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Musique: il y a 100 ans naissait Léo Ferré

Paris (AFP) – Il y a 100 ans naissait à Monaco « un type à part, une graine d’ananar ». Chantre de la révolte, de l’amour et de l’amitié, Léo Ferré a donné ses lettres de noblesse à la chanson française.

Poète, musicien, compositeur, chef d’orchestre, ce touche-à-tout de génie, toujours vêtu de noir, a créé des mélodies inoubliables pour mettre en musique des oeuvres d’Aragon, Baudelaire, Rimbaud et ses propres poèmes comme « La solitude », « Avec le temps », « L’île Saint-Louis », « L’espoir ».

Crinière blanche, yeux clignotants, le « ferrailleur du show-biz » n’avait « rien dans les poches, rien dans les mains, tout dans la tronche », comme il aimait à le dire.

Léo Ferré est né le 24 août 1916 dans la principauté de Monaco. Son lieu de naissance lui a valu des regards suspicieux après 68, certains lui reprochant d’être un « anar en Rolls ». Un véhicule qu’il n’a jamais possédé, lui préférant le confort des Mercedes.

Dès l’âge de 4 ans, il s’invente des musiques et dirige des orchestres imaginaires. A 8 ans, son père, très rigide, l’envoie dans un collège catholique sous l’Italie fasciste. Le garçon y subit des attouchements. 

De ce traumatisme d’enfance, naissent l’anticléricalisme farouche et l’allergie à toute forme d’autorité de Ferré.

Élève de philosophie au lycée de Monaco, il étudie le droit à Paris avant de faire son service militaire pendant la « drôle de guerre ».

A la Libération, il fait ses débuts au « Boeuf sur le toit » et donne, peu de temps après, ses premiers concerts pour la Fédération anarchiste. Il chante chez « Milord l’Arsouille » et hante les cabarets de Saint-Germain-des-Près. C’est l’époque des grandes amitiés, celles de Gréco et Queneau.

– Plus enragé qu’engagé –

En 1954, Bruno Coquatrix l’engage à l’Olympia comme vedette américaine de Joséphine Baker. Léo chante « Graine d’ananar », « Le piano du pauvre », « Monsieur William » et « Paris Canaille », qui le rend célèbre.

La même année, il dirige à l’opéra de Monte Carlo sa « Symphonie interrompue » et « La chanson du mal aimé » d’Apollinaire, qu’il a mise en musique. Epris de poésie, il initie toute une génération à Villon, Rimbaud, Verlaine et Aragon. 

Dans une France corsetée, le « Vieux » est un guide pour une jeunesse avide de contestation.

Ferré appelle à la désertion dans une chanson datant de 1961, critique la torture en Algérie dans « Les temps sont difficiles ». Il dénonce le régime franquiste qui sévit dans l’Espagne de 1964, tout en s’opposant radicalement à Fidel Castro.

Dans ses textes sensuels et subversifs, il annonce aussi la révolution sexuelle à venir. En mai 68, il est acclamé à la Mutualité par des jeunes manifestants qui brandissent des drapeaux rouges et noirs.

Mais Léo Ferré est un homme paradoxal, plus enragé qu’engagé, entretenant des rapports complexes avec l’argent ou les femmes.

Ombrageux, il ne fait rien pour se rendre sympathique et ne saura jamais utiliser les médias. Critique précoce de la société de consommation, il est peu invité à la télévision, qui se méfie de ce provocateur. 

Misanthrope, il se réfugie dans un château lotois et sur la minuscule île du Guesclin, au large de la Bretagne, pour écrire entouré d’animaux, dont la guenon Pépée.

Moins consensuel que Brel ou Brassens, il est un modèle pour des générations d’auteurs-compositeurs, de Souchon à Bertrand Cantat en passant par Bernard Lavilliers, avec qui il monte pour la dernière fois sur scène en 1992 lors de la Fête de l’Humanité. 

Installé en Toscane avec sa troisième compagne et leurs trois enfants, Léo Ferré s’est éteint en 1993, à l’âge de 76 ans. Comme un ultime pied de nez, l' »anar » a tiré sa révérence… un 14 juillet.

Le chanteur français Léo Ferré lors d'un concert à l'Olympia à Paris le 2 octobre 1984. © AFP

© ARCHIVES/AFP/Archives PLATIAU
Le chanteur français Léo Ferré lors d’un concert à l’Olympia à Paris le 2 octobre 1984

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