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Moorea : demi-victoire pour les riverains de la route de Temae

L’association des habitants de Temae, à Moorea, demandait au Pays de classer dans le domaine public routier l’ensemble des accès au motu et à la plage, depuis le golf et depuis l’OPT. Les juges, après une inspection de terrain, lui ont donné raison pour la portion longeant le lac et la piste d’aéroport. Le segment traversant la cocoteraie du domaine Enany vers la plage de Temae, en revanche, ne peut être territorialisé. Le collectif a déjà lancé un autre recours de ce côté.

« Garantir l’accès aux habitations », « s’assurer du bon entretien de la route »… Pour l’association des habitants de Temae-Moorea, la territorialisation de la route n’est pas une question anodine. Le collectif avait plusieurs fois demandé à des responsables du Pays d’étudier une évolution du statut de cette voie quittant la route de ceinture, côté Est au niveau de l’OPT, pour relier la plage publique de Temae, avant de longer la piste de l’aéroport puis traverser le golf le long du lac avant de retrouver la RT au PK 1,6, au niveau du club house. Longtemps, c’était du côté du golf, justement, que résidait le problème. L’échange de foncier effectué en août 2021 entre le Pays et l’établissement gestionnaire du parcours devait ainsi résoudre « définitivement » le problème. Mais devant le manque d’avancées concrètes, l’association avait officiellement saisi le président d’une demande de reclassement, et attaqué son « refus implicite » quelques mois plus tard.

Oui pour la route du golf et du bord de piste

Les choses se présentaient plutôt mal lors de l’audience, en octobre dernier : le rapporteur général avait relevé plusieurs obstacles à une intégration de la portion dans le domaine public routier. Et notamment l’absence d’une ouverture constante à la circulation générale, en raison des caractéristiques et de l’histoire de la route du golf. Le Pays, en outre, campe sur ses arguments :  ce chemin, principalement fait de soupe de corail et qui ne fait pas « l’objet d’un aménagement » routier particulier « ne réunit pas les critères de la domanialité publique ».

Mais devant les déclarations très contradictoires des riverains et de l’administration, les juges ont décidé, comme le leur permet la procédure, d’aller voir d’eux même : une « visite », plutôt rare en matière administrative a eu lieu « en présence des parties » en décembre dernier. Et les magistrats ont pu constater par eux-mêmes que, malgré la qualité de la route, elle était, depuis le club house du golf jusqu’au début de la piste d’aéroport en tout cas, « bien praticable », et fréquentée « par des véhicules de toute nature » de façon constante. Donc, de fait, ouverte à la circulation publique. Même solution pour la portion longeant la piste jusqu’au tournant menant à la plage : faisant partie du domaine public aéronautique, la route relève déjà d’un usage du public qui « doit la rattacher au domaine public routier de la Polynésie ».

Non pour celle de la cocoteraie

Le tribunal, pourtant, ne donnera pas raison à l’association des habitants de Temae sur toute la ligne. Car, ouverte à la circulation ou pas, la portion de route allant du PK0.2 Est (la bifurcation vers la plage en face de l’OPT) et le bout de la piste d’aéroport « correspond à une voie située dans l’emprise de propriétés privées », principalement du domaine Enany racheté par le groupe Wane. Et qu’importe les arguments « d’intérêt général » avancé par les riverains, ou le fait que  » les propriétaires ont toujours laissé le libre passage des voitures, tant pour l’accès à la plage que pour l’accès aux habitations du village du Motu ». Le Pays ne peut intégrer à son domaine ce qui ne lui appartient pas.

La décision, pour les habitants de Temae est donc en demi-teinte. Si elle n’est pas contestée en appel, et si elle est appliquée telle quelle par le Pays, elle l’obligerait à entretenir la route depuis la bifurcation du golf jusqu’au bout de la piste. Et même, à terme, à la goudronner et la doter d’une évacuation des eaux « conforme ». Mais ça n’est là que la moitié des objectifs de l’association, bien décidée à garantir l’accès à la plage publique. Passer par le terrain politique, pour que les autorités lancent des discussions avec le groupe Wane ? « Depuis 2016, on a bien compris que discuter avec les autorités du Pays comme de l’île, malheureusement, c’était peine perdue », regrette son président Alain Bonno. C’est bien la voie de la justice qui est privilégiée. Et le prochain recours est déjà lancé : en application de l’article 1841-2* du CGCT, le collectif a demandé à la mairie de Moorea « d’intégrer d’office » à son domaine public le chemin traversant la cocoteraie et reliant l’OPT à la plage publique. Et là encore, le « refus implicite » d’Evans Haumani, resté silencieux sur ce point comme sur beaucoup d’autres en ce qui concerne les débats de Temae, a été attaqué. Rendez-vous est pris au tribunal administratif le 28 février.

* »La propriété des voies privées ouvertes à la circulation publique dans des ensembles d’habitations peut, après enquête publique ouverte par le maire ou le président de l’établissement public de coopération intercommunale et réalisée conformément à la réglementation applicable localement, être transférée d’office sans indemnité dans le domaine public de la commune sur le territoire de laquelle les voies sont situées ».

 

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