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Nice: un tueur à l'intérêt "récent" pour le jihadisme, la France se fige dans le silence

Nice (AFP) – Un attentat « prémédité », commis par un homme à « l’intérêt certain » quoique « récent » pour le jihadisme: l’enquête progressait lundi après la tuerie du 14 juillet à Nice, alors que la France, en pleine polémique sur la politique antiterroriste du gouvernement, s’est figée à midi en hommage aux victimes.

Les investigations montrent que Mohamed Lahouaiej Bouhlel, le Tunisien qui a lancé jeudi son camion sur la foule venue admirer les feux d’artifice sur la Promenade des Anglais, tuant 84 personnes, a « prémédité » son acte, a déclaré devant la presse le procureur de Paris François Molins, à la tête du parquet antiterroriste saisi de l’enquête.

Le chauffeur-livreur avait notamment effectué des « repérages » sur la célèbre avenue, à pied et avec le camion, loué le 11 juillet mais réservé dès le 4. Le jour de l’attentat, il a même pris « plusieurs selfies » sur la Promenade et aux alentours.

Dès le 1er janvier, il avait photographié un article de Nice-Matin titré « il fonce volontairement sur la terrasse d’un restaurant ».

« Aucun élément de l’enquête ne démontre à ce stade l’allégeance » du tueur à l’organisation Etat islamique, qui a revendiqué l’attaque tout comme les attentats du 13 novembre, les plus meurtriers jamais commis en France avec 130 morts.

Mais l’enquête, en particulier l’exploitation de son ordinateur, a permis de déceler un « intérêt certain », mais « récent » pour la « mouvance jihadiste radicale », a poursuivi le magistrat, évoquant un « terrorisme de proximité ».

Selon un témoignage, « depuis huit jours », Lahouaiej Bouhlel, inconnu des services de renseignement, « s’était laissé pousser la barbe » invoquant une signification « religieuse », et « ne comprenait pas pourquoi (l’État islamique) ne pouvait pas prétendre à un territoire », a poursuivi le procureur, en précisant que le tueur avait fait des recherches de « sourates du Coran », sur les fusillades d’Orlando et de Dallas, ainsi que sur l’attaque de Magnanville (Yvelines).

Selon les témoignages qui émergent depuis plusieurs jours, l’homme, violent, était jusque récemment « très éloigné des considérations religieuses », « consommant de la drogue », ayant une « vie sexuelle débridée ».

– Valls hué à Nice –

Lundi midi, au troisième et dernier jour de deuil national, la France s’est figée pour une minute de silence. Signe de l’émotion mêlée de tension régnant dans le pays, le cortège rassemblant Manuel Valls et les membres du gouvernement l’accompagnant à Nice a été hué sur la Promenade des Anglais, sous des cris « Assassins! », « Démission! ».

Des incidents « indignes » dans une cérémonie de recueillement, selon le Premier ministre, qui a dénoncé « l’attitude peu spontanée d’une minorité ». A contrario, les forces de l’ordre et les secours ont été longuement applaudis par la foule, au total quelque 42.000 personnes.

Avant ce moment de recueillement, que François Hollande a observé au ministère de l’Intérieur, le chef de l’Etat avait présidé un troisième Conseil de défense et de sécurité à l’Elysée depuis l’attentat. Il a invoqué une « obligation de dignité et de vérité » dans la « parole publique », en réponse aux attaques de l’opposition.

« Tout ce qui aurait dû être fait depuis 18 mois » et les attentats de janvier puis de novembre 2015 « ne l’a pas été », avait déclaré dimanche soir l’ex-chef de l’Etat Nicolas Sarkozy.

« Le moment viendra où il faudra dire ce qui a été fait depuis plusieurs années pour assurer la sécurité de la France et ce qui a été défait pour mener cette même politique de sécurité », a dit pour sa part le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, allusion aux milliers de suppressions de postes de gendarmes et policiers sous la droite.

– Six gardés à vue –

Six personnes sont encore en garde à vue, soupçonnées d’avoir été en contact avec le Mohamed Lahouaiej Bouhlel ou de lui avoir apporté une aide logistique dans la fourniture du pistolet qu’il a utilisé, selon le procureur. Trois de ces six personnes ont été transférées à Levallois-Perret, près de Paris, pour être interrogées par les services antiterroristes.

L’un des gardés à vue, un homme de 22 ans, a reçu jeudi à 22H27, dans les minutes précédant l’attentat, un SMS du tueur « se félicitant de s’être procuré un pistolet 7.65 » et évoquant la fourniture de « cinq » autres armes, selon des sources proches du dossier. Cet homme est considéré comme l’intermédiaire entre le tueur et un Albanais de 38 ans, arrêté dimanche avec sa femme, soupçonné d’avoir fourni l’arme. Un homme de 37 ans également arrêté dimanche est soupçonné, lui, d’être un destinataire des armes évoquées dans le SMS.

Soixante-quatorze blessés étaient toujours hospitalisés lundi, dont 28 en réanimation, parmi lesquels 19 dont le pronostic vital restait engagé.

Les opérations de médecine légale terminées, reste à achever l’identification formelle des victimes, 71 identifiées à ce jour, a précisé le procureur de Paris. « Les premiers corps ont pu être restitués ce (lundi) matin. »

Bernard Cazeneuve et François Hollande lors de la minute de silence dans la cour de l'Hôtel de Beauvau le 18 juillet 2016 à Paris. © AFP

© POOL/AFP BERTRAND GUAY
Bernard Cazeneuve et François Hollande lors de la minute de silence dans la cour de l’Hôtel de Beauvau le 18 juillet 2016 à Paris

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