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Maladies rares: Karen Aiach, mère courage devenue entrepreneure en thérapie génique

Neuilly-sur-Seine (AFP) – Sa vie a basculé un jour de juillet 2005, quand les médecins diagnostiquent une grave maladie rare d’origine génétique chez son bébé de six mois. Depuis, Karen Aiach a « bousculé des montagnes », jusqu’à devenir entrepreneure en thérapie génique.

« Quand je veux quelque chose j’ai tendance à vraiment me bagarrer pour l’obtenir », pose d’emblée cette femme de 44 ans, silhouette élancée et longs cheveux châtains, dans les bureaux de sa société, Lysogène, à Neuilly-sur-Seine.

La recherche médicale a longtemps été très éloignée de sa vie. Après des études de commerce à l’Essec et des stages au Japon, elle intègre le groupe d’audit Arthur Andersen à Paris, avant de fonder sa société de conseil pour banques d’affaires.

« Le monde s’est complètement écroulé » quand elle et son mari apprennent le diagnostic pour leur fille Ornella, raconte-t-elle, les mains soudainement crispées.

Sanfilippo A est une maladie neurodégénérative liée au déficit d’une enzyme dans le cerveau, entraînant une surcharge neuronale. De profonds troubles comportementaux en résultent, avant une régression mentale et une mort prématurée au début de l’âge adulte.

Le professeur qui leur annonce brutalement la nouvelle ne leur laisse guère d’espoir. Mais « on ne pouvait pas admettre qu’un type nous dise que c’était fini, qu’on ne pouvait rien faire. Il fallait trouver quelque chose », ajoute-t-elle.

Très vite, le couple se met à éplucher sur internet les articles scientifiques sur cette maladie, et à tisser des liens avec leurs auteurs, jusqu’en Australie.

Mme Aiach vend sa société de conseil et recrute une neurobiologiste pour établir un audit de la recherche sur Sanfilippo. De ce travail séminal, elle détermine le transfert de gènes comme la piste à suivre, pour délivrer des « usines à enzymes » dans le cerveau.

– « Bouts de ficelle » –

Mais aucun laboratoire n’a envie à l’époque de relever un tel défi pour une maladie aussi rare, avec 150 nouveaux cas par an diagnostiqués dans le monde.

Karen Aiach décide alors de monter elle-même un programme de recherche clinique, encouragée par le réseau de chercheurs et d’associations de patients qu’elle s’est soigneusement constitué.

Avec son style direct et son énergie démesurée, Karen Aiach « a dérangé, mais en même temps elle a su catalyser », relève Yann Le Cam, directeur général d’Eurordis, fédération européenne d’associations de patients de maladies rares.

Avec l’aide de proches, de fonds associatifs et de « business angels », les Aiach parviennent à réunir quelques centaines de milliers d’euros. Lysogène voit le jour en 2009.

« J’ai fait avec ce que j’ai pu, avec des bouts de ficelle au début » raconte Mme Aiach. « Quand il s’agit de sauver sa fille, on trouve des idées ».

En un temps record, elle met sur pied la première étude clinique de thérapie génique intra-cérébrale en Europe, avec un professionnalisme étonnant.

Karen Aiach « avait réussi à bousculer des montagnes », estime Michel Zerah, chef du service de neurochirurgie pédiatrique à l’hôpital Necker-Enfants malades à Paris, qui a mené l’essai clinique de Lysogène en 2011-2012 sur Ornella et trois autres enfants.

– « Complètement exceptionnel » –

« Elle aurait été directrice d’une unité de recherche qu’elle n’aurait pas fait mieux. C’est complètement exceptionnel d’avoir réussi à faire ça », ajoute M. Zerah.

Si le résultat s’est révélé mitigé pour Ornella, en dépit de certaines améliorations au niveau de son comportement selon Mme Aiach, l’essai a prouvé l’innocuité du traitement.

Dans le petit monde des biotechnologies, ce succès a frappé les esprits. Aux yeux d’investisseurs aussi, qui ont injecté 16,5 millions d’euros en 2014 dans Lysogène.

Karen Aiach « a su dépasser son histoire personnelle en voulant faire plus, en passant à une autre étape. Le drame lui a permis d’éclore d’une autre façon », confie Rafaèle Tordjman, du fonds de capital-risque Sofinnova, qui a participé au premier tour de table de Lysogène.

La société prépare un nouvel essai clinique pour fin 2017 sur Sanfilippo A, dans le but d’apporter cette fois-ci un bénéfice cognitif aux patients. 

Élargissant aussi sa recherche à d’autres maladies rares de la même famille, Lysogène espère réunir 25 à 30 millions d’euros a minima courant 2017, et étudie actuellement différentes options pour y parvenir.

« On devient une sorte de vraie société », sourit Mme Aiach, soucieuse de garder un fil directeur: « Faire du bien à un patient et à sa famille ».

Karen Aiach fondatrice de la société biopharmaceutique Lysogène, à Neuilly-sur-Seine (banlieue parisienne) le 2 août 2016. © AFP

© AFP/Archives JACQUES DEMARTHON
Karen Aiach fondatrice de la société biopharmaceutique Lysogène, à Neuilly-sur-Seine (banlieue parisienne) le 2 août 2016

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