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Michel Déon, romancier du bonheur perdu

Paris (AFP) – Homme de droite à l’élégance de gentleman-farmer, Michel Déon était le romancier du bonheur mais du bonheur perdu.

Les titres les plus connus de cet exilé volontaire, académicien depuis 1978, sont parus alors que leur auteur avait la cinquantaine: « Les Poneys sauvages » (prix Interallié 70) et « Le Taxi mauve » (prix du roman de l’Académie 73), mis tous deux en images avec succès.

Son oeuvre, forte de quelque 50 fictions, pièces, chroniques de voyages et entretiens, était aussi marquée par une détestation d’un certain monde moderne.

Démocrate par raison et monarchiste sans illusions, il ne détestait pas les causes perdues « parce que ce sont celles d’une minorité ». « Au fond, assurait-il, je penche pour une société aristocratique. »

Se séparant rarement d’une casquette en tissu pied-de-poule et de vestes en tweed ou à chevrons, cet amateur de pipes et de whisky dénonçait en vrac le « droit-de-l’hommisme », la libération sexuelle, de Gaulle, l’art contemporain ou encore les philosophes qui furent « nouveaux ». 

« Nous allons vers un monde où il y aura de moins en moins de poneys sauvages », regrettait ce nomade sédentaire à l’incurable individualisme.

« Ce qui est inquiétant pour un écrivain, avait-il imprudemment avancé un jour, c’est le succès. On ne peut s’empêcher de dire: Mon Dieu, j’ai dû écrire un mauvais livre! » Ce n’était qu’une pose car Michel Déon a eu du succès avec de fort bons livres, d’ailleurs récompensés par de nombreux prix.

Sans doute le poids de la modernité lui paraissait-il moins lourd à porter à l’étranger. Il a passé une bonne partie de sa vie dans des endroits de rêve: l’île grecque de Spetsaï dans les années 60 d’abord et le comté irlandais de Galway ensuite, une de ses « arches de Noé » auxquelles il a rendu hommage dans un livre de souvenirs portant ce titre. Là, dans leur presbytère, lui et sa femme élevaient des chevaux. Il croisait parfois Michel Houellebecq qui avait sa sympathie.

– Dernier des « Hussards » –

Pour Michel Déon, la vie était sérieuse et l’amour tragique. Dans la lignée de Stendhal, de Morand et de Chardonne, il a créé un univers romanesque discrètement autobiographique, souvent inspiré de ses voyages et mettant en scène des héros d’exception.

Bienheureux dans son existence, il racontait des histoires d’amour vouées à l’échec. Son ami, l’écrivain Patrick Besson, l’a très bien croqué: « C’est un homme au grand coeur mais c’est surtout un homme au coeur gros, son vrai sujet est le chagrin, il se sent en permanence privé de quelque chose. »

Sa vie se divisait en séquences: les années Maurras, les années scotch, les années grecques et les années best-sellers.

Né le 4 août 1919 à Paris sous le nom d’Edouard Michel, le futur écrivain devient orphelin de père à l’adolescence et prend plus tard le nom de Michel Déon. Il connaît la guerre à vingt ans, après des études de droit. Mobilisé, il est très marqué par la débâcle de l’armée française, « cette honte dont on ne se remet pas ».

Il devient en 1942 secrétaire de rédaction à l’Action française repliée à Lyon, aux côtés de Charles Maurras. Déjà, il n’aime pas de Gaulle. Il n’oubliera pas non plus Dien Bien Phû ou l’Algérie, qualifiées d' »impostures ».

Il participe à l’aventure des « Hussards », courant littéraire qui réunit notamment Roger Nimier, Antoine Blondin et Jacques Laurent, ces amoureux des phrases courtes et cinglantes, adversaires de Jean-Paul Sartre et d’un existentialisme honni.

Noctambule parisien, il écrit beaucoup, sans grand succès, avant de voyager et de s’éloigner de la France. Dans les années 70, les gros tirages vont arriver avec l’honneur d’entrer à l’Académie.

Pudique, ce père de deux enfants a juste laissé entrevoir des bribes de sa vie dans le livre-entretien accordé à sa fille Alice (« Parlons-en »). 

On lui devait aussi des titres comme « Les trompeuses espérances », « Le rendez-vous de Patmos », « Le jeune homme vert », « Le balcon de Spetsaï », « Je vous écris d’Italie », « Je me suis beaucoup promené », « La montée du soir » ou « Un souvenir ».

Michel Déon pose en habit d'académicien le 4 décembre 2003. © AFP

© AFP/Archives JEAN-PIERRE MULLER
Michel Déon pose en habit d’académicien le 4 décembre 2003

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