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Moetai Brotherson, le candidat rassembleur ?

©CP/Radio1

Moetai Brotherson était l’Invité de la rédaction de Radio1 ce mardi. Samedi dernier, le congrès a entériné la candidature du député de la 3e circonscription au poste de président du gouvernement si le Tavini Huiraatira sort vainqueur des élections territoriales. Il veut « incarner » le changement au Tavini, et souhaite un gouvernement d’ouverture, dit-il, dont l’objectif reste de faire avancer le processus d’autodétermination, toujours envisagé à travers l’arbitrage de l’ONU. Le Tavini tire les leçons de son expérience à la tête du Pays pour proposer un programme plus « réaliste », qui sur bien des points ressemble à ceux d’autres partis.  Et certains autres candidats se seraient déjà engagés à soutenir le Tavini au 2e tour.

Huit jours avant le congrès du Tavini, Moetai Brotherson annonçait son intention de briguer la présidence du gouvernement si le Tavini sortait vainqueur des élections territoriales. Une surprise en interne comme en externe, mais le député polynésien dit ne pas avoir cherché à forcer le changement, « non, pas forcément, mais l’incarner peut-être, oui. » Antony Géros, vu par certains comme le candidat naturel, s’est finalement plié à la discipline de parti et sera candidat à la présidence de l’assemblée en cas de victoire. Et après l’aval du congrès de samedi dernier, aucun retournement de situation n’est à prévoir, assure Moetai Brotherson.

L’indépendance, mais pas n’importe comment

Le programme du Tavini (voir ci-dessous) n’abandonne pas son ADN, la revendication indépendantiste, mais précise bien que ces élections territoriales ne sont pas un référendum, contrairement à certaines déclarations à l’emporte-pièce d’Oscar Temaru. Doit-on y voir une tentative de « dédiabolisation » du Tavini ? Pour Moetai Brotherson, « la victoire aux législatives a déjà brisé un plafond de verre », et le Tavini dans ses statuts n’envisage l’accession à l’indépendance que de façon démocratique et sans violence.

C’est donc le processus de décolonisation sous l’égide des Nations Unies qui est la voie privilégiée pour accéder à l’indépendance de façon sereine. Le Tavini estime qu’une fois qu’il sera arrivé à la tête du Pays, la France sera bien obligée d’abandonner sa politique de la chaise vide à l’ONU, et d’accepter la discussion. Mais cela va supposer une modification de la Constitution française, et un cheminement qui peut être long si l’on en juge par l’exemple de la Nouvelle-Calédonie où il s’est écoulé 30 ans avant les consultations référendaires. Ce n’est pas forcément le modèle dont veut s’inspirer le Tavini : c’est une discussion qui doit avoir lieu entre l’État, le gouvernement local et aussi les forces d’opposition, dit Moetai Brotherson.

 

En parallèle le Tavini prône une « citoyenneté polynésienne », qui sera un critère d’accession à la propriété ou à l’emploi local, et qui selon le député peut être mise en place avant la modification de la Constitution. En revanche, il faudra attendre la nouvelle mouture constitutionnelle pour y inscrire l’élection du président du Pays au suffrage universel que propose le Tavini, et qui est vue comme un gage de stabilité.

Mais, insiste le député, c’est un Tavini qui tire les leçons de ses années au pouvoir qui se présente en avril : « Cet exercice du pouvoir nous a permis de voir les limites des slogans, les limites de ce qu’on peut proposer. Ça n’enlève rien aux objectifs, mais ça amène du réalisme. Un Pays, ce sont des réalités mathématiques qu’on ne peut pas ignorer et avec lesquelles il faut composer. » Un réalisme que l’on retrouve dans le programme présenté samedi, avec des mesures très proches de celles proposées par d’autres partis : suppression de la TVA sociale, exonération de l’impôt foncier sur 10 ans et prise en charge de certains frais pour les primo-acquéreurs, mise à disposition du foncier public pour les constructions OPH, élargissement de la liste des prix bloqués, réorientation des CAE, ou reprise par le Pays aux communes de la compétence de gestion des déchets. En revanche le Tavini a des propositions plus « créatives » comme la taxation sur les grosses successions, à moins que les héritiers n’investissent dans les secteurs productifs, notamment ceux désignés par le Tavini comme prioritaires : secteur primaire, énergies renouvelables, numérique et audiovisuel. Le seuil reste, lui, à déterminer.

Pas de « chasse aux sorcières » mais de la transparence dans l’administration, et des élus à l’assemblée plus bosseurs

Le programme prévoit plus de transparence sur l’action des ministres et de l’administration, où le Tavini promet de ne pas conduire de « chasse aux sorcières », et Moetai Brotherson dit qu’il a « confiance dans l’administration » et sa capacité à se remettre en question. Côté assemblée, il veut que les élus produisent au moins la moitié des lois soumises à l’examen de l’APF : « Ce qui choque les Polynésiens, ce n’est pas qu’il y ait 57 représentants, c’est qu’ils ont l’impression qu’ils sont en vacances. »

Qui pour le remplacer à l’Assemblée nationale ?

Mereana Reid-Arbelot, la suppléante du député, a déjà annoncé qu’elle n’irait pas au Palais Bourbon en cas de démission de Moetai Brotherson pour prendre la présidence du Pays : ingénieur du contrôle de la navigation aérienne à l’Aviation civile, elle est la première Polynésienne a être nommée à ce poste qui lui tient très à cœur. Son engagement était de se former auprès de Moetai Brotherson durant un mandat entier, pas de se retrouver députée au mois de mai. Il y aurait donc des législatives partielles dans le mois qui suivrait les élections territoriales. « Et là je rassure tout de suite les électeurs, nous avons déjà identifié le candidat. Il a de très beaux cheveux, c’est tout ce que je peux vous dire. » Connaissant l’esprit taquin du député, le candidat potentiel pourrait aussi bien être chauve, alors les paris sont ouverts.

Déjà des approches d’autres partis

Le programme du Tavini n’exclut pas d’ouvrir son gouvernement à des personnalités d’autres partis. Moetai Brotherson rappelle que ce n’est pas « une révolution culturelle » – Oscar Temaru en son temps avait nommé ministres Teva Rohfritsch et Armelle Merceron. « Pour ce qui est des contacts, oui, on a eu des discussions avec des personnes de bonne volonté, on se donne rendez-vous au second tour », dit le député. Certaines appelleront à voter Tavini le 30 avril si elles sont sorties du jeu au premier tour : « Je ne l’espère pas, je le sais déjà », affirme Moetai Brotherson.

Programme Tavini 2023

 

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