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Mort d'un nourrisson: suspension de la vente de l’Uvestérol D

Paris (AFP) – L’Agence nationale du médicament a décidé de suspendre la commercialisation de l’Uvestérol D, un médicament contre les carences en vitamine D dont le mode d’administration par pipette est soupçonné d’être à l’origine du décès d’un nouveau-né peu avant Noël.

Les premières conclusions des investigations « mettent en évidence un lien probable entre le décès et l’administration de l’Uvestérol D », a annoncé mercredi l’Agence nationale de sécurité du médicament.

Aussi, l’ANSM a lancé « par mesure de précaution » une procédure contradictoire auprès du laboratoire Crinex « en vue de la suspension de la commercialisation » de l’Uvestérol D, « dans les prochains jours ». Cette procédure est une « obligation réglementaire », mais « l’issue sera de toute façon la suspension », a précisé l’agence à l’AFP.

Un nourrisson âgé de dix jours était décédé le 21 décembre dans l’Essonne, après avoir reçu une dose d’Uvestérol D, un médicament pour prévenir la carence en vitamine D, très courant en France, seul pays où il est commercialisé.

La ministre de la Santé Marisol Touraine a appelé « les parents à ne plus administrer d’Uvestérol D à leurs enfants », « à titre de précaution ».

Les « autres spécialités à base de vitamine D » ne sont pas concernées par cette procédure, a souligné la ministre dans un communiqué, assurant aussi que les enfants qui ont pris de la vitamine D par le passé « ne courent aucun danger ».

« Je vais adresser dans la journée des recommandations à l’ensemble des professionnels de santé (…) pour que les familles qui utilisent aujourd’hui de l’Uvestérol D puissent (…) savoir quoi utiliser comme autre médicament », a-t-elle précisé à la sortie du conseil des ministres. 

Le ZymaD, le Stérogyl et l’Adrigyl, notamment, sont disponibles en France sous forme de flacons compte-gouttes.

Un numéro vert d’information (0800 636 636) a été mis en place.

Le nourrisson âgé de dix jours est décédé à son domicile par « arrêt cardio-respiratoire », selon l’ANSM.

Il avait auparavant présenté « des signes de suffocation » « immédiatement après l’administration » du produit, avait détaillé l’ANSM dans un courrier électronique envoyé le 30 décembre aux centres régionaux de pharmacovigilance, dont l’AFP a obtenu copie. 

La ministre a confirmé mercredi que « c’est le mode d’administration spécifique du produit qui présente des risques (et pas la vitamine D) ». L’Uvestérol D se présente sous forme liquide, dans un flacon dont on extrait, à l’aide d’une pipette, la dose à administrer.

– ‘Depuis des années’ –

Plusieurs incidents graves (malaises avec apnée, « fausses routes »…) ont été signalés par le passé, liés à ce mode d’administration avec la pipette, valant au produit une « surveillance renforcée » des autorités sanitaires depuis 2006.

En 2006, puis à nouveau en 2013, l’agence a alerté sur les précautions à prendre chez les nourrissons: « Toujours administrer le produit avant la tétée ou le biberon », installer l’enfant « éveillé » « en position semi-assise », laisser l’enfant « téter » la seringue ou faire couler le produit « goutte à goutte », ne pas l’allonger « immédiatement après l’administration », prévient la notice.

Le laboratoire Crinex, qui commercialise 1,8 million de doses d’Uvestérol D par an, va « rencontrer (jeudi) les autorités de santé pour analyser les faits et réfléchir à un mode d’administration alternatif pour les nouveau-nés », a-t-il annoncé.

Crinex avait déjà modifié la pipette en 2006, puis reformulé le produit en 2014: plus concentré, le volume à administrer est désormais plus faible (seulement quatre gouttes).

Mais, « aucun élément tangible » ne montre « que ces changements réduisent le risque de malaise », estimait en 2015 la revue médicale Prescrire.

La revue a salué la décision de suspension, tout en estimant qu’elle « aurait dû être prise depuis des années ».

« Comment se fait-il que les pouvoirs publics n’aient pas mis fin à sa commercialisation alors qu’il existe des alternatives à ce produit? », s’est interrogée la députée européenne Michèle Rivasi, réclamant une « enquête indépendante ».

L’agence sanitaire n’a pas souhaité faire de commentaires sur ces mises en cause.

Crinex, laboratoire familial basé à Montrouge, est spécialisé dans la prévention des maladies des nourrissons et l’hygiène buccodentaire. Il emploie 27 salariés pour un chiffre d’affaires de 20 millions d’euros (dont 10% grâce à l’Uvestérol D).

Une enquête judiciaire a par ailleurs été ouverte à Evry pour déterminer les causes du décès.

Une bouteille d'Uvesterol D le 4 janvier 2017 à Paris. © AFP

© AFP MARTIN BUREAU
Une bouteille d’Uvesterol D le 4 janvier 2017 à Paris

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