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Natascha Kampusch: dix ans de liberté et d'impossible retour à la normalité

Vienne (AFP) – Dix ans après son évasion de la cave où elle fut séquestrée pendant huit longues années alors qu’elle était enfant, Natascha Kampusch confie peiner a retrouver une vie « normale », en raison notamment de l’intérêt morbide suscité par son calvaire.

Le 23 août 2006, l’Autriche et le monde entier voient réapparaître avec stupéfaction la jeune Autrichienne, enlevée sur le chemin de l’école à l’âge de 10 ans à Vienne, en janvier 1998.

Réduite pendant 3.096 jours à un tête-à-tête avec son ravisseur, Wolfgang Priklopil, elle est parvenue à s’échapper du pavillon de Strasshof, à une trentaine de kilomètres de Vienne, où elle était enfermée et se retrouve sans transition sous le feu des projecteurs.

« J’ai voulu vivre librement comme tout le monde. Mais au bout de six ans je n’osais plus sortir de chez moi. Je ne supportais plus d’être regardée comme une bête curieuse », confie-t-elle dans un nouveau livre paru vendredi en Allemagne et en Autriche, « 10 ans de liberté ».

« Rien ne semble débrider davantage les fantasmes que les maltraitances sexuelles », témoigne cette femme aujourd’hui âgée de 28 ans.

En dépit des souffrances endurées dans un réduit de moins de 6m2 construit par Wolfgang Priklopil sous le garage du pavillon, les marques d’intérêt sont en effet loin d’être toutes amicales.

La jeune femme confie avoir reçu des lettres anonymes ordurières. Dans l’une d’elles, on pouvait lire : « Que fais-tu à la surface parmi nous ? Reste en bas dans ton cloaque, tout en bas, car c’est là ta place ! »

« On ne compatit avec les victimes que si l’on se sent supérieur à elles », confie Natascha Kampusch. Or, c’est précisément son rejet du « statut de victime » qui lui a donné la force de s’évader, relève-t-elle.

Objet d’innombrables rumeurs par le passé – d’une prétendue grossesse infligée par son ravisseur à l’appartenance à une réseau de prostitution infantile -, la jeune femme ne veut aujourd’hui plus se laisser atteindre.

« Ce crime provoque beaucoup d’agressions. Comme je suis la seule personne qui reste, c’est moi qui  les subit, et non le criminel », résume-t-elle. Priklopil, 44 ans, s’était suicidé le soir même de l’évasion en se jetant sous un train.

– Bricolage et photographie –

Selon Natascha Kampusch, la violence de ces réactions peut aussi s’expliquer par l' »impuissance » de certaines personnes à se libérer de leurs propres chaînes et de « la violence qui se cache derrière des façades tout à fait normales et bourgeoises ».

« Pour certaines personnes, je suis apparue comme une provocation. Car la façon dont j’ai surmonté mon enlèvement et ma captivité va au-delà de leurs propres capacités », commente-t-elle.

Issue d’un milieu populaire, la jeune femme pense qu’elle suscite aussi la jalousie en raison de la notoriété même qu’elle a acquise. 

De façon générale, « quand je rencontrais des gens, il était difficile d’avoir une relation neutre, sans préjugés. » Mais « je me suis fait des amis qui ne me considèrent pas juste comme le produit du criminel ou de mes années de captivité », écrit-elle.

Natascha Kampusch dit ainsi aimer recevoir, cuisiner, peindre et bricoler, une passion d’enfance à laquelle son bourreau la laissait parfois s’adonner.

Elle a aussi découvert la photographie, qui lui permet « le temps d’un instant de faire de quelque chose un objet et de ne pas en être soi-même un ».

Reste qu’à 28 ans, la Viennoise se sent mentalement « hors du temps », « ni jeune, ni vieille ». « J’ai raté toute une phase de la vie que je ne pourrai pas rattraper. J’ai pourtant essayé, je suis sortie en boîte car j’aime la musique et je danse volontiers, mais j’ai constaté que ça ne m’apportait pas grand-chose. »

Après s’être brièvement essayée au journalisme TV et s’être engagée dans plusieurs projets humanitaires, notamment au Sri Lanka, Natascha Kampusch reste discrète sur ses projets professionnels. « Je sais dans quel sens ça ira, mais il est trop tôt pour en parler ».

De son ravisseur, elle conserve le pavillon de Strasshof, qu’elle n’habite pas mais dont elle ne veut pas se défaire pour éviter qu’il ne devienne une attraction touristique. « Les gens ont besoin de gens comme Wolfgang Priklopil pour donner un visage au mal qui dort en eux », assure-t-elle.

Natascha Kampusch à Vienne, le 8 août 2016. © AFP

© AFP/Archives JOE KLAMAR
Natascha Kampusch à Vienne, le 8 août 2016

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