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Mégafichier: Cazeneuve tente de rassurer les parlementaires

Paris (AFP) – Le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve a tenté mardi de répondre devant les parlementaires aux craintes exprimées depuis deux semaines, notamment par une partie de la gauche, sur le nouveau fichier regroupant les informations des détenteurs d’un passeport ou d’une carte d’identité.

En commission au Sénat, puis dans l’hémicycle à l’Assemblée lors d’un débat sans vote, M. Cazeneuve a longuement détaillé les modalités de ce fichier des titres électroniques sécurisés (TES), qui réunira à terme dans une seule base de données (identité, couleur des yeux, domicile, photo, empreintes digitales…) les détenteurs d’un passeport et d’une carte d’identité et qui concerne potentiellement tous les Français.

Concernant ce fichier, objet d’un décret paru le 30 octobre, M. Cazeneuve a concédé au Sénat que le débat n’avait « pas eu lieu en amont », comme l’ont reproché des parlementaires de presque tous les bancs. Ces élus ont critiqué une décision « en catimini » le « week-end de la Toussaint », faisant référence aux protestations de la secrétaire d’État au numérique Axelle Lemaire, qui avait parlé d’un « dysfonctionnement majeur ».

« Vous convoquez en catastrophe un débat parlementaire pour colmater les failles de votre majorité », a reproché l’orateur LR à l’Assemblée Philippe Goujon. « Surprenant de participer à un débat parlementaire sur un décret », a ironisé l’écologiste non-inscrit Sergio Coronado.

« Procès d’intention », a répondu M. Cazeneuve, « la notion de jour férié n’existe pas au ministère de l’Intérieur ». 

Ce débat prouve que « nous n’avons rien à cacher » face « aux fantasmes orwelliens », avait plaidé plus tôt devant la presse un porte-parole des députés PS, Hugues Fourage.

Sur le fond, la base des « titres électroniques sécurisés » regroupera le fichier pour les passeports, qui contient depuis 2008 des données biométriques (empreintes digitales et photographies numérisées), avec le fichier des cartes d’identité existant depuis 1987, qui n’est pas biométrique. Pour M. Cazeneuve, ce n’est pas un « mégafichier » car « l’actuel fichier relatif aux cartes nationales d’identité concerne déjà presque tous les Français ».

L’objectif est d’éviter la délivrance de ces documents « à des personnes susceptibles de les utiliser en vue d’usurpations d’identité », a plaidé le ministre lors du débat sans vote à l’Assemblée, quasi désertée à droite (quatre LR, un UDI).

Alors que la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) et le Conseil national du numérique avaient exprimé leurs réserves sur l’utilisation d’un tel fichier à des fins autres que celles prévues dans les textes initiaux, M. Cazeneuve a martelé qu’il ne pourra « servir à l’identification des personnes » à partir des données biométriques.

« Cette impossibilité est juridique -pour l’autoriser il faudrait une loi et même des évolutions constitutionnelles-« , mais aussi « technique -il faudrait rebâtir toute l’architecture de l’application », a-t-il assuré. « Ce n’est ni un fichier de police, ni un fichier judiciaire. C’est un fichier administratif d’instruction des titres demandés. »

– ‘Risques de piratage’ –

Relayant une autre crainte, le député Front de Gauche Jean-Jacques Candelier a jugé que « centraliser un fichier, c’est également centraliser les risques de piratage ». 

« Des outils cryptographiques de très haut niveau sont mis en œuvre « , a souligné M. Cazeneuve. « Le réseau sur lequel l’application centrale est hébergée est interne au ministère de l’Intérieur » et n’a fait l’objet « d’aucun hacking ces dernières années », a-t-il affirmé, confirmant que le ministère suivrait l’avis de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes informatiques (Anssi). 

Le socialiste Luc Belot a néanmoins regretté qu’on ait « jeté le bébé de la carte identité électronique », qui aurait pu être une alternative à la base de données. M. Cazeneuve a invoqué des raisons de coût, de simplification et de sécurité.

Face aux protestations ces dernières semaines, M. Cazeneuve et Mme Lemaire avaient annoncé que les Français pourraient s’opposer au transfèrement de leurs empreintes digitales dans la nouvelle base de données.

Ce consentement sera valable seulement pour les cartes d’identité, non pour les passeports, dont la numérisation des données biométriques est déjà une obligation européenne.  

Mais « l’obligation de recueillir les empreintes d’un usager demandant une carte d’identité sera maintenue. Sinon, nous ouvrons par là même une brèche considérable dans nos dispositifs de sécurité et de lutte contre la fraude », a-t-il noté.

Le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve s'adresse aux députés à l'Assemblée le 15 novembre 2016. © AFP

© AFP Christophe ARCHAMBAULT
Le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve s’adresse aux députés à l’Assemblée le 15 novembre 2016

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