveau de production. Ainsi son pétrole devient moins cher, plus compétitif, et le pays peut rivaliser avec les États-Unis et leur énergie de schiste. Riyad est très claire là-dessus : même si le prix du baril tombe à 20 dollars, elle ne baissera pas sa production.

« L’Arabie Saoudite a réalisé qu’elle allait devenir le dindon de la farce. Les USA ont le schiste. La Russie va se mettre à chercher du pétrole sous la banquise. Les Brésiliens en ont découvert au fond des mers et les Européens se tournent vers les énergies propres. Face à cela, l’Arabie Saoudite lance une opération reconquête en cassant les prix », résume l’éditorialiste d’Europe1, Axel de Tarlé.

 

La baisse des prix va-t-elle continuer ? Même si Riyad ne fléchit pas, et elle n’a pas l’air de vouloir fléchir, le marché devrait tout de même se stabiliser. Les prix pourraient même repartir à la hausse au deuxième trimestre de 2015. En effet, si le pétrole « traditionnel » devient moins cher, le pétrole de schiste devient moins rentable. Les investisseurs risquent donc de s’en détourner. La production mondiale devrait baisser. Et les prix se remettre à grimper.

Une enquête Reuters menée récemment auprès de 30 économistes et analystes donne un cours moyen du baril de Brent à 74,00 dollars en 2015 et à 80,30 dollars en 2016. « Il y a déjà eu des effets yoyo dans l’histoire. En 2008, en quelques semaines, on est passé de 150 à 40 dollars, pour une période très courte, puis cela s’est remis à remonter », rappelle Patrice Geoffron. Reste une inconnue : la demande. Entre le coup de mou de la croissance dans les pays émergents et les ambitions écologiques de certains pays développés, il n’est pas sûr que la demande soit au rendez-vous.

Source : Europe1

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